CINÉMA

« Les Sentiers de l’oubli » – Liberté, chérie

Les Sentiers de l'oubli © Outplay
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Pour son premier long-métrage, Les Sentiers de l’oubli, la réalisatrice chilienne Nicol Ruiz Benavides narre une histoire passionnée entre deux femmes d’âge mûr. Un amour pour atteindre la liberté, loin du conservatisme et du regard des autres. Une première oeuvre tendre et juste.

L’année dernière, Deux , le premier long métrage de Filippo Meneghetti, se penchait sur une histoire d’amour cachée entre deux femmes d’âge mûr. Montrer des histoires homosexuelles entre des personnes âgées est enfin un sujet dont le cinéma s’empare. Pour son premier film, Les Sentiers de l’oubli, Nicol Ruiz Benavides évoque le récit d’une femme, Claudina. Récemment veuve, elle se retrouve seule dans sa maison en pleine campagne. Il est temps de quitter cette vie, cette solitude, et de se rendre chez sa fille en ville.

Nicol Ruiz Benavides installe lentement sa narration et présente délicatement ses personnages. Sa caméra, au départ plutôt naturaliste, filme au plus près des situations et des visages. Des émotions diverses se bousculent sur celui de Claudina que l’on ne connait pas encore. Elle est présente physiquement et pourtant a l’air absente, comme si elle attendait secrètement cette rencontre avec Elsa pour se réveiller.

La vie de Claudina est ancrée dans une société conservatrice et religieuse, où chaque écart est capté par le regard des autres, le jugement des voisins, la suspicion des commerçants du quartier. Alors quand à travers le mur séparant les deux jardins, l’héroïne aperçoit Elsa, ses cheveux blancs et son regard perçant, une attraction inévitable s’empare des deux femmes. S’autoriser à vivre cette passion, aimer une autre femme — qui plus est mariée — c’est transgresser pour toucher du bout des doigts une liberté jamais connue.

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La force des Sentiers de l’oubli réside dans cet épanouissement progressif, rendu possible par la passion interdite. De sorte que pour montrer le caractère exceptionnel de celle-ci, dans cette bourgade chilienne traditionaliste où chacun joue son rôle et ne doit pas sortir de sa case, la cinéaste insuffle une forme de fantastique. Des instants fugaces viennent briser le réalisme de l’image. Outre l’irruption soudaine de lumières étranges pouvant provenir de puissances extra-terrestres, le monde de Claudina se divise en deux entités.

Sous la surface policée, il semblerait que se cache tout un univers queer évoluant dans les bas-fonds. Un lieu caché, au doux nom de « Porvenir » — l’avenir. Celui que l’on souhaite pour l’ évolution de cette société. Contrairement au monde d’en haut, filmé tel qu’il est, celui d’en bas est stylisé, fait de néons et de fumée. Tout n’y est que liberté : de chanter, de danser, d’embrasser qui vous voudrez. Claudina s’y retrouvera, pour Elsa, mais c’est elle même qu’elle cherchait, et son chemin ne fait que commencer. La caméra de Nicol Ruiz Benavides accompagne cette héroïne, avec une douceur sublime, vers cette émancipation tant désirée, et prouve qu’il n’est jamais trop tard pour l’ atteindre.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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