Chaque mois, la rédaction littérature vous offre un petit résumé de quelques nouveautés BD, fraîchement parues. Pour les mois de septembre et octobre, spectacle vivant, rêveries et mots d’amour.
Le Zizi de l’ange, Chroniques d’un spectacle vivant – Marion Achard et Miguel Francisco
L’histoire nous présente un groupe de circassiens en quête d’inspiration pour leur nouveau spectacle. Entre galères administratives, vie de famille et recherche de nouveauté, le groupe d’artiste est confronté à plusieurs difficultés, mettant à mal leur sphère créative. A mi-chemin entre l’absurde artistique et le réel social, ils vont donc devoir jongler sur et en dehors de la scène pour continuer à faire rêver petits et grands. Le style de dessin est accrocheur et très immersif, tout comme l’histoire : elle nous permet de bien nous plonger dans le quotidien du petit groupe, et de s’identifier à leurs questionnements. L’atmosphère du cirque gagnerait à être plus présente, mais elle est néanmoins en demi-teinte tout au long de l’œuvre.
Giulia Lisi
Lettres perdues – Jim Bishop
Iode attend une lettre de sa mère qui tarde à arriver. Se lassant finalement d’attendre, il se décide à chercher cette lettre qui a probablement été perdue par un service postal douteux. Sur son chemin, il fera la rencontre de Frangine, une auto-stoppeuse qui finira par l’emmener dans une aventure plus dangereuse qu’il n’y paraît. Ses dessins ronds aux couleurs pastels soulignent ses personnages tout droit sortis d’un Ghibli. Cette bande-dessinée est une véritable aventure. Tout autant que l’histoire du cheminement intellectuel et émotionnel d’Iode. Une BD touchante au style graphique doux et totalement atypique.
Lettres perdues de Jim Bishop, paru le 15 septembre 2021 chez Glénat, 22 euros.
Charlène Ponzo
Amore – Zidrou et David Merveille
Attablé à la terrasse d’un café, un homme écrit. Il écrit un roman d’amour, mais aussi de jalousie, séduction, mystère et meurtre. Très vite, l’écrivain laisse la place aux histoires : neuf histoires d’amours différentes qui défilent dans une Italie intemporelle. Grâce à des illustrations poétiques et harmonieuses, nous voyageons à travers les pages comme le long d’une vie. Chaque histoire est pensée pour être comprise en quelques mots, quelques cases, et pour laisser l’imagination faire le reste. Il y a du romantisme à vivre par procuration ce que l’on s’imagine grâce à une image. A lire, pour tomber amoureux, encore et encore.
Amore, de Zidrou et David Merveille, paru le 15 septembre 2021 aux éditions Delcourt, 19,99 euros
Giulia Lisi
Moon River – Fabcaro
Après le quelque peu redondant Open Bar (initialement publié sous forme de strip pour les Inrockuptibles depuis 2017), Fabcaro revient à ce qui avait fait son succès avec Zaï zaï zaï zaï (6 pieds sous terre, 2015). Moon River se présente comme une parodie de film noir réussie. Le quotidien du bédéiste et celui du ténébreux Hernie Baxter s’entremêlent pour venir à bout d’un mystère insondable (dont on connaît la résolution dès la page 13). Mais qui a bien pu dessiner une bite sur la joue de l’actrice de western Betty Pennyway ? Fabcaro a eut bien raison de ne pas écouter son entourage qui, selon la BD, était peu enthousiasmé par cette histoire de sexe sur la joue. Enthousiasmé, son lectorat le sera.
Moon River de Fabcaro, paru le 16 septembre 2021 chez 6 Pieds sous terre, 16 euros.
Charlène Ponzo
Un monde d’art brut – Christian Berst et Oriol Malet
Dans un album scénarisé par Christian Berst et illustré par Oriol Malet, on se demande très sérieusement ce qui fait le génie d’un artiste. Spécialiste de l’histoire de l’art et de l’art des marges en particulier, Berst a tenu à restituer la vie de ces fous qui ont créé sans compter et influencé durablement la pop culture. Celle qui fait aujourd’hui notre époque contemporaine. Des noms qui ne nous évoquent rien mais qui ont pourtant marqué notre histoire, auxquels il convient aujourd’hui de rendre hommage. Et leur rendre leur mémoire : Henry Darger, Carlo Zinelli, Madge Gill, Aloïse Corbaz, Adlf Wölffli, Jean Perdrizet et Mari T. Smith.
Emma Poesy
Kosmos – Fabien Bedouel et Patrice Perna
Et si le premier Homme sur la lune était une femme ? Et si les soviétiques avaient bel et bien devancé les Américains dans leur course à l’espace, mais que de tragiques circonstances avaient effacé cet épisode de l’Histoire ? Cet album aux dessins minimalistes nous invite à nous plonger dans la course à l’alunissage du point de vue russe. Nous y suivons le périple d’une jeune cosmonaute, Tatiana. Son rêve est d’apporter gloire et puissance à l’union soviétique. Cela la mènera jusqu’aux confins de l’atmosphère. Tragique histoire oubliée et passée sous silence, nous vivons avec elle les premiers pas sur la Lune. Non pas d’un homme, mais bel et bien d’une femme.
Giulia Lisi
La jeune femme et la mer – Catherine Meurisse
Après beaucoup de dessins de presse, d’ouvrages satiriques – Mes hommes de lettres, Scènes de la vie hormonale – et un très sensible album sur la reconstruction après l’attentat de Charlie Hebdo, Catherine Meurisse fait un pas de côté avec La jeune femme et la mer. Après avoir passé plusieurs mois dans une résidence d’artistes japonaise, la dessinatrice – dont l’album est mis en couleur par Isabelle Merlet – signe un conte philosophique délicat où l’esthétique prend une place prépondérante. Les influences sont multiples, visibles : le goût pour la nature que l’on retrouve dans les animations de Miyazaki, les vagues d’Hokusai, un rapport au monde et au vivant plus apaisé. Surtout, la sensation que nos existences, que la terre sur laquelle nous vivons ne tient à rien, comme les catastrophes naturelles au Japon nous l’ont souvent rappelé.
Emma Poesy