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Rencontre avec Ian Caulfield, Pi Ja Ma, Yoa, Tomasi, Thx4crying et Trente

Visuel : Leelou Jomain

À l’occasion du concert de Ian Caulfield au FGO Barbara le 11 juin dernier, on a rencontré l’artiste et sa joyeuse bande, invitée à jouer avec lui, juste avant leur passage sur scène. Une entrevue collective légère, insouciante et riche en sottises où l’on a conversé pouvoir de l’amitié, bienveillance musicale et art de la débrouille.

Pauline Pitrou : Pour commencer, la question que tout le monde se pose. Quelles sensations ça fait de retrouver les concerts  ?

Ian Caulfield  : C’est incroyable ! On réalise pas, enfin moi je ne réalise pas personnellement. En plus on fait ça en famille, alors c’est parfait.

Tomasi  : C’est bien  !

Pauline Pitrou : Des sensations, des mots….

Trente  : On a pas encore joué, donc on ne sait pas encore.

Pi Ja Ma  : Délicat. Non je rigole.

Trente  : C’est vrai que c’est délicat  ! C’est un mélange de peur et d’excitation.

Pauline : Un peu comme ta musique…

Hugo  : Ah la vache  !

Yoa  : Je me sens à la fois joyeuse et privilégiée de faire ça avec tous mes copaines.

Trente  : On a peur ensemble  !

Yoa  : C’est très très joyeux, je suis très contente  !

Pi Ja Ma  : Moi j’ai en tête la chanson de Pascal Obispo qui dit «  si on devait mourir demain  ». Du coup ce soir je vais jouer comme si c’était la dernière fois. J’ai peur mais même temps je sens que les gens seront contents d’être sortis de chez eux même si on leur fait de la grosse musique de merde, donc Hallelujah  !

Thx4crying  : Je suis très content  ! C’est super ! Je sais pas encore comment ça va être de faire le concert et de l’entendre, mais je pense que ça va être bien d’entendre de la musique très forte, de revoir jouer mes ami.e.s et tout. Je suis content, voilà.

Pi Ja Ma  : On est entre ami.e.s aussi, faut pas l’oublier  !

Leelou Jomain : Justement ! La prochaine question s’adresse à toi Ian : pourquoi c’est important pour toi d’avoir invité tous tes ami.e.s sur scène aujourd’hui ?

Ian Caulfield : À la base on s’était dit que je devais sortir mon EP plus tôt donc on avait prévu de faire une release party. Finalement, on a décalé l’EP. Du coup, on avait toujours cette date qui était là et on ne savait pas trop quoi faire. On s’est dit, que pour la reprise des concerts, c’était chouette d’inviter tous les potes, comme ça, on fait la fête et puis on est tous content. Il n’y a pas vraiment d’explication autre que ça. Juste on a envie de faire la teuf ensemble.

Pauline : En vrai je connais plutôt bien votre musique à vous toustes, c’est quand même assez différent les univers musicaux que vous avez. Greg (Tomasi) tu fais du rap

Tomasi  : Je fais de la chanson en fait  !

Pauline : Oui du rap sensible  ! Hugo (Trente) fait de la musique excitante et apeurée (rires). Vos univers sont assez distants mais j’ai quand même l’impression qu’il y a un truc qui vous rassemble. Qu’est-ce qui vous rassemble dans votre musique  ? Est-ce qu’il y a quelque chose qui peut se rapprocher de tous vos univers ?

Tomasi  : Je pense que c’est une question de valeurs. On est tous copaines dans la vraie vie et finalement si on arrive à se supporter en dehors du travail c’est qu’on se sent bien ensemble.

Pauline  : Quels genres de valeurs  ?

Tomasi  : Des valeurs de partage, de sensibilité. Justement on fait un peu de la musique différente, tous, mais y’a ce même truc, enfin, je sais pas… la musique de Ian me touche, la musique de Florian me touche, la musique de Pauline me touche, la musique de Yoa me touche… voilà c’est à peu près tout  ! et la musique de Hugo me fait pleurer.

