CINÉMA

« Seize printemps » – Fais moi tomber amoureuse comme à 16 ans

©Avenue B Productions
©Avenue B Productions

Dans son premier long-métrage, Seize printemps, Suzanne Lindon promène la mélancolie d’une jeune fille de 16 ans dans les rues parisiennes. Une lycéenne à l’âge des premiers émois transportée par des sentiments nouveaux. Le portrait d’un âge entre lyrisme, grâce et désir de cinéma.

« Dans tes classeurs de lycée. Y’a tes rêves et tes secrets. Tous ces mots que tu n’dis jamais. Des mots d’amour et de tendresse. Des mots de femme. » murmurait Yves Simon en 1977 (BO de Diabolo Menthe de Diane Kurys).

“Même si ta vie commence à peine. T’as déjà plus envie de rien. Et ce frisson que tu étrennes. N’est qu’une larme sans chagrin. Ta chambre est une grande scène. Mais les héros sont en photo. Et la voix qui te dit “je t’aime”. N’est qu’une chanson à la radio. » chantait Philippe Chatel en 1979 (Ma Lycéenne).

Les temps changent. Certaines sensations restent immuables peu importe l’époque. Certain.aine.s adolescent.e.s s’ennuient et se sentent seul.e.s même entouré.e.s de leurs camarades. C’est le cas de Suzanne. Le personnage écrit et interprété par Suzanne Lindon, 21 ans, et fille des acteurs.rices Sandrine Kiberlain et Vincent Lindon dans son premier long-métrage Seize printemps. Suzanne, comme le personnage de Sandrine Bonnaire dans À nos amours de Maurice Pialat dont le poster trône sur un mur de cette chambre de lycéenne.

Si cette dernière déclarait « J’ai peur d’avoir le cœur sec », la Suzanne de Suzanne Lindon a plutôt le coeur grenadine, boisson qu’elle sirote en lieu et place des diabolos menthe d’ Éléanore Klarwein. Et ce, dès la toute première scène. Il parait aisé de reprocher à la jeune réalisatrice/actrice cet amas de références seventies/eighties, et la facilité de pouvoir réaliser son premier long métrage quand on est une « fille de ». Ajouté à cela, le look de Charlotte Gainsbourg dans L’ Effrontée de Claude Miller (1985), jean Levis 501 et chemisier blanc, autre « fille de » précoce, et un décor parisano-bourgeois du 18 ème arrondissement, Suzanne Lindon pourrait s’adresser à ce milieu d’entre-soi en pensant raconter l’histoire de cette héroïne. Mais ce n’est pas le cas.

Si tu t’appelles mélancolie

Débarrassant son récit de toutes traces numériques de notre époque, Suzanne Lindon inscrit Seize printemps dans un espace intemporel. Sa caméra saisit une atmosphère aérienne, des sentiments, dans lesquels il est léger de s’identifier. Suzanne et ses seize printemps s’ennuient, au lycée et avec les jeunes de son âge. Elle traine sa mélancolie dans les rues montmartroises jusque sur la place Charles Dullin, devant le Théâtre de l’Atelier. Ses yeux tombent sur un comédien de 35 ans, au nom d’Archange, Raphaël, incarné par Arnaud Valois. S’ensuit alors la recherche pudique de la jeune fille pour attirer son attention. Lui aussi, se morfond dans sa routine, jouant la même pièce depuis fort longtemps. Lui aussi semble être en décalage avec les autres comédien.nes.

Si presque vingt ans les séparent, toustes deux se trouvent entre deux âges et leur solitude se rencontrent comme une évidence, aimantées l’une à l’autre. Entre silences gracieux, sourires gênés et chansons de Christophe, la réalisatrice capture l’obsession du « crush », un amour universel et naïf comme seules les fictions peuvent nous offrir. Par cette mise en scène, toujours en mouvement, elle ponctue son histoire de chorégraphies poétiques, saisissant plus profondément l’attraction et la sensualité liant ces deux êtres.

Finalement, Suzanne Lindon du haut de ses 21 ans, nous transporte et nous raconte ce que c’est d’avoir 16 ans, âge des premiers émois, d’être en dissonance avec son époque – et ce peu importe son milieu d’origine -, d’être transcendée par des sentiments nouveaux, comme seule une jeune fille peu l’évoquer. Ces fragments de vie et d’amour s’en trouvent encore renforcés avec les notes composées par le chanteur Vincent Delerm qui signe une BO se fondant dans l’espièglerie et la fantaisie de la protagoniste qui « traine au bord de la place. Un chemisier blanc effronté. », qui « attend que quelque chose se passe. Un garçon, un début d’été.  ». Comme une envie d’aimer comme à 16 ans.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

You may also like

More in CINÉMA