CINÉMA

« Matrix Revolutions » – Entre les mondes

Matrix
© Warner Bros

RÉTRO MATRIX – Avant Matrix Resurrections, la rédaction de Maze vous propose une relecture de la saga culte des sœurs Wachowski. Avec Revolutions, la saga va plus loin que sa propre conclusion. Exaltant et romantique, une lumière plus qu’un crépuscule.

Dans l’élan d’un univers en constante réinvention, que voudrait alors signifier sa conclusion  ? Même s’il est facile maintenant de dire que Revolutions, à l’aube de Resurrections, ne soit plus réellement la fin de la saga, ce troisième volet nous dit tout de même quelque chose de ce que pourrait signifier une fin. En 1999, il fallait sortir de la Matrice. Dans Reloaded, faire le chemin inverse pour mieux réincarner son histoire. Ici, dans Revolutions, aucun trajet d’un medium à un autre. C’est la possibilité de vivre entre les deux. Pas de manière séparée, puisqu’il faut faire corps. La Matrice n’est pas détruite, mais la réalité est en paix. La fin serait une union.

C’est ainsi que les formes de Matrix, elles, ont trouvé une finalité. Dans ce torrent d’effets spéciaux kitsch issus de scènes plus spectaculaires les unes des autres, la forme wachowskienne trouve dans Revolutions une conclusion épique, au-delà même des révolutions de Reloaded. Ce troisième volet passionne pour ce qu’il énonce comme conclusion en tant qu’image. De la bataille de Zion jusqu’à l’affrontement final entre Néo et Mr. Smith, une action de tous les instants, rallongée jusqu’à plus soif. Un jusqu’au-boutisme qui assume ses limites et son ambigüité. Cela rappelle que l’image de la saga, comme son concept et ses personnages, pouvait, en effet, se révéler elle-même. La saga Matrix, au-delà de son histoire, se serait trouvée quelque part.

Matrix
Duel final / © Warner Bros

De l’autre côté du miroir

Entre les mondes, donc. Faire harmonie, converger les formes des mondes, assembler. Ne faire qu’un. Ici se situe donc la révolution. Et pourtant, ce film va encore plus loin dans la fameuse redéfinition qui émaille la saga. Dès l’écran titre, le code vert et noir et de la Matrice laisse place à une explosion dorée. Une référence à ce que Néo pourra voir dans sa cécité provoquée par l’agent Smith. «  Voir au-delà de ce que tu vois », cela n’a jamais été aussi vrai que dans Revolutions. C’est d’ailleurs dans ce même affrontement contre Smith que Néo est invité par ce dernier à voir au-delà de la chair humaine, dans la réalité, qui recouvre désormais son ennemi. Nouvelles visions, nouvelles images. Dans ce raccord virtuel-réel tout simplement exaltant, faisant passer la forme de l’autre côté du miroir.

Autre idée de transition, celui entre les deux derniers segments du film. La bataille de Zion, et l’affrontement final dans la Matrice. Enchainement épique, musique déchaînée, spectacle libéré. Affranchi de tout développement, sans cacher ses enjeux, le film devient la traduction d’une folle envie d’action et de mise en scène de la part des sœurs Wachowski. D’où ce rallongement qui, et on le comprend, peut faire piquer du nez. Mais ces scènes sont motivées par un désir de cinéma qui nous rappelle les scènes les plus inventives de Reloaded, et même du premier film. La passion, elle aussi, se concrétise. Revolutions dit quelque chose sur l’importance d’une saga, au-delà de sa réinvention constante, de se trouver quelque part. Il est en ce sens le plus romantique de la saga.

Matrix
Au-delà de la chair / © Warner Bros

Réécriture

L’au-delà motivé par une traversée entre les formes, afin de mieux les assembler. Et par-dessus ce tissage d’une passion rare, que désigne cet assemblage  ? La finalité de chacune des deux scènes finales, en plus du plan final, ne tient pas sur une action mais sur le choix de la spiritualité. Dans la lignée de Reloaded, ce troisième volet énonce que la concrétisation de sa propre forme désigne une croyance. Le jeune Yarn, avant d’ouvrir la grande porte permettant à la race humaine de gagner la bataille de Zion, dira ceci : « Néo, j’ai foi en toi ». Morpheus, réalisant que Néo a instauré la paix, voit la prophétie se réaliser sous ses yeux et semble ne pas y croire : « Est-ce réel  ? ». Enfin, l’Oracle, comme si elle savait tout depuis le début, répond : « J’avais la foi, j’avais la foi ».

Voilà peut-être ce que désigne cette fin : croire aux histoires que l’on raconte. Bien d’autres fictions et artistes dans l’histoire récente du cinéma ont formulé cela de manière plus subtile et bouleversante (David Lynch, Damon Lindelof, M. Night Shyamalan…). Cependant, là où Matrix détonne, c’est cette envie furieuse, étirée, passionnée voire militante des sœurs Wachowski de donner corps, aussi, aux images qui sont les leurs. Ce geste est bien le leur.

Matrix
Conclusion, engagement / © Warner Bros

Elles s’approprient la Matrice comme ses personnages l’ont transformée. Les nuages de couleurs clôturant cette trilogie n’est alors que la traduction d’une passion ancrée dans la fiction. Une foi en ce qui est écrit et mis en scène, laissant ainsi le choix au spectateur, comme des humains sortant de la Matrice, de voir au-delà de ce que l’on désire. Une réécriture de l’histoire du point de vue des cinéastes. Avec les répétitions et convocations que promet Resurrections, la saga peut elle aussi voir au-delà de ce qu’elle est.

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