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« La réponse des hommes » : peut-on encore faire œuvre de miséricorde ?

© Simon Gosselin

Tiphaine Raffier dresse le portrait d’une société fragile dans laquelle les hommes et les femmes cherchent des réponses. Un spectacle difficile qui interroge notre capacité d’empathie.

Décidemment, le Décalogue de Krzysztof Kieślowski n’en finit plus d’inspirer les metteurs en scène français. Julien Gosselin et Lorraine de Sagazan planchaient tous deux dessus avant le confinement. C’est maintenant au tour de Tiphaine Raffier – parfois actrice chez Julien Gosselin – de confesser s’y être largement intéressée avant d’écrire La réponse des hommes. Mais c’est toutefois une autre œuvre « chrétienne » qui est au cœur de ce nouveau spectacle : les Œuvres de miséricordes.

Il s’agit des sept actions spirituelles et corporelles que tout bon chrétien se doit d’accomplir : « Vêtir ceux qui sont nus », « Donner à manger aux affamés » « Donner à boire à ceux qui ont soif » ou encore « Assister les malades » ainsi que « Visiter les prisonniers ». Dans une succession de scènes, Tiphaine Raffier place une galerie de personnages face à l’essence de ces commandements. Se faisant, elle interroge profondément la nature humaine et questionne l’acte de miséricorde et la nature de la bonté. 

« Nous sommes désolés »

Tiphaine Raffier  © Simon Gosselin

Le spectacle se divise en plusieurs tableaux, chacun intitulé d’après une des œuvres de miséricorde. Les personnages sont confrontés à différentes situations : la maternité, la guerre et l’asile, la cupidité, l’addiction, le cyberharcèlement, la maladie ou la pédophilie. Mais chaque séquence est interrompue à un moment donné par une sirène assourdissante puis l’apparition d’affiches avec de grands triangles proclamant « NOUS SOMMES DÉSOLÉS ».

On n’en sait pas vraiment plus mais on reconnait les codes de l’activisme politique. Des terroristes ? Des écologistes ? Quelque chose fait penser à Extinction Rebellion. À chaque fois, l’urgence du présent, de la revendication, semble percuter le destin de ces hommes et femmes. Ils cherchent à se comprendre, à construire leur destin, à être bons parfois mais n’ont jamais le temps. Peut-être est-il déjà trop tard ?

Un spectacle difficile

La réponse des hommes est un spectacle difficile, souvent sombre et qui traite de sujets complexes. La seconde partie en particulier, quasiment entièrement consacrée à la question du traitement médical et psychologique des pédophiles peut s’avérer particulièrement éprouvante. C’est pourtant là que ce spectacle s’avère le plus convaincant. Cette deuxième partie regorge de vraies idées de mise en scène, de plus de poésie aussi. Le niveau de jeu des acteurs s’élève sensiblement, peut-être parce que le sens des scènes est plus évident.

On se recentre sur quelques personnages, on allège le fond sans simplifier les enjeux. L’ensemble permet à Tiphaine Raffier de vraiment laisser la possibilité au spectacle d’éprouver toute la complexité du sentiment de miséricorde. Elle parvient à souligner tout ce qui le sépare du pardon, de la compassion ou de la pitié. Elle soulève les vraies questions : qui faut-il sauver ? Faut-il pouvoir choisir ? En aura-t-on simplement le temps ? On peut regretter la fin, un peu donneuse de leçon sur la situation écologique – et morale – des êtres humains. Le spectacle aurait gagné à conserver plus de mystère sur ces « NOUS SOMMES DÉSOLÉS ». Mais on pardonne. 

« La réponse des hommes » de Tiphaine Raffier. Au Théâtre Amandiers Nanterre jusqu’au 28 janvier. Durée : 3h20 avec entracte. Tarifs : 5-30€. Informations et réservations : ici

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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