CINÉMA

« Chers Camarades » – Au nom de la Cause

Chers Camarades - Copyright Potemkine Films
© Potemkine Films

Prix Spécial du Jury à la Mostra de Venise l’année dernière, Chers Camarades propose de revisiter des événements historiques à travers un regard résolument humain. Une plongée sans concession dans la nature humaine, avec ses vices et ses paradoxes.

Il est des films dont la portée fait ressurgir des pans de l’Histoire effacés, cachés sous la honte et le silence. Depuis longtemps déjà, le cinéma venu de l’Est s’est attelé à rétablir un récit plus complet des années sombres, de la Seconde Guerre mondiale au joug communiste. Des réalisateurs de génies ont trouvé leur voix en reconstruisant le passé qui est le leur, quoiqu’il en coûte. C’est comme une nécessité profondément ancrée de se comprendre à travers un passé lourd de conséquences.

Avec Chers Camarades, Andreï Konchalovsky entreprend une plongée frontale dans les années Khrouchtchev. Sa démarche est complexe et ambitieuse, à l’image du metteur en scène de 83 ans. Depuis Le Premier Maître, il fait fi de la censure imposée par le gouvernement russe, et porte brillamment le récit marquant d’un régime et de ses dérives. Un cinéma essentiel, dont le poids se révèle toujours plus avec les années qui passent.

Pour son dernier film, le réalisateur fait le choix d’accrocher sa caméra à Lioudmila, mère célibataire et secrétaire du Parti communiste dans la petite ville de Novotcherkassk, à quelques kilomètres de Moscou. Communiste convaincue et dédiée à la cause, ses certitudes vont être ébranlées par les événements tragiques de juin 1962, qui feront près d’une trentaine de morts.

© Potemkine Films

Raconter l’Homme

La particularité du cinéma d’Andreï Konchalovsky réside dans le fait d’envisager l’Histoire à travers le prisme de l’humain. Jamais larmoyant, il explore avec franchise et lucidité les zones d’ombres de l’humain. Un naturalisme assumé peint son cinéma sous une lumière qui se veut honnête, pas rassurante. Il ne s’occupe pas de cajoler, et préfère au sentimentalisme une approche plus clairvoyante.

Être homme, avec vices et contradictions, reste le sujet d’exploration préféré du réalisateur. En résulte des personnages extrêmement bien écrits, qui reflètent une réalité souvent difficile à accepter. Pourtant, il semble que le metteur en scène soit le peintre habile d’un tableau plein de nuances, porté par un intérêt profond, mais pas une once de jugement. La démarche est créative sans être moralisatrice. Témoin d’une époque, philosophe ou encore explorateur… Il porte toutes les casquettes sans les revendiquer pour autant. Du très grand cinéma.

Chers Camarades est un bijou visuel, travaillé en noir et blanc, remarquable dans la réflexion et l’attention qui entourent chaque détail. Un film rare et profond, sans arrogance ni artifice. 

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