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The Tryers s’essayent à l’interview – « On veut montrer qu’on est deux jeunes mannequins qui essayent et qui veulent casser les codes »

© Ludovic Fontanel et Pierre Painchaud / The Tryers

Direction un charmant petit appartement, en plein coeur de Paris. Ici nous retrouvons Pierre Painchaud et Ludovic Fontanel, un duo de mannequins aussi connus sous le nom de The Tryers. Sur Instagram, ils viennent de lancer un concept inédit : essayer. Rencontre.

«  Essayons  ». Voici l’essence même de The Tryers. Un concept simple et pourtant abstrait. Essayer, certes, mais pour qui  ? Et avec qui  ?  En octobre 2020, Pierre Painchaud et Ludovic Fontanel unissent leurs qualités de mannequins et leurs différences pour fonder The Tryers. Le duo, aussi déjanté que charismatique, part à l’attaque du vêtement sous toutes ses formes et ses couleurs. Autant dans les boutiques de luxe que de seconde main, à la ville comme à la campagne, devant ou derrière la caméra  ; The Tryers s’improvisent et jouent avec la mode.

En octobre 2020 vous avez posté votre première photo en duo sur Instagram sous le nom de The Tryers, autrement dit «  les essayistes  » en français. D’où a émergé cette idée  ?

Ludovic
Fontanel  : L’idée a émergé il y a longtemps, on en parlait sérieusement depuis juin. Moi j’y pensais depuis un peu plus longtemps. A l’origine le concept c’était d’aller dans une boutique de vêtements, se créer un look avec ce que l’on y trouve et de prendre une photo. Le concept d’essayer un truc pour voir si on aime bien justement, je trouvais ça cool. Je savais qu’on pouvait en faire quelque chose. Je voulais faire quelque chose de créatif et m’associer, ne pas le faire tout seul. J’ai donc proposé à Pierre de s’associer avec moi. On était dans la même agence de mannequinat et on s’entendait bien. J’ai aussi  eu l’idée du nom The Tryers… parce que je trouve ça bien d’essayer (rire). 

Quel message souhaitez-vous véhiculer derrière le simple concept d’ «  essayer  »  ?

Ludovic
  : Notre concept est super simple, on fait des photos, on s’amuse à essayer des vêtements, associer des genres, des couleurs, des marques. Le message qu’on tend à véhiculer c’est qu’on apprend et on que l’on se découvre en essayant.

Pierre Painchaud  : Parfois on trouve des pièces que l’on aime un peu moins et qu’on essaye en se disant «  pourquoi pas  ?  ». Par exemple la méduse, pour Antidote. Ici on a essayé un haut très chelou, que je ne me vois pas porter dans la rue. Finalement en photo je trouvais ça assez cool et le rendu était sympa  ! Si on n’avait pas eu cette curiosité d’aller essayer les choses on serait passés à côté de plein de trucs  !

Ludovic  : Quand on a commencé The Tryers, on allait dans les magasins et on cherchait des pièces fortes. Ici, en l’occurrence, on s’était rendus aux Galeries Lafayette et on avait trouvé ces fameux hauts bleus qui avaient un air très marin. On pouvait en faire quelque chose de rigolo, ce qu’on a essayé de faire en imitant des méduses.

Pierre  :  Le milieu de la mode est assez hautain et sérieux. On veut montrer qu’on est deux jeunes mannequins qui essayent, rigolent, veulent casser les codes… Ce n’est pas un job  ; on s’amuse en créant du contenu.

Ludovic  : On essaye  !

Pour ou avec qui aimeriez-vous «  essayer  »  ?

Pierre  : En ce moment je m’intéresse à un jeune qui s’appelle Charles de Vilmorin. Il est déjà le nouveau directeur artistique de la maison Rochas alors qu’il vient à peine de se lancer. Tant de choses sont à savoir sur lui et sur sa marque  : pourquoi est-elle hyper colorée, pourquoi ses pièces ont une forme si spéciale. Il y a toujours des artistes plus intéressants que d’autres. On comptait proposer un «  avec qui  ?  » à Maeva Marshall, une mannequin ayant fait de sa maladie de peau une particularité. Elle a  commencé à marcher à 18 ans car elle était en fauteuil roulant suite à un accident  ; comme quoi il y a plein de choses à savoir sur elle. Quant aux «  pour qui  ?  » il y a toujours de quoi faire.

