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FESTIVAL D’AVIGNON – « Sonoma » : Nos bien chères sœurs

© Anna Fàbrega
© Anna Fàbrega

Avec Sonoma, Marcos Mauro offre une pièce exceptionnelle. Formellement somptueux et riches en références, le spectacle prend parfaitement la mesure de la Cour d’honneur. 

Après une Cerisaie de Tiago Rodrigues de l’avis général timorée, la Cour d’honneur du Palais des Papes aura du attendre le milieu de la troisième semaine du Festival d’Avignon pour être pleinement investie par un spectacle. Jusqu’au 25 juillet, l’artiste espagnol Marcos Mauro y met en scène Sonoma, une pièce pour huit danseuses. 

À travers une succession de tableaux tous plus beaux les uns que les autres, un groupe de jeunes femmes va progressivement s’émanciper. Tout commence dans ce qui semble être un pensionnat ou un couvent. Revêtues de bonnets et agenouillées près d’une croix, elles dénouent des cordes. Subitement, telle une possédée, l’une d’elle esquisse un mouvement désarticulé. Dès lors, celles qu’on aurait pu prendre pour de dociles poupées ne vont plus s’arrêter. Sonnant les cloches, déclenchant le feu, leur parade mystique se déploiera au son des tambours jusqu’à finir dans un grand cri d’émancipation. Le souffle de leur révolte emporte tout sur son passage et nous laisse aussi désarmé que fasciné. 

© Albert Pons

Sororité furieuse 

La pièce est une variation sur une création de 2016 pour le Ballet de Lorraine intitulée «  Le Surréalisme au service de la révolution  ». Les références à l’univers surréaliste sont effectivement présentes (un géant sans tête, des masques de personnes âgées disproportionnés) mais somme toute discrètes. L’évocation de Buñuel est plus à rechercher dans les rémanences du folklore espagnol (costumes, flamenco). On pourrait aussi facilement convoquer des références plus contemporaines. Difficile de ne pas penser à Ari Aster, que ce soit pour Hérédité ou Midsommar (jeunes filles et couronnes de fleurs oblige) ou à une version particulièrement torturée de Picnic à Hangig rock de Peter Weir. Sont-elles possédées ? Des sorcières ? De simples jeunes filles s’amusant au clair de lune ? 

Beauté époustouflante 

S’appuyant sur des costumes aussi magnifiques que dérangeants et des jeux de lumières particulièrement bien pensés pour le lieu, Marcos Morau crée des scènes d’une beauté époustouflante dignes du meilleur théâtre d’image. Ce dispositif ultra-luxueux est toutefois toujours au service du spectacle et jamais il ne semble vain ou vide. Le temps file et on voudrait que jamais ne s’arrête ce voyage enchanté.  

Sonoma de Marcos Morau au Festival d’Avignon jusqu’au 25 juillet puis au Théâtre de Chaillot à Paris du 20 au 28 janvier. Durée : 1h30.

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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