Nous retrouvons les KLON (prononcé « clones »), à l’occasion de la sortie de leur premier EP, Nouveau Genre, le 11 juin. Plus qu’un simple groupe, c’est une expérience de vie commune qui unit ses membres. Entre pop et électro new-wave, le disque du collectif nous embarque dans leur univers rétro et festif. Rencontre.
Maze : Bonjour KLON ! Vous êtes un grand collectif, un septuor : c’est peu commun. Est-ce que vous vous êtes rencontrés en même temps, ou certains membres sont arrivés plus tard ?
KLON : Ouais, c’est un peu ça. Pour la plupart on s’est tous rencontrés au lycée ; deux d’entre nous nous ont rejoint après. À l’époque, on s’était rencontré à une soirée au lycée. On a fait un freestyle, il y a eu une énergie et ça a été le coup de foudre. On s’est retrouvé à 12, on était un collectif avec 12 rappeurs. Par la suite, on a rencontré Nejma et Rory, après être partis de chez nos parents.
En fait, le collectif de rap a duré un an, et on s’est dit qu’il fallait qu’on soit tout le monde ensemble, pour être au contact et créer en continu. On ne pouvait pas se permettre de se limiter qu’aux week-ends. On s’est pris un appartement en collocation à Créteil. C’était la jungle, on était 7 dans un 85m2. Il y avait le studio, la voisine qui tapait dans les tuyaux… Et c’est à ce moment-là qu’on a rencontré Rory.
À la base, il est réalisateur, et a étudié le cinéma. Il faisait des clips, des court-métrages. On l’a contacté pour un clip, il est venu nous voir. On s’est super bien entendus et donc il est revenu passer une petite soirée la semaine suivante. Il est resté avec nous trois jours, et au bout du deuxième on lui a proposé d’intégrer le groupe et de louer une maison avec nous. Au final, quand Rory est arrivé, on avait assez de monde pour payer un plus gros loyer et chercher une maison tous ensemble. On a eu de la chance de trouver celle-ci. Six mois après, on avait la maison. Ça fait 3 ans qu’on y vit maintenant.
Vous habitez toujours ensemble, et avez la chance d’avoir un studio chez vous. Vous faites de l’autoproduction depuis celui-ci, c’est ça ?
KLON : Depuis l’époque à Créteil, on avait le petit studio dans la chambre. Aujourd’hui dans la maison, on a tout un sous-sol. Par la suite, on a fait l’électricité et d’autres travaux parce que c’était une cave en béton. Maintenant c’est plus sympa, c’est praticable (rires). On commence à avoir pas mal de matos, donc on va pouvoir s’amuser pas mal. C’est dans notre ADN d’essayer de capter le son qu’il y a entre nos murs.
La maison, c’est notre QG, mais c’est vraiment notre centre névralgique. Du coup, pour l’énergie, c’est cool de pouvoir capter ce son qui est entre nos murs. On travaille aussi avec des ingénieurs du son qui nous aident à mixer, mais tout se créé et s’enregistre ici. Les démos leur sont envoyées pour être peaufinées, pour avoir un certain recul. On est à fond dans nos sons, nos compositions, mais si on se mettait à les mixer nous même, on passerait mille heures sur un son !
Qui dit septuor dit 7 cerveaux, 7 visions artistiques, 7 bagages d’influences (qu’elles soient musicales ou cinématographiques). Comment conjuguez-vous tout cela pour sortir quelque chose qui correspond à chacun, mais aussi au collectif ? Pour que chacun puisse apporter sa contribution à l’oeuvre totale ?
KLON : C’est long. Ça passe par du brainstorming. On vit ensemble depuis un moment, donc on partage nos influences musicales, on regarde des films. Une culture commune se crée petit à petit, tout en gardant ce bagage personnel de base. La création, dans le son ou dans l’image, ça passe par des brainstorming. Qu’est ce qu’on veut là ? On sait ce qu’on veut exprimer, et on veut tous le mieux pour le groupe : un résultat artistique qui nous fait tous kiffer. Chacun apporte sa contribution, et on se met tous d’accord ! C’est vraiment collégial. Toutes les décisions qu’on prend sont unanimes. Ce n’est pas la majorité qui l’emporte. Comme on est tous investis, ce qu’il en découle on en est fier.
