CINÉMA

(Re)Voir – « La vie rêvée de Walter Mitty » : La vie à tout prix

© 20th Century Fox

La Vie Secrète de Walter Mitty est une nouvelle de l’éditorialiste satirique James Thurber, parue en 1939, et adaptée une première fois au cinéma par Norman Z. McLeod en 1947. En 2014, Walter Mitty permet à Ben Stiller de revêtir librement sa casquette de réalisateur pour la cinquième fois et d’offrir ce feel good movie, disponible actuellement sur Ciné+.

Quadra timide et discret, Walter s’ennuie dans son quotidien de responsable des archives photo du célèbre magazine Life. Amoureux en secret de sa collègue Cheryl Melhoff (Kristen Wiig), il vit par procuration, à travers les images qui défilent sous ses yeux chaque jour. L’arrivée d’un nouveau patron (Adam Scott) accélère la volonté du média américain d’abandonner le format papier pour passer au tout numérique. Walter va trouver son salut dans le négatif manquant d’un cliché du photographe Sean O’Connell (interprété par Sean Penn), réservé à la une de la dernière version imprimée de Life.

Un voyage initiatique

Coincé dans tous les aspects de sa vie, il n’y a que dans celle qu’il s’invente que Walter semble réellement s’animer. La Vie rêvée de Walter Mitty se décompose en trois temps, à l’image de l’évolution que connaît notre (super) héros. D’abord, le rêve s’immisce dans l’ennui de sa réalité, permettant au passage un éventail de références cinématographiques (de Benjamin Button à Mission Impossible, de Forrest Gump à Les Dents de la mer).

La déconnexion se poursuit ensuite lors de son périple vers Sean O’Connell. Alors que sa mère (incarnée par la divine Shirley MacLaine) et sa sœur (Kathryn «  Rizzo  » Hahn) sont les seules véritables femmes de sa vie, Cheryl apparaît tout en musique. Son interprétation de Space Oddity va pousser Walter à se dépasser. Le voyage de Walter commence vraiment. Après avoir compris que le film allait quoi qu’il en soit bien se terminer, Walter est de retour dans les murs de Life. Exit le costume de l’employé ordinaire, il s’affirme tant auprès de son patron que de Cheryl. Plus besoin d’effets spéciaux impressionnants non plus, la magie disparaît de l’image. Elle est ailleurs.

Ben Stiller, Shirley MacLaine © 20th Century Fox

L’art du regard

O’Connell n’est d’ailleurs finalement qu’un prétexte (sûrement pour cela qu’il n’apparaît que si peu à l’écran au final). Car, en partant à la recherche de Sean, Walter court après lui-même. Et il n’est pas seul dans cette quête puisque l’image revêt une double fonction en l’accompagnant dans ce changement. D’une part, elle s’élargit au fur et à mesure en s’adaptant aux paysages visités par Walter. L’obscurité de son bureau étriqué et oublié laisse place à la chaleur et l’immensité des étendues que lui offre la nature.

© 20th Century Fox

Bien que la photographie frôle un peu trop souvent une forme d’esthétique publicitaire, le film est d’une richesse visuelle à couper le souffle. La géométrie des plans fait honneur aux décors tout bonnement somptueux et aux couleurs dingues. Empreint d’une volonté scénaristique de contraster entre l’organique et le minéral, la nature et l’industrie, le film a été tourné en pellicule et reste ainsi fidèle à son propos.

D’autre part, l’image semble guider Walter. Que penser du panneau « EXIT », en lettres capitales rouges, présent derrière lui dans sa salle de travail au début du film ? Aussi, au moment où il décide de partir à la recherche du photogramme manquant, tous les plans ou presque de la séquence qui suit, contiennent des messages cachés. Sur le mur de unes de Life devant lesquelles Walter entame sa course, la dernière accrochée le représente en astronaute, avec pour légende « Making of a brave man », comme une prémonition des conquêtes à venir. Une fois arrivé à l’aéroport, on peut y lire sur le sol « To see the world », puis «  Things dangerous to come to » derrière les guichets et enfin « To see behind walls » derrière l’hôtesse. Autrement dit, l’image contient la solution dont Walter a besoin.

© 20th Century Fox

Simple mais efficace

Non sans rappeler The Truman Show, à contre-courant du comique auquel Jim Carrey nous a (malgré lui) habitués lui aussi, Ben Stiller fait de La Vie rêvée de Walter Mitty son « Tchao Pantin ». On lui pardonne alors la simplicité de cette histoire vue et revue, ainsi que la sempiternelle vision du « Just do it » à l’américaine. Mention spéciale toutefois pour la musique qui, entremêlée de pépites originales (Of Monsters and Men, José González) et de douces reprises vintage (Don’t You Want Me ?, Maneater, Escape (The Pina Colada Song)), exauce le souhait du film : nous donner envie de nous prendre en main, de nous sentir pleinement en vie.

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