Le Champs-Elysées Film Festival a présenté le palmarès de sa neuvième édition. Parmi les lauréats on trouve Le Kiosque, réalisé par Alexandra Pianelli, qui remporte ex-aequo le prix du meilleur long métrage français. Surprenant et émouvant, retour sur un film unique qui mérite amplement sa place parmi les gagnants.
Les premières minutes du Kiosque dérangent : la caméra est instable, oubliée sur un comptoir, l’image est floue. Cela pourrait suffire à exaspérer d’emblée un spectateur un peu pointilleux. Ce serait pourtant une grave erreur de juger si vite un film qui se révèle être un petit bijou atypique d’une grande sensibilité.
Le Kiosque relate le quotidien d’un petit kiosque en plein cœur du 16e arrondissement, place Victor Hugo. Pour Alexandra Pianelli, ce kiosque est une histoire de famille puisque ses proches y travaille depuis plusieurs générations. Venue aider sa mère, c’est armée d’un simple téléphone qu’elle documente l’histoire et la vie de cette petite maison verte, symbole incontesté du vieux Paris.
Visage de résistance de la presse écrite, le kiosque se dévoile au spectateur comme un lieu de vie presque théâtral, rythmé par les allées et venues de ses habitués. Il y a d’abord Damien, sans-abri au grand cœur, puis Madame Piou-Piou, femme chic et franche qui semble pleine de secrets, ou encore Minouch, qui vient chaque jour offrir ses pâtisseries avec un « Prenez-en trois ou quatre… ». Mais il y a aussi tous les autres, clients occasionnels ou étrangers de tous âges et de tous chemins de vie. Souvent avec beaucoup d’humour, chacun livre un peu de lui même à la caméra d’Alexandra Pianelli. Depuis l’arrière du comptoir, on s’émeut de la solidarité qui unit cette surprenante famille.
Au fil des histoires qui s’entremêlent, le kiosque devient une fenêtre sur un monde plus grand. Ce lieu que l’on regarde souvent à peine en marchant dans la rue, tient en lui l’empreinte des instants qui marquent notre société et notre vie. Immigration, droits de la communauté LGBT ou encore crise économique, c’est toute une époque qu’Alexandra Pianelli parvient à capturer. Sans artifices et avec une grande lucidité, elle dresse aussi le portrait d’un métier qui disparait. Car ce sont les derniers instants de la presse écrite qui défilent devant nos yeux. La guerre entre presse écrite et numérique, d’abord en arrière plan, devient fatalement le point central de ce petit monde caché au milieu des journaux. Monde menacé qui tente de rester debout, seul au milieu d’un tourbillon économique et culturel qu’il ne contrôle pas.
Le Kiosque révèle le regard pointu et profondément humain de sa réalisatrice. Alexandra Pianelli a ce don rare de savoir écouter, pour mieux révéler l’essence de ceux qu’elle rencontre, même juste un instant. En découle un témoignage attachant sur le quotidien d’un quartier, en même temps qu’un portrait fort de notre société, dans ce qu’elle a de tendre et cruel à la fois. Émouvant mais jamais naïf, Le Kiosque raconte notre époque, au rythme de visages et d’histoires intimement marquants.