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Le rouge et le noir à l’Opéra de Paris, un ballet en demi-teinte

© Svetlana Loboff / OnP

L’Opéra de Paris accueille dans son répertoire un nouveau ballet classique. Signé Pierre Lacotte, cette adaptation du chef-d’œuvre de Stendhal Le Rouge et le Noir séduit avant tout par son ambition et ses décors, mais peine à convaincre pleinement. 

Cinq ans de réflexion. C’est le temps qu’il aura fallu à Pierre Lacotte pour enfin réussir à monter Le Rouge et le Noir. Depuis plusieurs années, il était en pourparlers avec l’Opéra de Paris pour créer ce nouveau ballet. De son côté, l’institution accumulait les situations difficiles (grèves, gilets jaunes, covid) et soufflait le chaud et le froid sur le projet du chorégraphe octogénaire. Finalement, la directrice de la danse Aurélie Dupont a convaincu le nouveau directeur de l’Opéra Alexander Neef : le ballet a pu enfin voir le jour.

Adaptation à demi réussie 

Évidemment, faire rentrer l’œuvre de Stendhal en 3 h 15 avec deux entractes de 20 min n’était pas une mince affaire. Sur le plan de la narration, on peut dire que le contrat est rempli. Pierre Lacotte a réalisé des coupes intelligentes. Il est parvenu à faire ressortir des personnages clés (Julien Sorel, Mme de Rénal, Mathilde de La Môle, la servante Elisa) afin de servir la dramaturgie du ballet tout en restant fidèle à l’esprit du roman.

Tous ces efforts sont toutefois un peu gâchés par le choix de la musique. Au lieu de sélectionner une œuvre de musique classique complète ou, encore mieux, de créer une toute nouvelle partition, Pierre Lacotte a choisi de rassembler des œuvres de Jules Massenet. D’une part, Massenet est loin d’offrir la puissance d’un Tchaïkovski ou d’un Prokofiev. D’autre part, le projet butte aussi sur l’adéquation entre le florilège musical et les évolutions de la scénographie.

Le choix du « collage » impose de multiples silences durant le spectacle qui en brisent complètement le rythme et la fluidité. À intervalles très réguliers, tout le public de l’Opéra Garnier se retrouve plongé dans le noir, dans un silence total, en attendant un changement de décor (au demeurant magnifiques) et le début d’une nouvelle musique…  

Tableaux inégaux 

En ce qui concerne les interprètes, ils sont admirablement servis par les décors et costumes. Des toiles entièrement noires et blanches (à l’exception de la toute dernière) représentent les différents lieux. Il y a le  château de Monsieur et Madame Rénal (où Julien Sorel intervient d’abord comme précepteur), le séminaire dans lequel on le contraint d’aller après le scandale avec Mme de Rénal, la demeure parisienne du Marquis de La Môle…

Les costumes, très classiques, n’en demeurent pas moins magnifiques et les robes très colorées. Ils permettent aux danseuses de se détacher avec élégance du décor. Dans certains tableaux, l’alliance de l’ensemble donne lieu à de somptueuses images. On retient notamment la très réussie scène du séminaire non dénuée d’érotisme où une dizaine de danseurs habillés en séminaristes expriment toute la dureté et l’exigence de leur vie au service de Dieu.

© Svetlana Loboff / OnP

Cependant, la magie n’opère pas systématiquement et les scènes de danse collective sont souvent longues et répétitives, sans grande virtuosité technique. Tous les pas de deux ne sont également pas réussis (néanmoins celui de la chambre à coucher entre Mme de Rénal et Julien Sorel au premier acte reste quand même en mémoire). Les danseurs masculins semblent rester sur leur faim – même si l’hécatombe de blessures depuis le début de la série semble indiquer une certaine exigence d’exécution. On ne peut toutefois s’empêcher de trouver l’ensemble suranné, déjà un peu passé de mode, comme si le ballet avait été créé quarante ans auparavant et avait depuis patienté dans un bocal plein de naphtaline.

Le rouge et le noir de Pierre Lacotte d’après Stendhal sur des musiques de Jules Massenet. À l’Opéra de Paris (Garnier) jusqu’au 4 novembre.  Durée  : 3h15 avec deux entractes. Informations et réservations  : ici

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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