C’est un produit à la fois collectif, mais aussi personnel. C’est encore plus fort selon moi. Avant d’avoir le groupe, je pense que les projets solos procurent une sensation différente. On sort quelque chose de, peut-être, plus interne. Alors qu’en groupe, on produit quelque chose de plus beau. C’est plus festif, tu partages l’oeuvre avec tes potes. T’es fier, comme une équipe. Tu te sens appartenir à un tout ; tu n’es pas tout seul avec ta création.
C’est enrichissant, comme tu disais, d’avoir ces différentes visions. En collectif, la vision personnelle est mixée avec celle de chacun. Surtout quand tu fais un truc tout seul, tu fais ton bail, ton son et tu te dis OK, j’aime bien. C’est bien. Si tu fais un truc, tu produis une idée qui est validée par le collectif, tu sais que c’est kiffant. Tu as la validation de tout le monde. Dans cette machination-là, on se fait kiffer les uns les autres. On kiffe ce que les autres apportent. Tu confrontes tes idées au groupe. Tu proposes quelque chose, et s’ils n’aiment pas tu vas te remettre en question. Soit tu vas proposer un truc que tout le monde va kiffer, et chacun va y apporter sa touche. C’est ça KLON.
Le groupe, il nous permet d’avancer individuellement. On ne se conforte pas dans un premier élan, une vision étriquée. Cette idée de confrontation est constructive, car elle te pousse à aller plus loin par toi même, de trouver un équilibre. Tu ne fais pas les choses pour toi, tu les fais pour le groupe. Tu essaies alors de faire kiffer tout le monde, et de trouver le juste milieu entre toutes ces influences, pour trouver le point qui matche pour tous.
Bien sûr. Quand on écoute votre EP, on distingue cette base electro-pop. Individuellement, vous rajoutez tous une certaine touche personnelle : que ce soit par du rap, du chant, dans les paroles ou dans la cinématographie des clips.
KLON : On a tous un avis sur tout. C’est assez organique. On fait, et les choses se font (rires). On n’est pas en train de faire des plans à l’avance, on est dans l’action dans la spontanéité. Ça crée quelque chose. On sait qu’on est ensemble parce qu’on partage une vision commune et les mêmes sensibilités. Naturellement, ce qu’on crée, c’est fluide. On n’est jamais bloqué par le groupe, il y a toujours des solutions. Ça fonctionne naturellement. La machine est bien huilée.
Ce premier EP, comme tu dis, c’est l’incarnation de nos débuts. Ce n’est pas l’« oeuvre ». C’est une carte de visite pour nous, une première pierre à notre édifice. KLON existe depuis 3 ans, avant on avait notre autre groupe (G20, ndlr). Cela fait, en tout, plus de 6 ans qu’on travaille ensemble. Ce premier EP était l’occasion de montrer notre palette, notre panel de possibles. On voulait montrer ce que l’on pouvait faire en musique, ce que l’on aime individuellement et ce qu’on aime faire tous ensemble. C’est quelque chose de dansant, de bonnes vibes. Avec cet EP, on est arrivé à une première oeuvre qui nous satisfait. En venant du rap, on a beaucoup cherché notre son. Il fallait qu’on soit d’accord sur ce que l’on allait faire. Ce premier disque, c’est cette première pierre à notre édifice.
Suite à la sortie du disque, vous avez publié un nouveau single accompagné d’un clip : Nouveau Genre. C’est un hymne à la jeunesse, à la différence, à l’unité. Est-ce que c’était important pour vous de célébrer ces thèmes ?
