CINÉMA

« Petite Maman » – Du temps de perdu

© Pyramide Films

Dans Petite Maman, Céline Sciamma joue les cartes de l’automne, de l’enfance et du déplacement temporel. Un objectif et un scénario prometteurs qui hélas gagnent en lourdeur par un flagrant manque de rigueur dans la mise en scène.

Dans le cinéma de Céline Sciamma, il a toujours été question de faire de la représentation un élément clé de la compréhension de ses images. Comme dans la banlieue de Bande de Filles et le XVIIIe siècle de Portrait de la jeune fille en feu, l’ automne prend corps quand ses personnages l’arpentent avec des convictions induites par le scénario. Souvent  : l’émancipation.  

La forêt et ses feuilles orangers sont ici le théâtre de la rencontre entre une petite fille de huit ans, Nelly, avec la version enfantine de sa mère, Marion. Ensemble, elles construiront la cabane bien connue de l’histoire de la version adulte de la mère de Nelly, mais feront aussi des crêpes et fêteront un anniversaire bien curieux de sens temporel.

Vous comprendrez alors que s’ajoute ici une valeur nouvelle chez Céline Sciamma. Car outre les personnages, le contexte et les convictions de l’histoire, le déplacement temporel (vers le passé) dans un seul et même espace (le présent) vient s’ajouter à ces rendus auxquels Céline Sciamma nous avait déjà habitué. Seulement, et c’est ici notre plus grande frustration, le film gagne en lourdeur quand il peut être doué de légèreté.

Voyage dans le temps, crêpes au présent / © Pyramide Films

Service après-vente de mise en scène

Que cela soit dit  : les films de Céline Sciamma relève davantage du sujet d’invention que de la croyance envers des personnages et leur reflet dans les images. Il est consternant de voir à quel point la cinéaste fait pointer ses plans sans leur donner de sens non seulement dans leur plasticité, mais aussi dans leur enchaînement. L’utilisation peu surprenante, mais à la redondance avérée, du plan fixe n’a d’éloge que pour la vacuité de son scénario, filmé au détriment de la beauté évidente de son minimalisme. Cherchant son émancipation dans le déplacement temporel, Nelly se voit constamment revenir à la maison pour ce qu’on appellerait un retour à la condition de départ. Parce que maman est partie sans crier gare, puis revenue dans une version enfantine, il s’agirait d’épouser la même trajectoire  ? Le film déprime et n’a pas d’objectif.

Cette abstraction malhonnête dans ce qui relève du raconté et du filmé se traduit finalement par une mise en scène du service après-vente, où chaque plan est censé sauver le précédent. Drôle d’écologie du cinéma dans un film tourné en plein automne… Tout cela en dépit d’un imaginaire rangé au placard et d’un personnage masculin volontairement sous-exploité. Le père, réduit à sa barbe. La paternité, perdue dans les abîmes de la maternité mi-disparue mi-retrouvée et qui pourrait pourtant s’avérer d’une douceur infinie dans le registre de l’enfance et du conte. Une absence de contrechamp monumental.

L’absence de croyance réelle et de lâcher prise ne font qu’enfoncer Petite maman dans un cadre surcontrôlé, photographié au millimètre sans laisser le temps, justement, de faire respirer les histoires et ses représentations. Céline Sciamma, ou le comble de l’irreprésentabilité.

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