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CANNES 2021 – « The Story of my Wife » : Sur tous les flots salés

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SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION – Réalisation hongroise de Ildiko Enyedi, lauréate de la Caméra d’or en 1989 pour son premier long métrage Mon XXe siècle, et adapté du roman de Milan Fust, The Story of my Wife est la narration tourmentée d’un mariage. Celui d’un Capitaine et de sa femme. Le couple s’embarque de ports en ports, suivant les remous d’une histoire d’amour sur le point de couler.

Tout commence lorsque le Capitaine Jacob (Gijs Naber), homme respectable et honnête, se plaint de maux de ventre à son cuisinier. « Marriez-vous », lui suggère alors ce dernier. De retour sur la terre ferme, le Capitaine se lance un pari fou et épouse la première femme qu’il croise dans un café. Lizzy (Léa Seydoux) est froide et mystérieuse. Jacob est chaleureux et rassurant. Les deux jeunes mariés se prêtent au jeu et entament leur histoire avec fougue. Jusqu’au jour où Le Capitaine découvre un secret concernant sa femme, durant l’une de ses nombreuses absences en mer. Les non-dits s’enchaînent, le doute s’instaure progressivement au sein du couple qui oscille entre les « je t’aime » et « je te hais ». L’équilibre, lui, est menacé, projetant les deux protagonistes vers une chute presque évidente.

Pourtant, la narration déroutante installe elle-même le doute chez les spectateurs observant leur quotidien. C’est d’abord une Léa Seydoux glaciale et ennuyée qui désarme. Puis le comportement soudainement séducteur et coureur du Capitaine provoque l’incompréhension. Finalement, les réconciliations se mutent en disputes violentes, les gestes brusques se fondent en caresses d’amour. Tout plonge le récit dans un flou étrange, ne sachant sur quel pied danser, sur quel ton jouer. Le déséquilibre est lui-même représenté par l’altération entre les plans contemplatifs d’un horizon que traverse la proue d’un voilier, et les scènes dynamiques des danses folles d’un club de jazz.

Alors que toute la première partie se déroule principalement en mer, laissant la poésie et l’idylle s’immiscer dans les paysages , la deuxième partie est bien plus terre-à-terre, comme un retour abrupte à la réalité. Le Capitaine Jakob espionne sa femme, se laisse ronger par l’incertitude. Cette dernière arbore son éternelle moue enfantine, insolente et effrontée face aux hésitations de son mari qui s’inquiète trop. Pourtant, la trahison se révèle, presque trop tard, peinant à se rendre crédible. Certaines répliques semblent faussées par une naïveté trop poussée, ou par une passion effacée, trop absente dans les étreinte comme dans les conflits. Une scène où se brisent des vases contre les murs vient redonner un peu d’énergie à la platitude apparente des échanges, mais elle peine à suffire.

La voix-off du Capitaine qui berce le récit conclut, sur une forme de morale, de leçon à donner au fils qu’il n’aura jamais. Les plans coupés, photographiant avec sublime les scènes maritimes des matelots en transe, les ébats amoureux et fougueux, les décors scintillants des années 20, se fanent devant le regard contemplatif de l’homme. L’homme assis à ce café, méditant sur ses rêves échoués. Celui qui a tout perdu, pour avoir trop aimé.

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