LITTÉRATURE

« La traversée des sangliers » – Un froid impitoyable

La traversée des sangliers
© éditions Picquier

Avec La Traversée des sangliers, Zhang Guixing trace un portrait cru des exactions japonaises commises à Bornéo pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est une véritable guérilla qui se déclare en réponse à cette invasion, décrite avec une alternance de poésies sauvages, de sagesses chinoises et de descriptions détachées, documentaires.

Bornéo, 4ème plus grande île sur Terre, située dans l’archipel malais, regroupe immigrés chinois, japonais, autochtones Dayaks et quelques européens perdus. Dans cette jungle tropicale vivent les habitants du Bouk aux sangliers, théâtre principal des actions du roman.

Ses habitants, comme la propriétaire de bar Lolo la brioche, ou le chasseur-cueilleur Kwan la face rouge, entretiennent une lutte sans répit contre les déferlements incessants des sangliers sur le petit village. Mais leur ennemi le plus dévastateur reste à venir  : les Monstres arrivent.

Les têtes tranchées par les parangs et les katanas tombent comme la pluie lors de la mousson. C’est un véritable défilé incessant de violence qui avance devant nos yeux au fil des pages. Les hommes sont tués sur le coup, les femmes souvent capturées pour servir d’esclaves sexuelles aux soldats japonais. Un des moments marquants est ainsi le récit de la captivité de Ho-ngi, passant ses journées dans une case sombre, les jambes écartées, alors qu’une file de soldats défile sur elle, jour après jour, pendant des mois.

«  Elle commença à espérer ardemment le bombardement quotidien des Alliées, si les bombes ne lui tombaient pas sur la tête, au moins qu’elles fassent des trous dans le toit elle pourrait, pendant que les monstres lui grimpaient dessus, regarder ce front de ciel généreux et clair, ce cerveau cosmique infini.  »

La Traversée des sangliers, Zhang Guixing

Mais ce sont aussi des moments d’allégresse et de légèreté.

Poésie sauvage

Zhang Guixing décrit un Bornéo ultra-réaliste, mais y dessine en filigrane le surnaturel  : vampirisme, magie noire ou simplement hallucinations dues au manque d’opium. C’est sans doute lorsqu’au détour d’un chapitre l’on croise une tête volante en quête de sang que tout le talent de l’auteur est le plus visible. Il parvient à nous offrir une œuvre à la fois historique et détâchée, mais aussi profondément ancrée dans la réalité des mœurs qu’il décrit.

Et même si l’auteur est lui-même sino-malais comme la plupart des personnages qu’il écrit ici, tout est gris, chaque personnage est ambivalent. Si bien qu’on ne peut pas vraiment s’attacher à aucun personnage, il n’y a pas de héros.

La Traversée des sangliers de Zhang Guixing, éditions Picquier, 23 €.

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