La plus grande compagnie de danse contemporaine australienne Sydney Dance Compagny est à Paris jusqu’au 1er avril. L’occasion de découvrir ab [intra], une pièce pour dix-sept danseurs, intense et exigeante au théâtre national de la dance Chaillot.
Parfois, en regardant un spectacle de danse, on trouve ça facile. On est tentés de se dire qu’avec un peu d’entrainement et de volonté, ça ne doit pas être si compliqué de tourner sur soi-même à cette vitesse ou de lever la jambe si haut… Les danseurs ont l’air de faire ça si facilement, avec tant de légèreté et de grâce. Et c’est vrai, quand les interprètes sont particulièrement talentueux, le public peine souvent à imaginer l’effort déployé. C’est fait exprès, c’est leur métier. ab [intra], présentée au Théâtre de Chaillot à Paris jusqu’au 1er avril par la Sydney Dance Compagny, n’est pas de ces spectacles-là.
Dans cette pièce de plus d’une heure trente, on sent, on voit, on ne peut que constater l’engagement physique des interprètes. En petits groupes ou tous réunis sur scène, la chorégraphie athlétique de Rafael Bonachela n’a de cesse de repousser les limites physiques. Sur la musique de Nick Wales (et des extraits de Klātbūtne (“Presence”) de Pēteris Vasks), les portés hallucinants de complexité s’enchainent, les corps ne cessent de se mouvoir, de s’entrelacer pour mieux se démêler le tout à une vitesse impressionnante. Les muscles se contractent à chaque instant, les dos se tendent, le souffle s’accélère.
A dire vrai, l’ensemble peut parfois frôler l’overdose. Il arrive qu’on ne sache plus où donner de la tête. On aimerait même de temps à autre les voir évoluer plus lentement voire ne plus bouger du tout. Les moments de repos sont rares et, quand ils surviennent, ils subjuguent. La pièce gagnerait à plus les exploiter.
Duos de choc
Conçue pour dix-sept danseurs, ab [intra] contient de nombreux passages de groupes mais également trois duos masculin/féminin qui constituent les moments les plus fort du spectacle. Bien que fonctionnant sur des registres différents, ces duos dégagent tous une sensualité extrême. Les corps se cherchent, se trouvent, s’explorent le tout sublimé par la fabuleuse création lumière de Damien Cooper. Là encore, le mouvement exigeant et quasi acrobatique dessert parfois la virtuosité. Mais le sentiment d’admiration devant la performance des danseurs l’emporte.
Non, on ne sort pas d’ab [intra] en s’imaginant soi-même danseur ou danseuse. Mais on repart gorgé d’admiration pour ceux qui ont la chance, le talent et l’abnégation de l’être.
« ab [intra] » de la Sydney Dance Company sur une chorégraphie de Rafael Bonachela. Au Théâtre national de la danse – Chaillot jusqu’au 1 er avril. Durée : 1h10. Tarifs : 8-43€.