À l’occasion de leur nouvel album Can’t Wait to be Fine, sorti chez les labels français Howlin Banana Records et Le Cèpe Records, nous avons discuté avec les membres du groupe We Hate You Please Die. Au fil des anecdotes racontées par le groupe, nous en apprenons davantage sur cette sortie. La continuité de leur premier album Kids are Lo-Fi se veut plus réfléchie au niveau des sujets abordés ainsi qu’au niveau des multiples influences. Immersion dans l’univers garage rock des quatre amis rouennais.
Comment allez-vous ?
Joseph : On est contents de sortir l’album bientôt, après un long moment pour le préparer. Comme il n’y a pas de concerts depuis plus d’un an, le fait d’avoir un gros travail de coulisses à faire pour la préparation de l’album, au final, on n’a pas arrêté de s’occuper du groupe et de tourner des clips, enregistrer l’album. Point de vue global : ça pourrait être pire.
Raphaël : Le soleil revient, moi je suis carrément sensible à ça, je trouve ça stylé de sortir un album en même temps que le retour du beau temps.
Comment s’est formé We Hate You Please Die ?
Raphaël : À la base c’est un projet que j’avais commencé et qui a très vite été rejoint par Chloé. On s’est rencontré il y a dix ans, on s’est juste dit qu’on voulait faire de la musique. Une soirée, je l’ai entendu chanter et j’ai pensé que ça pourrait être cool de faire ça. Sept ans après, avec Joseph, on a des jardins mitoyens, il a déménagé deux semaines après moi, je l’ai entendu faire de la musique et je lui ai parlé du projet.
Mathilde : Et entre temps j’ai rencontré quelqu’un qui voulait faire un groupe, il a trouvé Joseph sur Facebook qui disait qu’il cherchait des gens pour former un groupe, et on s’est rencontré comme ça. Le projet avec l’autre personne n’a jamais abouti et du coup Joseph m’a envoyé un message pour que je les rejoigne.
À quelle période a été écrit cet album ? Dans quelle atmosphère ?
Joseph : Il a été écrit sur un long laps de temps, les chansons ont été écrites au fur et à mesure, et pour certaines chansons, avant l’enregistrement de notre premier album. Sinon l’écriture des chansons a été faite surtout en 2019 et 2020 et on a enregistré en octobre. Comme l’écriture des chansons a été étalée sur plus d’un an, nos influences et nos kiffs du moment ont eu le temps d’évoluer, ce qui nous amène à une certaine diversité d’influences.
C’est vrai que dans l’album, il y a deux parties vraiment distinctes, une partie hyper sombre et une autre partie plus gaie, avec de l’espoir.
Joseph : Je ne sais pas si on l’avait conceptualisé comme ça, mais c’est très intéressant d’avoir ce point de vue là.
Raphaël : Si on en avait un peu parlé, la première partie était un peu plus sombre sans non plus être “dark”. On trouvait que ça faisait un peu comme Kaamelott. On trouvait la comparaison amusante, parce que dans l’album, tu as l’impression de glisser. C’est vrai qu’il y a un peu des deux, du solaire et du plus sombre.
Quelles ont été vos influences musicales pour cet album ?
Joseph : On n’a pas une influence identifiée pour un morceau, c’est un ensemble de tout ce qu’on écoute depuis qu’on est gosses. En même temps avec des choses classiques et anciennes comme The Beatles, System of The Down, mais aussi des trucs assez variés, généralement rock.
Mathilde : En fait le problème c’est qu’on a tous une influence différente. On n’aime pas tous la même chose.
Raphaël : Il y a des trucs sur lesquels on se retrouve mais c’est vrai qu’on ne pense pas du tout les mêmes choses.
Comment vous arrivez à mettre tout ça en commun ?
Mathilde : Souvent c’est Joseph qui commence à composer un truc et après on le rejoint tous et on essaye d’apporter notre partie à ce qu’il a fait.
Joseph : Oui, pour l’instru en tout cas, après c’est Raphaël qui fait toutes les lignes de chant. Parfois, quand j’ai des mots qui viennent, c’est une idée de la direction dans laquelle on pourrait aller. Parfois, Raphaël invente des lignes de chant qui n’ont rien à voir avec ce que j’avais un peu imaginé à la base et donc ça amène sur un terrain assez différent et assez varié.
Raphaël : Mais là, pour le coup par rapport aux premières qui étaient vraiment “file droit” j’ai eu vraiment l’impression de m’amuser à switcher entre trois types de voix et de phrasés. Là, j’ai essayé de partir du principe qu’aucune des chansons ne se ressemblent et de faire en sorte qu’il n’y ait pas de choses redondantes. Je suis vraiment aller chercher dans un répertoire un peu plus large que d’habitude, ça peut aller des Eels à Rage Against The Machine. Ce sont vraiment des influences non voulues. Je ne vais pas faire un truc en me disant “j’aimerais que ça sonne comme ça”. Je fais un premier jet en yaourt et après, je mets des mots.
Comment se fait l’alternance entre la voix de Chloé et celle de Raphaël ?
Raphaël : Déjà il y a plus de place à Chloé pour le chant sur cet album, parce que tout d’abord elle chante bien et puis de base ça devait être elle qui devait faire les voix dans le groupe.
Pour le troisième album, on fera chanter Joseph, il ne le sait pas encore (rires).