KLON : Ça s’est fait comme ça. On a senti que c’était dans l’air du tout. Nous sommes très libres, et on ne se prend pas la tête. On ne veut pas dire je suis comme ci, je suis comme ça. On accepte n’importe qui, quiconque s’aime et veut être comme iel est. Ça nous a paru super pertinent. Le single, c’est la synthèse de ce qu’on veut dire dans l’EP. Cela revient à cette idée de liberté, la liberté d’être qui on veut être. Finalement, c’est pour ça qu’on l’a pris avec du recul. C’est pour ça qu’on a pris les aliens ; pour imager, hyperboliser le message de la chanson.
Nous, on s’en fout, on veut faire un truc libre. On s’accepte, on accepte les autres, et on s’aime tous ensemble. Mais ce sujet, c’est quand même quelque chose qui nous tient à coeur. C’est une sorte d’hymne à la différence. On le voit entre nous, nous sommes 7 ; 7 personnes différentes. On se rend compte à quel point les différences sont enrichissantes. C’est important d’avoir une plus-value sur ça. C’est ce qui fait l’humanité, la culture et nos richesses. On est tous des organismes vivants, c’est plein de nuances. Rien n’est simple : les gens changent. On peut aimer plein de choses qui n’ont aucun rapport entre elles. L’humain est complexe, et cette diversité doit être honorée, acceptée. C’est ce que le groupe nous a appris, et c’est ce que l’on cherche à transmettre.
Quand on s’est rencontrés, on s’est rencontrés par nos différences. Le fait d’être ensemble, ça nous a donné de la force pour être qui on est librement. C’est aussi ça que l’on raconte dans l’EP, et plus précisément dans ce single. C’est la force du groupe qui nous donne cette liberté. On est ensemble, on est soudés. C’est ce qui nous a permis d’atteindre une certaine richesse dans notre travail, nos créations. À la base, on n’avait pas tous la même culture, qu’elle soit musicale ou cinématographique. Au final, on a appris à prendre ce qu’on aime bien chez les uns les autres, à s’ouvrir à ça. On s’est ouvert à autre chose. Le message de Nouveau Genre peut être relié aux communautés, à l’idée de se rassembler : les Aliens sont montrés ensemble, et c’est ce qui fait qu’ils sont forts. On cherchait à symboliser l’union, la cohésion.
Vous parlez de symboles, pourquoi utilisez-vous les couleurs en tant que tels ? Ont-elles une signification particulière chez vous ?
KLON : Les couleurs sont utilisées parce qu’on joue beaucoup avec dans nos styles vestimentaires. Pour nous représenter, Nejma, notre graphiste et directrice artistique, a créé notre logo avec une petite maison contenant 7 couleurs. Du coup, le fait d’avoir mis les couleurs dans le logo nous représentait, avec nos différences. Depuis toujours, on les utilise. Les couleurs représentent la diversité, la différence. Ce sont 7 personnes ensemble, mais différentes. Les sept couleurs réunies forment la lumière blanche, l’unité. Plus simplement, ça explicite notre message positif. C’est notre énergie qui est représentée par ces couleurs assez vives. On ne s’est pas non plus attribué une couleur chacun, comme les Power Rangers. On les utilise de manière assez libre. C’est la réunion des couleurs qui est importante pour nous, c’est la liberté et la manière la plus basique de représenter les différences.
On remarque votre volonté d’être énergiques, festifs et de partager votre énergie positive. On note l’absence d’une vraie ballade. C’était réfléchi ?
KLON : C’était spontané. On a fait nos chansons. Quand on fait de la musique ensemble, c’est pour kiffer et le partager entre nous. Forcément, ça nous amène vers de la musique dansante, parce qu’on adore faire la fête. C’est une façon de kiffer la musique pour nous, et de faire danser les gens. Noise comporte des éléments plus tristes, mais on a voulu apporter une certaine psyché, ça reste festif. De plus, on s’inspire de ce qu’on écoute, et on le fait ensemble, à la maison. On joue assez rarement des morceaux tristes, on ne veut pas bader à 7 !