Ian Caulfield : Même si on le montre pas toujours forcément on a un état d’esprit assez positif et qui va dans le sens de se valoriser, de manière positive. Je veux dire de s’encourager, d’être là les uns pour les autres dans pleins de manières possibles.

Pauline  : Y compris sur scène  !

Ian  : Oui voilà. Du coup ça va avec, mais c’est vrai qu’à la base c’est quelque chose de bienveillant. Moi c’est pour ça que je suis bien avec ces gens-là parce qu’il y a une bienveillance qui est assez rare dans le milieu de la musique en générale, qui est souvent assez concurrentielle. Je retrouve pas ce genre de concurrence dans notre bande et ça fait du bien   ! Je trouve qu’on a tous envie de s’aider.

Trente  : Et puis aussi, on est des débrouillards.

La bande de copaines (en cri) : DÉBROUILLARDS À JAMAIS  !

Pauline : C’est un joli mot.

Trente  : On est vraiment des débrouillards, tous.

Tomasi  : On avait invité Damso mais il pouvait pas venir  !

Pauline  : Bricoleur ça te va bien Pauline (Pi Ja Ma)  !

Simon (ndlr : batteur du groupe Inüit, qui accompagnait ce soir-là Ian Caulfield à la batterie)  : Ils font du sale  !

Leelou : Ce soir vous êtes toustes réunies à l’initiative de Ian. Comment vous définirez, en quelques mots, sa musique  ?

Trente  : Rêveur et punk  !

Pi Ja Ma  : Moi je dirais « voix », parce que la voix que je préfère c’est la voix de Ian.

Tomasi  : Non mais tu avais dit la même chose dans une interview sur moi  !

Pi Ja Ma  : Je suis vegan.

Thx4crying  : Moi aussi j’adore la voix de Ian. J’adore ses mélodies, ses paroles. Je trouve que c’est très personnel. Il est attendrissant.

Yoa  : Il y a à la fois un truc du désespoir et d’espoir, dans ses morceaux, que j’aime bien. Ça vient d’un lieu de grande douleur, de désespoir, mais c’est pas hyper dark… moi c’est ça que j’aime bien je crois chez lui. Et sa voix aussi.

Tomasi  : C’est à la fois joyeux, dans les mélodies, mais il y a des thèmes abordés qui sont plus profonds, et c’est quelque chose qu’on partage d’ailleurs un peu tous je trouve.

Pauline : Florian tu as sorti récemment une réédition en EP de certaines chansons de ton album de Refuge en duo avec toustes tes copaines, notamment Ian. Toi Hugo, sur tous tes EP tu invites tes ami.es comme Claire (Pomme), Pauline (Pi Ja Ma), ou encore Safia (Nolin). Je me demandais, est-ce que vous avez déjà songé à sortir un jour quelque chose de collaboratif  ?

Trente  : Les Enfoirés  ?

Pauline : Oui, ou les Resto du cœur effectivement voilà  ! Non non pas ça, mais une espèce de compilation avec des chansons originales, entre vous…

Trente  : Greg, t’organises ça  ?

Tomasi  : C’était un projet avec les Kimono justement de faire une compil où on pourrait toustes faire des morceaux, enfin peut-être reprendre des morceaux qu’on a déjà sorti avec des collaborations. C’est pas toujours facile à mettre en place parce qu’on a différents niveaux, toustes, dans notre carrière, et notre entourage professionnel donc il faut des accords qui peuvent être pratiquement désagréables, mais ça reste un projet. En vrai, ça nous empêche pas de faire de la musique ensemble.

Thx4crying  : Il faudrait un prétexte pour faire quelque chose comme ça. Genre je sais pas, une asso… Tu vois un truc organisé un peu…

Pi Ja Ma  : En bande organisée  !