Ludovic : Je n’ai pas d’objectifs particuliers car s’ils ne se réalisent pas nous serions très déçus. Ce qui m’intéresse c’est avant tout de pouvoir rencontrer des gens. L’avantage du « avec qui ? » c’est de pouvoir le faire avec n’importe qui, tant que la personne est dans un bon mood.

Pierre : Le concept d’ « essayer » reste avant tout entre Ludovic et moi mais si on peut essayer tous ensembles c’est génial aussi. Le Pour qui  ? se limite vraiment à nous deux essayant des vêtements dans un magasin. Avec qui ? c’est un moment de partage. On est très ouverts aux rencontres, surtout s’il s’agit de personnes aux profils divers ; plus c’est varié mieux c’est. Cela pourrait tout aussi bien être des artistes de musique par exemple, et nous on apporte notre côté mode.


Aimeriez-vous que The Tryers devienne plus concret, au-delà du fun  ?

Pierre
  : C’est notre souhait  ! A choisir entre le mannequinat et un futur offrant de belles opportunités avec The Tryers, le choix est vite fait. Le mannequinat ce n’est qu’une passade.

Ludovic  : Avec The Tryers, on fait notre truc. Dans le mannequinat nous sommes totalement dépendants des agences, des clients  ; on a aucun contrôle sur ce que l’on fait.

Pierre  : Ce que j’aime avec The Tryers c’est qu’on gère tout de A à Z tandis que dans le mannequinat on attend que notre agent nous appelle.

The Tryers c’est du mannequinat  ?

Pierre  : Non, ce serait plutôt un média digital, comme un magazine. On utilise notre profil pour essayer des choses. Le but c’est qu’on mette en avant notre image en essayant ensembles. On donne vie au vêtement mais celui-ci nous permet aussi de nous mettre en avant.

Ludovic  : Je ne sais pas si on peut avoir une case. On est les seuls à faire ça. D’une part on joue de notre métier de mannequin car on sait poser. D’autre part on tente de faire découvrir d’autres genres, d’autres styles, ce qui peut s’apparenter à de l’influence. On est un mix de plein de choses…

Pierre  : On est les The Tryers  ! (rire)

Est-ce que vous adaptez vos poses aux vêtements  ?

Ludovic  : Petit secret de tournage  : les descriptions viennent très souvent après avoir prit la photo. Au début c’était l’inverse. Nous avions noté à l’avance les «  essayons  » que l’on voulait faire. Maintenant on s’inspire des vêtements qu’on trouve, on essaye de ne pas faire des poses trop classiques. Ensuite on adapte la descriptions.

Pierre  : Par exemple chez Ralph Lauren on était habillés dans un style très «  golfeurs  », c’était le but. On s’inspire  de l’identité de la marque pour appuyer sur les clichés.

Ludovic  : Avant le covid on allait dans les magasins et on passait des heures dans les cabines d’essayage jusqu’à prendre la bonne photo (rire).

Est-ce que le mannequinat est de l’acting  ?

Ludovic  : A partir du moment où l’on te maquille, on te coiffe, on choisit tes vêtements et même ta gestuelle, tu n’as plus vraiment de quoi t’exprimer hormis ta propre personnalité. De ce fait, tu joues forcément un peu un rôle. On incarne plus un rôle qu’un vêtement. Pour le défilé Thom Browne, par exemple, je devais tenir le rôle d’une statue.

Pierre  : Ça dépend des job. Sur un défilé tu as davantage de quoi t’exprimer. Dans le e-commerce t’es juste un cintre sur un fond blanc. La personnalité d’un mannequin est importante mais pas forcément mise en avant. Dans le mannequinat on ne choisit ni notre gestuelle, ni la façon de porter le vêtement.

Avec The Tryers vous vous amusez à incarner différents styles, mais lequel vous représente le mieux  ?

Ludovic  : Pierre et moi n’avons pas les mêmes styles  ; nous avons des personnalités relativement différentes. Je porte  davantage de vêtements unis que des hauts avec des écritures. J’ai un style plus simple tandis que celui de Pierre est plus recherché. Moi je vois ça comme un jeu. C’est ma tante qui m’a transmis son goût pour la mode. Jje ne vais pas pour autant m’intéresser aux  dernières nouveautés ou aller faire les magasins. Jusqu’à ce que je commence le mannequinat je me fichais totalement de la mode. Lors de mes premiers rendez-vous en agence on me disait que j’avais davantage un look d’étudiant que de mannequin.

