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« Un sacre » de Lorraine de Sagazan : morne veillée funèbre

© Christophe Raynaud de Lage

Au TGP Saint-Denis, Un sacre de Lorraine de Sagazan met en scène neuf histoires autour de la mort. Un spectacle qui fait écho à notre actualité mais qui peine à émouvoir et s’embourbe dans son sujet.

Avant le covid, Lorraine de Sagazan travaillait sur une mise en scène du Décalogue du cinéaste polonais Krzysztof Kieslowski. Elle n’était pas la seule. Julien Gosselin aussi y travaillât avec les élèves du TNS de Strasbourg. Pandémie et fermeture des théâtres obligent, aucune des deux versions n’a vu le jour. Pour rebondir, Lorraine de Sagazan et son co-auteur Guillaume Poix ont choisi de prendre le sujet à bras le corps. Ils ont compté, cette histoire de Covid leur a fait perdre trois cents jours. Ils ont donc profité de ces lieux de culture fermés pour rencontrer autant de personnes, trois cents au total. L’ambition : parler avec eux de ce qui se passait dans leur vie, de comment ils parvenaient à faire face à cette période si étrange. Surprise (ou peut-être pas du tout  ?), quasiment toutes les personnes rencontrées ont évoqué la mort. Celle due à la Covid évidemment mais pas que. Comme si, ce temps suspendu où l’on égrenait chaque jour les décès avaient ouvert une brèche.  

Des personnages en quête d’auteur

De ces trois-cent témoignages, Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix en ont retenu neuf. Neuf commandes de personnes qui ont eu à faire à la mort et qui voulaient que leur histoire soit racontée. L’occasion de questionner l’évolution de notre rapport à la mort et de nos coutumes.

Sur scène, ce qui ressemble à un ancien théâtre désaffecté. On reconnait un plancher, des fenêtres envahies par de la végétation, un reste de rideau de scène. On y rencontre successivement Georges, la soixantaine et un Alzheimer précoce qui souhaite se faire euthanasier en Suisse. Kali, une jeune fille qui n’arrive pas à surmonter la mort de son premier amour, une petite fille réfugiée décédée à 12 ans d’un cancer. Thomas, qui a été sauvé de la noyade par un homme décédé quelques instants après (récit de loin le plus poignant), etc.  Cette diversité dans «  l’expérience  » de la mort pourrait faire toute la richesse du spectacle. Malheureusement, cette recherche de variété ne semble destinée qu’à atteindre une sorte d’exhaustivité des situations impossible à atteindre. Surtout, si sur le fond les morts sont tous différents, la réaction des vivants est souvent la même. C’est en tout cas de cette manière que sont dirigés les acteurs qui semblent tous plongés dans une sorte de frénésie de sentiments et de mots qu’ils finissent tous par hurler. N’y a-t-il pourtant pas des survivants apathiques et silencieux  ? Ne sont-ils pas la majorité  ?

© Christophe Rayaud de Lage

L’énergie des vivants

Par moments, le spectacle s’illumine. Les comédiens sont plein d’énergie et, lorsqu’elle est maitrisée, ce n’est pas désagréable. Certains des récits élus parviennent à toucher, à faire rire voire à emporter le public. Ainsi, lors de la représentation du 26 novembre celui-ci a largement répondu aux invitations des acteurs (peut être au-delà de leurs espérances d’ailleurs, ce qui n’était pas sans créer une certaine gêne). Mais cet engagement, cette volonté de bien faire et d’offrir un sacre à ces morts comme à ces vivants, ne suffit pas. Elle est aussi gâchée par des choix de mise en scène qui relèvent plus de la facétie. C’est notamment le cas des passages chorégraphiés par Sylvère Lamotte. Très convenus, ces moments traduisent également une vision éculée du rite, forcément physique ou quasi-chamanique. Il est indiscutable que, pour les neuf personnes dont les récits ont été choisis par les auteurs, il y aura un avant et un après cette pièce. Pour le reste du commun des mortels en revanche…

Un sacre, texte de Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix, mis en scène par Lorraine de Sagazan. Au TGP-Saint-Denis jusqu’au 4 décembre. Durée : 2h40 sans entracte. Informations et réservations : ici

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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