Thx4crying : Mais sinon c’est pas mal le fait que chacun.e ait son projet solo et qu’on puisse faire des duos quand on veut. C’est un bon équilibre je trouve. On se met aucune pression là-dessus.

Pi Ja Ma  : Travailler avec des ami.e.s c’est pas facile.

Tomasi  : Hugo (Trente) il a d’autres bandes de potes aussi et là il prépare un album avec Lomepal et Orelsan.

Leelou : Quels sont les avantages et les inconvénients de faire de la musique avec ses ami.e.s  ?

Trente  : Honnêtement des inconvénients, je n’en vois pas du tout.

Tomasi  : C’est un exemple que je prends souvent  : on a bossé avec Ian sur son album, pour un morceau, et pour moi ça a été une journée hyper compliquée parce que ça m’a poussé dans plein de choses dans mon travail et donc c’était un peu bizarre parce que justement, tu as un ami en face de toi donc tu ne peux pas forcément prendre le recul nécessaire. Mais au final, tout est positif parce qu’on est là pour se pousser. Même s’il y a des petites difficultés, au final on en sort tous grandi et c’est trop cool.

Ian Caulfield  : Il y a quelque chose quand même d’assez inspirant. Que ce soit des ami.e.s ou pas en général on essaye de bien écouter ce que font les autres. C’est vrai que si il y a peut-être un inconvénient c’est que des fois quand on est vraiment inspiré par un de ses ami.e.s, on a pas trop envie non plus de copier alors que quand c’est quelqu’un qu’on ne connait pas on aura moins de scrupule à s’en inspirer. Alors que si c’est un copain, une copine, ça fait trop le pote ingrat.

Tomasi  : En plus c’est plutôt un avantage le fait qu’on se connaisse à ce niveau-là. Ça valide automatiquement le truc un peu tu vois. Si on fait un peu la même chose à certains moments, c’est moins grave parce que c’est validé par la personne qui a eu l’idée originale.  

Ian Caulfield  : Non mais en vrai c’est surtout des avantages. Ce qui est cool c’est qu’on est assez franc entre nous. On se dit quand on n’aime pas, quand on aime bien. C’est constructif.  

Pauline : Ce que je retrouve dans votre musique, dans tous vos univers, c’est vraiment cette question de l’enfance, l’insouciance et l’innocence. Du coup je voulais vous demander  : qu’est-ce qu’il reste de l’enfant en vous  ?

Tomasi  : Alors, c’est dur d’être souvent connecté avec cet enfant intérieur parce que c’est aussi… plus on avance plus ça devient un métier ce que l’on fait et… de toute façon c’est un métier. Je sais que de mon côté c’est une bataille, il faut se rappeler que c’est surtout s’amuser faire de la musique. Ouais, juste se rappeler de s’amuser, juste kiffer de faire de la musique, d’appuyer sur un bouton, sur un piano, que ça fasse un bruit marrant.

Pauline  : Oui, un peu comme un jeu en fait   ?

Tomasi  : Ouais c’est ça exactement  ! C’est aussi le truc d’être avec ses copaines. Ça me tient trop à cœur, et je pense qu’on est toustes un peu pareil là-dessus.

Trente  : On a Alexis qui est avec nous, il y a tout l’entourage qui est indispensable, ici présent, qui font qu’on puisse avancer dans nos projets. Alexis il a ce truc-là d’enfant. D’enfant content. Quand il se passe un truc chouette. Moi j’ai gardé ce truc là aussi quand je fais de la musique longtemps et que je suis enthousiaste, j’ai l’impression d’avoir cinq ans et demie quoi.