Pierre  : Je vais plutôt porter des hoodies, des joggings, des baskets. J’ai un style plutôt chill, tout en y ajoutant des détails tels que des bagues,  des colliers, des bandanas, des bracelets et des sacs à main.   Ludo a plutôt une apparence de jeune homme clean, simple, classique, tout en étant fashion. Par exemple il porte souvent un caban qu’il va casser avec un pantalon 70’s. Dans mon dressing tout est différent, je peux tout autant m’habiller old school que très dandy  ; tout dépend de mon mood. C’est un moyen de m’exprimer  ; je m’habille en fonction de mon humeur. Si je vais à un casting je porte un pantalon près du corps pour qu’on voit mes jambes. Pour sortir avec mes potes je vais porter un jean regular ou un jogging avec des baskets, ou une grosse veste en jean avec un hoodie. Je m’intéresse d’ailleurs beaucoup aux vêtements  ; j’aime adapter différentes couleurs, différentes matières. Je suis d’ailleur apte à faire du shopping et à acheter sans compter. Toutefois depuis The Tryers je fais plus attention à ce que j’achète. Honnêtement, avant j’aurais pu acheter sans aucun scrupule chez Zara alors que ce serait désormais impossible

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire du mannequinat  ?

Pierre  : Je n’en ai pas eu la réelle envie. J’ai été repéré par une agence de mannequin sur Facebook lorsque j’avais 14ans. Ce milieu ne m’a jamais intéressé, j’en étais vraiment loin. Je n’avais pas confiance en moi et avec mes parents on pensait que c’était une blague. On m’a demandé de venir à Paris pour prendre des photos. Peu de temps après un concours de mannequins m’a repéré et j’ai fini finaliste France. J’ai ensuite signé chez Nexmodel. J’ai été engagé comme égérie pour la campagne Kenzo x H&M une semaine ou deux après. Je n’étais pas forcément à l’aise mais c’était à la fois un milieu inconnu et un moyen de me faire de l’argent facilement donc j’étais tout aussi excité qu’apeuré. Sur le plan personnel, ça m’a avant tout permit de prendre confiance en moi et d’être plus sociable, avant j’étais très introvertis.

Ludovic  : Pour ma part, j’ai été repéré grâce à la notoriété de ma tante. Je me fichais de la mode, j’ai accepté parce que NEXT Model m’a convaincu que cela pouvait rester un simple job étudiant, je n’y voyais donc aucune contrainte. Je n’attendais rien du mannequinat car je n’y connaissais rien du tout et j’ai été agréablement surpris. Comme disait Pierre, ça aide énormément sur la confiance en soi, à condition d’être déjà stable psychologiquement. Il faut savoir encaisser les critiques.

Pierre  : C’est un milieu sans filtres. Si quelque chose ne va pas sur ton physique, on te le dira en face. Sans un minimum de confiance en soi, cela peut te détruire.

Est-ce que vous trouvez les mannequins trop minces  ?

Pierre : Il y a quelques années ont d’ailleurs été votées des lois avec des critères à respecter au sujet de l’IMC. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe des mannequins qui sont naturellement maigres. Je fais partie de la catégorie des mannequins maigres. Selon moi, tant qu’on oblige pas les mannequins à maigrir je n’y vois aucun inconvénient.

Ludovic : Tous les 6 mois on est obligés de faire un examen médical. Nous sommes toujours en dessous de notre IMC mais il y a un suivi pour veiller à ne pas mettre notre vie en danger.

Pierre : Ce qui est dommage c’est que les marques ne s’adaptent pas aux mannequins. C’est aux mannequins de maigrir pour être sélectionnés. Je suis en très bonne santé mais mon IMC est très mauvais par exemple. Pour Saint Laurent on m’a pourtant demandé de maigrir afin que le pantalon tombe mieux sur moi. Ca peut devenir un cercle vicieux lorsque l’on est encouragés à perdre du poids, notamment pour les filles. A l’approche de la fashion week, certaines agences mènent un suivi continu des filles qui ont tendance à grossir facilement. Encore une fois, tout dépend des marques et des agences. Ca a évolué et ça continuera d’évoluer. Désormais, des personnes de morphologies confondues ont accès au mannequinat, je pense ici par exemple à Ashley Graham qui participe à la démocratisation des mannequins grandes tailles.

