Pour son troisième long-métrage, Thierry de Peretti quitte la Corse et pose sa caméra entre la France et l’Espagne, pour proposer un regard tout en distance sur une affaire d’État.
C’est un hasard qui tombe bien. En 2008, Olivier van Hoofstadt réalise Go Fast, film d’action plutôt banal mais tout de même de bonne facture. Roschdy Zem y campe un policier infiltré chargé de démanteler un réseau de stupéfiants qui s’alimente via des convois de grosses cylindrées roulant à grande vitesse. Cela le mène notamment à rencontrer le cerveau du réseau dans la région de Marbella, en Andalousie.
Thierry de Peretti a décidé d’ouvrir son film avec le même acteur, au même en endroit. Roschdy Zem, qui joue également le rôle d’un flic infiltré sur une affaire de stupéfiants, se réveille d’un sommeil soucieux, au crépuscule. Cette fois-ci, l’histoire est plus complexe. Surtout, elle a bel et bien existé.
Le réalisateur corse se saisit d’une affaire vieille d’un peu plus de dix ans. Celle de François Thierry, dans le film Jacques Billard (Vincent Lindon), taulier des stups français, qui sous prétexte de lutte contre le traffic le facilite. En réalité, il s’arrange, notamment avec un de ses indicateurs, l’un des barons européens de la drogue, Sofiane Hambli. À la clé, notamment, une belle publicité pour les stups, des chiffres de saisie records. Les ministres de l’Intérieur successifs viennent constater l’efficacité des services.
Confidence pour confidence
Mais en réalité, c’est un système frauduleux et illégal qui est en place. On demande parfois à des inflitrés de décharger ou de garder des tonnes de produits stupéfiants dans des villas andalouses. C’est le cas d’Hubert Avoine — simplement rebaptisé Hubert Antoine dans le film — qui va tout balancer. À un journaliste de Libération, d’abord dans un café parisien, puis par mail. C’est sur cette relation que Thierry de Peretti va concentrer sa caméra et son scénario, co-écrit avec Jeanne Aptekman.
La promesse d’un polar musclé – auquel on pourrait s’attendre à l’évocation du titre – s’évapore très vite. Les plans larges, très distanciés, balayant parfois doucement le champ, se focalisent sur la conduite de cette enquête : durant les conférences de rédaction du quotidien Libération, à la rencontre de magistrats espagnols, jusqu’au procès en diffamation initié par Jacques Billard à l’encontre du quotidien.
Surtout, Enquête sur un scandale d’État se met en scène la relation particulière qui se met en place entre le journaliste et l’infiltré. Dans des rôles à contre-emploi, Pio Marmaï excelle en journaliste quelque peu fébrile face à ses découvertes. Il oscille entre fascination et perplexité à l’égard d’un Roschy Zem, stoïque, louche peut-être, parfois sanguin, endossant le rôle du défunt Hubert Avoine.
Cette relation est mise en valeur par de longues scènes de discussion dans une chambre ou à une terrasse au bord du Lac Léman, à une table isolée dans une boîte de nuit de Marbella, lors de la promotion du livre que le journaliste signe pour révéler le scandale.
Au-delà de ces rapports, c’est le journalisme d’investigation que s’attache à questionner, du moins à relater, le réalisateur. Le film se focalise également sur les fondations historiques des systèmes d’action de la police française. Enquête sur un scandale est une proposition originale, grâce à laquelle Thierry de Peretti démontre qu’il est un grand réalisateur hors de ses terres.