CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2021 – « Les Magnétiques » : Tragédie punk

Les Magnétiques - Copyright Paname Distribution
Les Magnétiques - Copyright Paname Distribution

QUINZAINE DES RÉALISATEURS – Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, Les Magnétiques est un tourbillon de talent : punk et libéré. La réussite est totale. 

Fin des années 70.  Après l’euphorie de mai 68, la désillusion s’est installée.  La jeunesse désenchantée vacille devant un avenir où rien n’est promis.  Jérôme et Philippe sont deux frères, étouffés par la petite ville de province où ils ont grandi, et qu’ils n’ont jamais quittée. Musique, alcool et fête… À vouloir vivre à bout de souffle, ils en oublient tous deux que leur monde est en train de changer.

Le fils prodigue

Jérôme, c’est le beau parleur.  Animateur d’une radio clandestine, il est la voix suave d’une génération qui veut vivre pleinement, faire la fête et s’oublier en écoutant les disques de Joy Division.  Philippe, c’est le jeune timide.  Romantique et torturé, il vit dans l’ombre de son frère.  Son obsession, c’est la musique.  C’est son souffle, sa voix, sa manière de crier au monde qu’il existe.  Lorsque Philippe est envoyé en service militaire à Berlin, un monde nouveau se dessine.  La terre rêvée s’ouvre à lui, avec sa musique et sa vie nocturne.  Mais alors qu’il s’apprête à partir, Philippe tombe amoureux de Marianne, qui sort avec Jérôme.

Le réalisateur oppose les deux frères, comme les héros d’une tragédie grecque. Jérôme incarne la jeunesse de mai 68. Il idolâtre Mitterand, qui vient tout juste d’être élu. Philippe, lui, incarne le monde d’après. Un monde qui va tout balayer pour se reconstruire ailleurs. Pris dans les remous d’un triangle amoureux, les deux frères se cherchent, leurs repères soudain brouillés.

Un projet ambitieux

Les Magnétiques est un projet de cœur. Une volonté de Vincent Maël Cardona et sa bande de capturer le souvenir d’une époque fantasmée, les années 80. La quasi-totalité de l’équipe du film grandit hantée par ce vent de liberté et de désillusion, porté par la musique.

La première chose qui frappe dans Les Magnétiques, c’est la maîtrise totale de la technique, dans tous les domaines. Tout d’abord, le son. Ce son qui enveloppe et transporte immédiatement dans le tourbillon des années 80. Loin des clichés des tubes de discothèque, Les Magnétiques s’imprègne de la musique indépendante et des radios rocks de la fin des années 70. Chaque scène témoigne de cette passion, comme un hommage aux groupes qui ont libéré toute une génération et crié sa colère. 

Cette énergie bien particulière donne vie à l’univers de Vincent Maël Cardona. Le film entier est rythmé comme le morceau d’un groupe punk endiablé. On pense en particulier à la scène de la radio, tout simplement stupéfiante. Philippe utilise le son du studio pour exprimer son amour à Marianne. La scène a été tournée en utilisant du matériel d’époque pour mieux capturer ces vibrations si uniques. Déjà culte.

Les Magnétiques – Copyright Paname Distribution

Un travail visuel renversant

Ensuite, il y a évidemment l’image.  Brice Pancot prend les rênes et envoûte avec des images créatives, soignées jusque dans le moindre détail.  Un travail de maître, digne des plus grands, qui traite chaque plan comme une œuvre d’art à part entière. Pour porter son projet, Vincent Maël Cardona s’entoure de quatre jeunes acteurs au talent fou : Timothée Robart, Marie Colomb, Joseph Olivennes et Antoine Pelletier.  Chacun, à sa manière, s’approprie cette époque, transporté par ce désir de vie et de liberté.  Habité par des acteurs au charisme naturel, le travail d’écriture est évident. Le résultat explose à l’écran, dans un cocktail énergique et enivrant.

Entre nostalgie et rage de vivre, Les Magnétiques se démarque et entre dans la cours des grands. Le réalisateur propose le cinéma et la musique comme un moyen d’appartenir au monde. Un moyen de se reconnaître, de se comprendre, aussi. Un hommage vibrant aux groupes des années 80, et à cet espace étrange entre le monde qui s’en va et celui qui vient. Magnétique, c’est le mot, tant on en redemande volontiers. Pour un premier long-métrage, c’est tout simplement du génie.

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