CINÉMA

« Les 2 Alfred » – Podalydès 2.0

© Why Not Productions
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Bruno Podalydès présente une nouvelle fable hilarante et citadine se mettant de nouveau en scène aux côtés de son frère Denis Podalydès et de Sandrine Kiberlain. Bienvenu dans le monde de la start-up nation, celui des 2 Alfred. Touchant.

Après une échappée logique dans l’univers bédéesque du célèbre personnage breton, Bécassine ! (2018), Bruno Podalydès poursuit ses fantaisies cinématographiques avec Les 2 Alfred, partageant de nouveau l’affiche avec son frère Denis et Sandrine Kiberlain, six ans après le sublime Comme un avion. Dans ce dernier, le cinéaste évoquait la crise de cinquantaine. Les 2 Alfred enchérit et aborde la crise de notre société, sa déshumanisation. A travers ces nouveaux personnages, Bruno Podalydès croque « la start-up nation » et l’ uberisation. Dans ce constat appuyé de nouveau par les gags et la fantaisie, il est presque difficile d’imaginer que le film ait été tourné avant l’épidémie du coronavirus nous forçant à amplifier la dématérialisation de nos habitudes, à commencer par le travail à distance.

Mais qui sont ces nouveaux personnages de l’univers podalydésien ? Denis Podalydès poursuit quelque part son rôle de Doinel/Tati, l’Albert Jeanjean de la trilogie des gares versaillaises (Versailles Rive-Gauche, Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers, Bancs publics (Versailles Rive-droite)). Ici, Alexandre est un quinqua, bien décidé à prouver à sa femme sous-marinière, partie en mission, qu’il peut assumer un nouveau travail et la garde de leur deux jeunes enfants. Alors que par miracle, il s’apprête à être embauché dans une start-up innovante, où il faut être disponible H24 et se plier à la règle de l’entreprise « NO CHILD », Alexandre va pouvoir compter sur un nouvel ami. Comme un ange descendu du ciel, une sorte de Sganarelle au service du personnage principal, Bruno Podalydès se glisse dans la peau d’Arcimboldo, « entrepreneur de lui-même ». Dans cette entreprise où on arrose les plantes à tour de rôle, saute sur un trampoline, mange des « bonbecs », et fête les contrats à la galette des rois arrosée de champagne, Alexandre va devoir faire équipe avec Séverine.

© Af Brillot / Why Not Productions

Sandrine Kiberlain interprète cette control-freak au bord du burn-out, qui roule en voiture autonome et dont la carapace va commencer à se craqueler aux cotés des deux héros. Autour du trio, une galerie de personnages caractérisés dont seul Bruno Podalydès a le secret et où il fait défiler tous les acteurs.rices de sa troupe dans de petits rôles : Michel Vuillermoz, Jean-Noël Brouté, Philippe Uchan, Isabelle Candelier, Florence Muller, Patrick Ligardes ; mais aussi le magicien Yann Frisch et la brillante jeune comédienne Luàna Bajrami.

De cet univers hyper connecté où drones et objets sont prétexte à la comédie et à la fable, Les 2 Alfred affirme un sens du rythme hors pair. Bruno Podalydès sort de la satire pour réparer ses protagonistes avec tendresse et émotion sans jamais oublier le rire. Comme toujours dans son cinéma, sa poésie embrasse les situations réelles, redoublant d’inventivité pour mieux faire le portrait de la société, lui redonnant une humanité parfois disparue.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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