C’est naturellement comme ça. Par rapport à ce qui se fait dernièrement, il y a pas mal de morceaux sombres. On cherchait à apporter de la couleur, et à transmettre un message de partage. On cherche à donner du positif aux autres, au travers de notre musique. Même si t’es dans un mauvais mood, vaut mieux positiver, aller de l’avant. De façon générale, la vie n’est pas toujours rose. Le chemin est tortueux. Le plus important, c’est de partager ce qu’on a de positif en nous pour que le monde aille mieux et qu’on avance tous ensemble.
On a tous une part d’ombre, mais pour l’instant on préfère partager la lumière en nous. Se focaliser sur la gratitude qu’on ressent envers la vie, c’est notre solution. Communiquer est important aussi ; on est 7, donc il est nécessaire de s’exprimer. Ce sont des leçons que nous apprend notre collocation.
Dans West et Santa Barbara, on dénote plusieurs références à la culture américaine. Vous y cherchez quoi, de l’autre côté de l’Atlantique ?
KLON : En vrai, on a plutôt une culture française, dans ce qu’on écoute et qu’on regarde. Certains d’entre nous ont une culture plus américaine, ils nous font chier ! C’est assez diversifié, mais ces références sont parfois involontaires. Dans West, on joue plus sur l’expression péjorative « être à l’ouest ». On voulait la prendre sous un angle plus mélioratif : l’ouest, c’est la découverte, c’est le coucher de soleil. Puis, quand on voit comment le monde tourne, ce n’est pas plus mal d’être à l’ouest. Il vaut mieux être dans une autre vision, du monde et de la société ; d’en rester à l’écart. Ne pas être en phase avec un monde malade, c’est un signe positif. Si le monde va mal et que tu trouves que tout est normal, c’est toi qui as un problème. Nous aimons sortir des codes, et l’idée de se dire qu’être à l’ouest c’est positif.
On est des rêveurs et on a de l’ambition, donc l’esthétique du rêve américain nous touche. Ce serait chouette d’aller en Californie, faire un road-trip, une tournée, ou s’installer à Los Angeles. On regarde beaucoup de films français, mais aussi américain donc cette idée, cet imaginaire nous touche. On l’a pas énormément cherché, mais ça nous touche que ce soit remarqué. Santa Barbara, ça représente cet amour kitsch, cliché, à l’américaine. On l’a tourné en dérision. Finalement, le rêve américain n’est pas si beau que ça. Malgré tout, on a quand même envie d’y revenir, c’est charmant.
Santa Barbara, c’est un titre solaire, à l’américaine, mais on l’a composé dans la cave de la maison. Le studio n’était même pas fait, et c’était juste une vieille cave à vin avec une pauvre ampoule. On avait juste notre Mac, dans le noir et on l’a écrite. Je pense que ces deux morceaux étaient une réaction au premier confinement, quand on cherchait à s’évader vers d’autres paysages.
Vous allez bientôt retourner sur scène le 9 septembre à la Boule noire et êtes présents pour d’autres dates cet été. Est-ce une chance de défendre votre disque et de vous introduire au public des festivals et des petites scènes françaises ? Ou y êtes vous déjà habitués ?
KLON : Non, on avait fait que deux concerts avant le confinement ! On se préparait pour un autre concert, le 17 mars, avant l’annonce du confinement. Notre premier, on l’a fait dans une salle à Paris, et Alice et Moi est venue vers nous. Elle a grave kiffé notre performance, et elle nous a invité à faire sa première partie à la Cigale, pour notre deuxième concert. C’était chanmé. Et après, confinement. On est restés dans notre cave pour répéter.
On a beaucoup mûri le projet pendant cette dernière année. En plus, on était censés faire 6 Zéniths en première partie d’un groupe, mais ça a été annulé. Au final, c’était pour le mieux : on a pu avancer sur le projet. On n’aurait pas sorti les mêmes clips ou les mêmes morceaux. Beaucoup de choses ont changé. En plus, on a fait des sessions live donc on a beaucoup pu tester. On a supprimé toutes les séquences numériques pour jouer en 100 % live. On a pu travailler notre énergie, et surtout réfléchir à ce qu’on voulait donner.