CINÉMA

« Rose » – Navrant récit d’émancipation

Rose
© Apollo Films

Aurélie Saada, ex-Brigitte, signe avec Rose un premier film mettant en scène l’émancipation d’une vieille dame peu autonome au lendemain de la mort de son mari. Un premier film à la philosophie ambigüe et aux défauts d’écriture nombreux.

On attendait Rose avec impatience. Le premier film de l’ancienne chanteuse du génial duo Brigitte, Aurélie Saada, présentait un synopsis enthousiasmant. Un film sur la vieillesse, celle d’une femme élevée dans la tradition juive – la formidable Françoise Fabian – qui au lendemain de la mort de son mari se retrouve seule et sans idée quant à ce que sa vie va devenir. C’est ainsi qu’Aurélie Saada nous fait découvrir le folklore d’une famille de juifs tunisiens, compose une musique orientale spécialement pour immerger son spectacteur dans l’atmosphère culturelle de cette famille.

Au lendemain d’un mariage, le mari de Rose, s’éteint d’un cancer. Celle-ci se retrouve complètement désabusée, ne se trouve plus vraiment de raison de vivre, cesse de se laver. Ses trois enfants jasent – elle se laisse trop aller – essaient de l’épauler  : on lui offrira un spa plutôt qu’une séance chez le psy. Jusqu’ici tout va bien.

Défauts de rythme

Si l’histoire de Rose commence théoriquement, comme tous les récits d’émancipation, au lendemain de l’évènement qui marque un tournant symbolique dans la vie du personnage principal, le tournant tarde à être pris dans Rose. Françoise Fabian erre durant les trente premières minutes du film, jusqu’à atterrir dans une navrante scène de dîner en ville. Sa fille (Aure Atika) tente de la remettre d’aplomb et lui proposer de dîner avec ses amis. Une scène qui est réellement arrivée à Aurélie Saada, qui a vu sa propre mère, nouvellement veuve, être émerveillée en faisant la rencontre de Marceline Loridan, ancienne rescapée de la Shoah et mamie «  cool  » qui boit, fume des pétards à table et parle de cul comme une adolescente.

La scène est donc retranscrite telle quel dans le film, une fausse Marceline qui à presque quatre-vingt-dix ans enchaîne les shots de vodka. Puis demande à un autre invité de lui rouler un joint. Dans cette scène de dîner interminable, Aurélie Saada a tenu à inviter ce qu’on devine être toutes ses amies, autant de personnalités du paysage médiatique sans lien avec le cinéma. Autour de la table, la chroniqueuse musicale Aline Afanoukoé, la productrice de radio Adèle van Reeth, la bédéaste Pénélope Bagieu… entre autres dialogues un brin navrants, à l’autre bout de la table, Adèle van Reeth demande à Rose, «  et toi, c’est quoi ton rêve  ?  »

Philosophie douteuse

Ni une, ni deux, après ce dîner – dont on a cru qu’il ne finirait jamais tant la scène fut longue –, Rose se décide à reprendre sa vie en main. Par reprendre sa vie en main, entendez boire beaucoup d’alcool, avec des inconnus plus jeunes surtout. Mais pas que. Entendez aussi draguer comme une jeune première le garçon de café pour ensuite avoir une histoire sans lendemain avec l’intéressé «  qui aurait l’âge d’être [s]on fils  », rentrer à pas d’heures et s’effondrer ivre morte sur le parquet de l’appartement.

Si les intentions d’Aurélie Saada sont louables, on est en droit de se questionner le message que porte ce premier film. Le scénario, ici, suggère que reprendre «  le contrôle  » de sa vie, s’émanciper et (re)trouver le bonheur implique de mimer la vie… d’une adolescente de seize ans. Drôle de manière de contredire l’âgisme et ses stéréotypes.

Journaliste

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