Qu’est-ce qui réveille vos âmes créatrices en dehors de la musique ? Comment vous vient l’inspiration ? Comment vient le processus de création ?
Raphaël : Le chat ! Il y a une chanson sur le chat sur le premier album. Pour la petite histoire, quand Joseph envoie des maquettes avant de mettre le chant, il regarde autour de lui, et il met ce qu’il trouve comme nom à la chanson. Toutes les chansons se sont donc appelées : béton, stylo, pelouse…
Joseph : Hortense, c’est le nom de mon chat du coup.
Mathilde : Pâtes au pesto aussi. (rires)
Raphaël : Un jour, il avait nommé la maquette Hortense et on a trouvé ça trop mignon du coup on l’a gardé et c’est une chanson en l’honneur de son chat.
Joseph : Dans l’inspiration de la composition, il y a le mood du moment, le mood de la journée, l’état d’esprit, dans lequel on est. C’est compliqué d’identifier les influences hors musique, ça se fait très instinctivement.
Raphaël : Après j’ai une petite anecdote, sur Figure it Out, sur le premier album. Joseph n’avait pas trop le moral et il est venu à la maison et il me dit “bah, j’ai fait une chanson” et du coup, il a joué le début de Figure it Out qui est une balade psyché et j’ai trouvé étonnant, c’est une des rares fois où il est venu à la maison avec des riffs.
Joseph : Oui c’était l’époque où j’avais le pire travail de ma vie et je rentrais épuisé, c’était un CDD de 4 mois mais j’ai eu l’impression que ça avait duré 4 ans. Dans un moment de bad mood, ce sont des choses qui viennent. Mais heureusement qu’il n’y a pas que ça sinon ça serait 100 % dépressif et ce n’est pas l’idée vers laquelle on a envie d’aller.
Raphaël : On a dit le soleil ! (rires)
En quoi cet album est-il différent de Kids are Lo-fi ?
Joseph : Il n’a pas été créé de la même façon. Le premier album, c’était le moment où on commençait à jouer ensemble, en 6 mois on a créé 8 chansons. Il a été composé assez rapidement ce qui, je pense accentue le truc qu’il “file tout droit” sans trop se poser de question. Il n’y a pas la même approche dans la création. Le deuxième album est quand même une continuité, un peu une évolution pokémon (rires).
Mathilde : Il y a plus d’intentions sur le deuxième et plus d’expérimentations.
Joseph : Oui on est allé chercher plus loin dans nos influences et dans la construction des morceaux il y a plus de réflexion, plus de prise de recul et de subtilité.
Raphaël : De paroles aussi. Dans le premier, c’était plus des bouts de phrases, des bout de couplets. Je n’avais pas envie de me casser la tête avec les paroles, d’une parce que l’anglais n’est pas ma langue maternelle et sur le deuxième pour le coup, c’est passé dans l’évolution. Il y a 3 ans, ce n’était pas parti pour être notre activité principale, donc ça se ressent. Le premier, c’était de la poudre à canon pure autant celui-là est plus ciblé sur les sujets qu’il aborde, chaque mot à sa place. Sur le premier album, il y avait vraiment des choses qui ne voulaient rien dire et on ne nous l’a jamais fait remarquer. Par contre sur cet album, il y a un mec qui a mis un commentaire sur notre dernière vidéo YouTube en disant que je chantais dans un accent luxembourgeois et ça m’a un peu vexé…
Quels thèmes abordez-vous dans Can’t Wait to Be Fine ?
Raphaël : Pour le coup, il y a beaucoup de choses qui vont avec l’évolution des mœurs. Ça parle beaucoup de déconstruction, de neuroatypie et d’exclusion. On échange beaucoup de sujets sur lesquels on veut parler et on essaye toujours d’avoir de la bienveillance. Ça parle beaucoup de la société patriarche, il y a tellement de sujets qui découlent de ça de façon directe ou indirecte, donc souvent ou revient un peu à ce système. Chloé va aborder des sujets sur l’agression sexuelle.
Camille : Une actualité qui a toujours existé mais qui se libère et les gens en parlent beaucoup plus qu’avant.
Quelles sont vos musiques du moment ?
Joseph : En ce moment j’écoute Crack Cloud, Squid et là je me suis refait un album de Primus que je n’avais pas écouté depuis longtemps, ça m’a fait très plaisir de le réécouter. Sinon les derniers albums de Thee Oh Sees sont très classes.
Raphaël : J’ai beaucoup de lubies, j’écoute des choses en boucle. Je ne suis pas un gros fan des Sex Pistols, mais j’ai découvert la carrière solo de Johnny Rotten et je trouve ça cool. J’écoute aussi beaucoup le dernier album de La Femme.
Mathilde : J’écoute le dernier album de Skegss, un groupe australien, avec les beaux jours qui arrivent c’est good vibes. J’ai un peu essayé de me mettre à Foo Fighter, à écouter un peu ce qu’ils font.
Quelles sont vos envies après cette sortie d’album – et cette période Covid – professionnellement et personnellement ?
Joseph : Des vacances et des concerts
Mathilde : Les deux en même temps
Joseph : Une tournée des campings (rires)
Raphaël : Des concerts et sinon se faire vacciner, la vie ! (rires)
Joseph : On a normalement une petite tournée au Canada de prévue l’année prochaine si tout revient à la normale. S’il y a des concerts avant en France, c’est génial, on va chialer dès le premier concert, je pense.