SÉLECTION OFFICIELLE – SÉANCES SPÉCIALES – On se souvient encore de la réussite de La Vie Invisible d’Euridice Gusmão lors du Festival de Cannes 2019. Le réalisateur brésilien Karim Aïnouz revient avec Marinheiro Das Montanhas (Marin des montagnes), un documentaire à la fois vibrant et intime.
C’est un retour aux sources inédit, un voyage sans retour possible, une parenthèse loin du Brésil pour Karim Aïnouz. Marinheiro Das Montanhas est ce récit. Un journal intime qui nous emmène d’un ferry voguant au cœur d’une Méditerranée troublante, aux montagnes éternelles de la Kabylie, en passant par le tumulte fervent d’Alger.
Ce voyage pas comme les autres, sur les traces de son père et de ses origines, il le dédie à sa mère, à son souvenir, auquel il s’adresse tout au long du film. « Iracema ». Une mère qui aura passé sa vie à attendre le retour du père, loin d’ici, à Fortaleza au Brésil. Cette mère que l’on découvre dans des photographies, des vidéos d’archive, dispersées au fil des ans et au fil du film. Cette mère à laquelle il rend le plus beau des hommages possibles, en réunissant sa famille et son histoire sur un même métrage.
Le film est une prouesse aussi bien dans sa narration que dans son sens subtil du visuel. Vidéos, photos, incursions graphiques, musiques. Karim Aïnouz et son équipe atteignent d’une certaine façon l’idée parfaite que l’on se ferait d’un documentaire introspectif et personnel. Il y crée ainsi des ponts, entre son passé, son présent et son futur, se projetant d’un bout à l’autre de sa vie, face à ce pays qui a tant à lui révéler. Il s’interroge. « Et si ? ». « Et si j’avais fait le voyage inverse ? De l’Algérie au Brésil. » « Et si je venais m’installer ici près des montagnes de l’Atlas auprès de ma famille ? ». Sans jamais se montrer physiquement – ou du moins peu – il parvient pourtant à nous conter son histoire et à se dévoiler en tant qu’individu, dans une narration constante, qui se veut sincère et apaisée.
Marinheiro Das Montanhas est certes un film personnel mais aussi un film historique, car dans la trajectoire familiale des Aïnouz, il y a avant tout l’expression de l’histoire coloniale de l’Algérie : la révolution, les massacres, la douleur, la guerre. Cette histoire qui a fait l’Algérie, marqué sa population. Et il y a une multitude d’autres histoires, toutes ces personnes croisées sur la route, qui content leur vie, s’interrogent ou évoluent simplement, l’air amusé sous l’œil de cette caméra étrangère qui vient à leur rencontre. L’image est souvent chaleureuse, nous laissant nous attacher sans mal à tous ces individus de passage.
Un documentaire comme une lettre à cœur ouvert envoyée directement aux Algérien·nes, aux personnes de passage, à la famille – proche ou éloignée – du réalisateur et au cinéma. Une parenthèse délicate, nécessaire et pleine d’espoir dans ce festival, qui fut, par ailleurs, l’occasion une nouvelle fois pour Karim Aïnouz de marquer son engagement politique face à la situation critique du Brésil de Bolsonaro.