CINÉMA

Arras Film Festival « Les Jeunes amants » : La force du désir

Les Jeunes amants
© Ex Nihilo Kare

Avec Les Jeunes Amants, Carine Tardieu s’approprie une belle histoire d’amour, en adaptant le scénario de la regrettée Sólveig Anspach. Présentée en avant-première à l’Arras Film Festival, la délicatesse du couple formé par Melvil Poupaud et Fanny Ardant nous est offerte le temps d’un film.

Pierre (Melvil Poupaud) est médecin. Il vit à Paris avec sa femme Jeanne (Cécile de France) et leurs deux enfants. Travaillant tous deux au sein du même hôpital, leurs quotidiens professionnels éreintants, contrastent avec leur paisible vie de famille pleine d’amour. Une nuit particulièrement rude, Pierre s’entretient quelques instants avec une femme mystérieuse, avant que celle-ci ne s’évapore. La vie suit son cours, jusqu’à ce que des années plus tard, leurs chemins se croisent à nouveaux. Shauna (Fanny Ardant) lui semble familière. Troublé, elle n’a en réalité jamais vraiment quitté ses pensées. Leurs entrevues deviennent dès lors plus en plus fréquentes, et ce, non par hasard. Pierre le provoque, d’abord innocemment et puis de plus en plus délibérément.  

Jeanne (Cécile de France) et Pierre (Melvil Poupaud) dans Les Jeunes amants
© Ex Nihilo Kare

Shauna, femme d’âge mûr, n’envisage point que cet homme, considérablement plus jeune, puisse s’intéresser à elle. Qu’il puisse la considérer dans toute sa féminité, outrepassant quelconque notion d’âge. Elle résiste à ce désir qui l’habite par pudeur, par crainte d’attachement et d’abandon. Et puis, tels de jeunes amants, ils se dansent autour, se découvrent, s’attachent. Mais toutes les bonnes choses ont une fin. Seront-ils l’exception à la règle  ?

Fanny Ardant incarne celle qui n’a rien perdu de sa beauté, de sa jeunesse, de son esprit. Et à juste titre  : quelle sombre idée de penser que le corps s’expire. La beauté n’a pas d’âge. Quel soulagement de découvrir une narration qui s’articule autour non de la femme vieillissante, mais de la femme dont la puissance est au-delà celle du temps. Cette représentation où la femme est aimée malgré les différences d’âge et d’horizons. Cette représentation-ci, où le désir masculin sain et sincère, se porte vers une femme qui ne se condamne qu’elle-même.

Alchimie rythmée

L’amitié que Pierre entretient avec George (Sharif Andura) son bras-droit, constitue une belle opposition à l’idylle naissante entre les jeunes amants. Elle mesure les échanges et les rapports, par la réticence de George à l’encontre de cette relation extra-conjugale. Leur complicité porte le souffle du rire comme exutoire que nécessite le fond tragique de cette narration. Le couple Poupaud-Ardant fonctionne à ravir, l’alliance France-Poupaud est sincère, la relation Poupaud-Andura apporte de la légèreté à ce film d’amour. Le positionnement de chaque personnage permet de couvrir le spectre des possibles. Là où certains voient de quoi rire, d’autres se réjouissent. Une manière adroite de représenter les mailles de la convention. De mettre au centre la peur du regard des autres. Celui que redoute de discerner Shauna dans les yeux des autres, à son égard.

Shauna (Fanny Ardant) dans Les Jeunes amants
© Ex Nihilo Kare

Il pleut dans mon cœur, comme il pleut sur la ville écrivait Rimbaud. Ici, une place proéminente est accordée à ces longues coulées d’eau venues du ciel. Quelle que soit la géographie de la scène, l’eau s’y immisce élégamment. Véritable accélérateur d’émotions, elle mène aux strictes vérités. Parallèlement, la musique impulse une énergie, un rythme qui ne fait que croître au cours des scènes, jusqu’à se mêler à la grande alchimie des rôles.

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