Yoa  : Mon rapport à l’enfant je le conscientise pas du tout quand j’écris ou quand je chante, quand je suis sur scène. Je pense que c’est tout le temps là en vrai. J’ai l’impression que j’ai pas du tout changé depuis que je suis enfant. Je sais pas si c’est bizarre de le dire comme ça mais je trouve que je n’ai vraiment pas du tout changé, vis-à-vis de pleins de trucs, mais dans ma manière d’envisager la chanson. C’est vrai que pour moi le mot « jeu » il est hyper juste parce que j’ai eu la chance d’avoir choisi ce métier-là et mon métier c’est littéralement jouer. On joue des instruments, on joue la voix… l’essence de ces métiers c’est du jeu. Je pense que s’il y a un truc qui témoigne effectivement qu’on est… moi je sais que je suis toujours un enfant. Enfin j’ai pas changé.

Pi Ja Ma  : Moi, je suis plus aussi peureuse que quand j’étais petite. Par contre j’ai gardé le même rapport à l’expérimentation et à la création permanente. Genre je suis un peu la même personne, qui se reclut dans sa chambre et qui fait pleins de trucs tout le temps. Sauf quand je suis déprimée. Comme en ce moment. Mais je suis un peu pareil. Parfois je vois des vidéos de moi quand j’étais petite et je me dis « ah c’est la même chose », cet espèce de truc bizarre. J’avais surtout une tête encore plus bizarre quand j’étais petite. Je ressemblais un peu à un alien. Je faisais des spectacles. Mais par contre j’étais hyper timide, ça, ça a changé un peu.

Pauline : Je dis souvent que tu es un bébé et, en même temps, une mamie.

Pi Ja Ma  : C’est deux personnes très moches combinées  ! Une mamie et un bébé c’est très laid. T’imagines le nombre de rides  ?

Thx4crying  : Forcément dans ma musique il y a un rapport à mon enfance, et surtout à mon adolescence un peu sombre, d’ado emo pas très bien, pas très heureux. Je fais beaucoup de références à ça dans mes chansons. J’ai l’impression que mes inspirations de mélodies, de textes, dans la musique que je fais avec Thx4crying, c’est beaucoup les choses que j’écoutais quand j’étais ado et enfant genre Superbus.

Ian Caulfield  : Il reste pas beaucoup de choses. C’est pour ça que j’essaye de le retrouver. Il y a pas mal de choses qui ne sont plus pareilles. Notamment dans la conception des choses en général. En plus on a un regard lucide qu’on a pas trop quand on est gamin.

Pauline : C’est quelque chose que tu essayes de reconstruire l’enfance dans ta musique  ?

Ian Caulfield  : Ouais un peu. On est de plus en plus ancré dans la réalité, petit à petit. Si je ne fais pas appel à ça, on se fait chier quoi. C’est banal quoi. La vie elle est banale, on le sait. Tout est une banalité. Alors que dans le cerveau d’un enfant il y a beaucoup plus de choses de possible. Donc c’est inspirant déjà, et puis en plus c’est amusant. Ça permet de se libérer, pour moi.

Leelou : Choisissez une chanson composée par une personne présente parmi nous et qui représente votre année 2020.

Yoa  : Je dirais Fête triste de Thx4crying, et la mienne Appartement.

Pi Ja Ma  : Ne te retourne pas. Parce que si tu te retournes, il y a un mur.

Trente  : Elle est pas sortie… C’est Alors je descends plus bas de Thx4crying. Et Bisou de Pi Ja Ma !

Pi Ja Ma  : C’est marrant, elle est sortie (ndlr :Bisou) quand on pouvait rien faire  !

Tomasi  : Je vais dire Confinée du coup. Et peut-être Besoin d’aide, mais pareil c’est pas sorti encore. Et Pas grand-chose  de Ian !

Pauline : Vous avez toustes des chansons qui pourraient bien aller avec l’année 2020 en fait  !

Thx4crying  : Diabolo menthe.

Pi Ja Ma  : Moi je l’ai beaucoup écoutée (Diabolo Menthe) mais je voyais pas trop exactement le rapport avec le confinement.

Ian Caulfield  : Je vais faire un peu l’égocentrique mais... Tu me manques.

Tomasi  : Du coup on peut dire que c’est moi qui fais les chansons les plus joyeuses, parce que personne m’a cité  !

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