CINÉMALITTÉRATURE

« Chansons et poèmes de Paul Vecchiali » – Ô mon amour

Pascal Cervo et Paul Vecchiali dans « Faux accords » © Dialectik
Pascal Cervo et Paul Vecchiali dans « Faux accords » © Dialectik

L’éditeur Unicité a la bonne idée de publier un recueil des poèmes et chansons de Paul Vecchiali. On y retrouve sa manière de jouer avec les mots et une mélancolie qui habite les poèmes finaux.

C’est une partition qui défile sur la première page du recueil Chansons et poèmes de Paul Vecchiali. Les notes de musique sont soutenues par des lettres qui tressaillent au gré des mesures. Cette construction presque mathématique doit s’intégrer à la dialectique d’un film. Pour Paul Vecchiali, ce premier film, c’est Les ruses du diable. Plane sur la chanson Les cousettes comme un air du destin pour ces femmes qui n’échappent à leur quotidien que par l’entremise du récit amoureux. Le compagnonnage des femmes, sur le mode de la rivalité ou de la solidarité, est un thème récurrent dans l’œuvre du cinéaste.

Le personnage de Marianne Basler dans Rosa la rose, fille publique poursuit cette réflexion dans une chanson où les paroles semblent plus lucides sur le dessein des hommes : « Dieu, ce s’rait si facile si on pouvait croire en vos chimères  ». Personne n’est dupe mais le jeu en vaut la chandelle, surtout depuis que Roland Vincent s’occupe de la musique dans les films de Paul Vecchiali. Il a travaillé avec Michel Delpech et a un sens du rythme qui s’allie parfaitement à la valse des mots du réalisateur. Pour profiter pleinement du recueil, il faut accompagner la lecture des textes par l’écoute des chansons. Il n’est cependant pas évident de les retrouver, à moins de disposer des films chez soi. Cette activité permet d’ailleurs de déceler quelques petites erreurs (« se démènent » se transforme en « se déchaînent » dans la chanson Tic-Tac) qui ne nuisent absolument pas au plaisir général.

Juste une mise au point

La puissance d’incarnation n’est évidemment pas perceptible à la lecture qui aplanit les émotions, les couche pour mieux faire ressortir la mécanique de construction. Les couplets sont ciselés et les refrains restent en tête. Les textes qui bouleversent le plus sont peut-être ceux écrits pour En haut des marches, le beau film autobiographique de Paul Vecchiali. Danielle Darrieux, qui joue le rôle de la mère de Paul, se lamente de la disparition de l’être aimé. C’est un femme qui déambule dans Toulon, à la recherche de fantômes qui la tourmentent.

Maintenant je sais

Tu disparais

Et ton image me quitte

Tu n’es plus pour moi

Qu’un nuage pressé

Que le vent du matin

Détruira pour jamais

La complainte de Charles (1983)

Délaissés de la musique, les textes prennent une autre dimension. Le caractère irréel du final de Once more devient ici plus funeste. Le mariage a une gueule d’enterrement où l’on chante l’espoir. On souffre plus qu’on ne ressent de la joie. Comme chez Jacques Demy, les chansons des films de Paul Vecchiali déploient plusieurs lectures. Derrière le vernis parfois naïf se cache une profonde mélancolie et un mal être au monde. On chante pour oublier la mort, qui guette chaque personnage de son immense filmographie. Dans son tout dernier film intitulé Pas…de quartier, Mona Heftre chante devant le cadre d’un homme défunt. Celui qu’elle a aimé n’est plus et elle joue de sa voix pour pardonner.

De grandes chansons

Dans la dernière partie de la filmographie de Paul Vecchiali, la chanson Ô mon âme marque un moment important. Roland Vincent n’étant pas disponible pour ce film, le cinéaste demande à son monteur de s’atteler à la tâche. En résulte une sublime partition où les cordes, dans une version alternative, viennent accompagner un texte plein d’espérance.

Je peux passer des nuits blanches

A vous espérer

Serez-vous là chaque soir

Sur la jetée

Ô mon âme (2013)

Quelques poèmes

À la fin du recueil, vingt-cinq poèmes s’enchaînent dans un même élan. Pas de dates d’écriture mais quelques mots en guise de conclusion provisoire. Le premier intitulé La routine a probablement été écrit récemment, à l’heure où le cinéaste ressent davantage les pressions exercées sur le corps par la vie. Le texte est rude, n’épargne pas cette routine qui est comparée à une « mort à petits feux ». Seulement, après la routine, que reste-t-il ? La mort, rien de plus.

Le deuxième poème, dédiée à une femme du nom de Marguerite, est bouleversant. Le temps a passé et les souvenirs restent : « Le chemin du bonheur est sans aller-retour ». Tout le reste est du même niveau. Exigeant dans le style et troublant par sa simplicité apparente, ce chapitre dédié aux poèmes est la plus belle partie du recueil. Il justifie à lui seul cette belle entreprise dans laquelle s’est lancé l’éditeur Unicité, épaulé par Étienne Ruhaud qui dirige la collection « Éléphant blanc ».

Mocaer François « PAGE PAYSAGE

Chansons et poèmes de Paul Vecchiali, Editions unicité, 2021, 20 euros.

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