CINÉMA

« Les Racines du Monde » – Par-delà les plaines

Les Racines du monde© Pandora Film Medien GmbH
© Pandora Film Medien GmbH

La réalisatrice de L’Histoire du chameau qui pleure revient au cinéma avec un joli conte croisant habilement fiction et documentaire. Un long-métrage engagé sur les dérives des sociétés minières internationales. Passionnant.

De la Mongolie, peu de choses nous parviennent. Ce vaste pays d’Asie peut parfois servir de décor pour des films d’autres contrées, à l’image du très beau Un monde plus grand de Fabienne Berthaud dans lequel Cécile de France campait une Occidentale se découvrant une âme de chamane dans le confin des steppes. Mais qu’en est-il des productions mongoles  ? En France, un nom se détache : celui de la réalisatrice Byambasuren Davaa.

Au début des années 2000, son film de fin d’études, L’Histoire du chameau qui pleure, fut un succès aussi bien critique que public, conduisant sa cinéaste jusqu’à la prestigieuse cérémonie des Oscars où elle fut nommée dans la catégorie du meilleur documentaire. Ses films suivants n’ont pas échappé à l’attention des cinéphiles les plus avertis. Après le camélidé, ce fut au tour du canidé et plus précisément du Chien jaune de Mongolie de connaître à nouveau un triomphe dans les salles obscures (plus de 500 000 entrées en France). Puis en 2009, il y a eu Les Deux chevaux de Gengis-Khan, avec la chanteuse Urna ChaharTugchi, qui a eu le privilège d’être retenu dans les prestigieux festivals de Locarno, Los Angeles et Busan.

Plus que la mention des animaux dans les titres, les films de Byambasuren Davaa ont pour point commun le fait de conter le mode de vie ainsi que les rituels des populations nomades en Mongolie. Son nouveau long-métrage, Les Racines du Monde, ne déroge pas à la règle. On y suit les aventures d’Amra, un jeune garçon de douze ans. S’il vit avec ses parents dans les steppes mongoles, sa vie reste en tout point semblable à celle d’un adolescent venu d’Occident.

Comme n’importe quel enfant de son âge, il reste passionné par le monde des écrans et rêve de participer à «  Mongolia’s Got Talent  » (comme on le devine, la version mongole de «  America’s Got Talent  »). En attendant cette heure de gloire, il assiste au combat de son père, chef des derniers nomades, en lutte contre les sociétés minières internationales à la recherche d’or. Une lutte qui se solde par un drame lorsqu’il trouve la mort dans un tragique accident. Bouleversé, Amra décide alors de reprendre le combat de son père, malgré son jeune âge.

Il y a plusieurs films dans Les Racines du Monde. Très naturaliste dans son approche, il fait évidemment songer à un documentaire. Mais en adoptant le point de vue d’un garçon rêveur de douze ans, il fait également penser à une fable. La fable, le conte comme autant de formes littéraires car le film a aussi quelque chose du roman d’apprentissage. Ici, Amra est attaché aux siens et souhaite faire perdurer leur combat. Mais dans le même temps, il rêve de la grande ville et de célébrité. Un peu comme un Rastignac à la sauce mongole. Grâce à ses nombreuses facettes, le film séduit le spectateur.

Si les qualités scénaristiques sont évidentes et témoignent d’une certaine maestria dans le talent de Byambasuren Davaa, il convient également d’évoquer la mise en scène, à la fois très simple et en même temps spectaculaire. Par moments, les plans du film laissent songer à des peintures ou des photographies de maîtres. A ce titre, la dernière image du film (où toute la portée politique du propos est véritablement saisie) est particulièrement édifiante.

Enfin, il est difficile de ne pas évoquer Les Racines du Monde sans parler de la performance du jeune Bat-Ireedui Batmunkwh. De tous les plans, il est épatant dans le rôle d’Amra, ce garçon plein d’idéaux que la vie force à grandir trop vite. Un beau personnage pour un film tout en subtilités, à conseiller aussi bien aux adultes qu’aux enfants.

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