Ça fait rêver d’être mannequin  ?

Pierre  : C’est totalement sur-côté. On pense souvent que les mannequins ont une vie de rêve, qu’ils gagnent énormément d’argent et voyagent beaucoup. Effectivement, j’ai beaucoup voyagé mais sur le plan financier c’est un peu plus compliqué. On est susceptibles de gagner beaucoup d’argent sur une prestation à tarif journalier, certes, mais on ne travaille pas tous les jours. Au final, ce n’est pas si énorme. C’est une pression psychologique aussi, ça peut être compliqué à endurer.

Ludovic  : On se fait de fausses idées sur le mannequinat, les gens n’y connaissent pas grand-chose finalement. Je trouve ça cool comme activité mais je n’irais pas dire aux gens que je suis mannequin, je trouve ça un peu prétentieux.

Pierre  : Pour moi c’est le contraire justement, être mannequin reste un métier, au même titre qu’un boulanger. C’est un métier essentiel pour l’industrie de la mode. Effectivement, c’est flatteur d’imaginer que l’on est payé pour son physique, mais ça reste un métier classique.

Ludovic  : On est loin des années 90 et de cette effervescence autour des top model. Aujourd’hui il en existe beaucoup moins. Il ne faut pas se bercer d’illusions, c’est un métier éphémère et plutôt précaire.

Que pensez-vous de la façon dont le milieu de la mode a évolué, notamment concernant les femmes  ?

Pierre  : A l’époque on pouvait davantage voir des mannequins avec des rondeurs mais elles restaient toujours très belles. Avec le temps les critères de beauté ont évolués, aujourd’hui on retrouve des mannequins avec des profils différents et atypiques, de plus en plus androgyne d’ailleurs. L’évolution n’est pas forcément bonne à mon goût puisqu’on demande majoritairement aux mannequins d’être de plus en plus maigres. Par contre les profils sont de plus en plus divers. On retrouve par exemple Madeline Stuart australienne, une mannequin trisomique  qui cartonne. Lorsque l’on regarde des photos de lingerie ce sont effectivement toujours des nanas incroyables, mais ça ne reflète pas la population. Les marques veulent montrer l’inaccessible, le rêve, c’est plus vendeur et c’est dommage. Selon moi il est important de rappeler que les hommes sont aussi hypersexualisés, c’est tout aussi compliqué pour eux. Ce qu’on demande à une fille on le demande aussi à un garçon.

Essayons de définir la mode

Pierre : Une façon de s’exprimer.

Ludovic : Ce qui est en vogue au moment présent

Une couleur à porter pour toujours  ?

Pierre : Le noir, bien que certains pensent que ce n’est pas une couleur. Le blanc aussi, parce que ça s’associe avec tout.

Ludovic : Le noir et le blanc aussi.

Un vêtement ou un accessoire à porter pour toujours  ?

Ludovic : Un caban, ça reste assez classe et pratique.

Pierre : Un hoodie. Pour les accessoires, des bijoux et des sacs car cela habille la tenue. Les bonnets et les casquette aussi… il y en a trop ! (rire)

Une marque ou une maison de couture  ?

Ludovic : Hermès, car j’ai aimé travailler avec eux.

Pierre : Celine. J’aime beaucoup le travail d’Hedi Slimane, autant chez Céline que chez Saint Laurent.

Un défilé  ?

Ludovic : J’aimerais beaucoup pouvoir défiler pour Dior.

Pierre : Celine, et aussi Balenciaga.

Un artiste  ?

Pierre : Je ne sais pas. Je n’arrive pas à idolâtrer ou à m’attacher à une personne.

Ludovic : Je ne sais pas non plus. Je ne me cantonne pas à une personne.

Une époque  ?

Ludovic  : J’aime l’époque dans laquelle nous vivons. Mais ça aurait été stylé de vivre dans les années 90, pour le côté mode.

Pierre  : Exactement, mais que pour la mode.

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