À la UneART

Solil’art : rencontre avec l’association qui allie art et solidarité

association art solil'art
Sujee Godard, co-fondatrice Solil’art, entourée de Lucas Jacquinet et Juliette Jouis de Maupeou, Paris © Laure-Anne Ricaud

L’association Solil’art allie art et solidarité en proposant aux artistes de vendre leurs œuvres. Une belle initiative pour soutenir la création en ces temps difficiles. Nous avons rencontré Sujee Godard, la co-fondatrice, et deux artistes engagés pour parler art récup’ et économie circulaire.

Solil’art, votre association, permet l’achat d’art tout en contribuant à soutenir une action sociale, solidaire et environnementale. Quel était l’objectif de votre démarche et comment est né le projet ? 

Sujee Godard : Nous avons créé Solil’art avec Lucile Buès [ndlr: l’autre co-fondatrice] en 2019. C’était au départ un projet étudiant, alors que nous étions en master en marché de l’art contemporain. Nous avons organisé des événements solidaires, dont un festival artistique au Solilab de Nantes : des expositions collectives, des marchés de créateurs, mais aussi des concerts ou des ateliers. Une partie des bénéfices générés revenaient au Secours Populaire. Le projet a démarré en tant qu’événement unique, nous ne pensions pas du tout qu’il allait perdurer ! Mais cela a suscité tellement d’engouement, tant du côté des artistes que de celui du public, que nous avons décidé de poursuivre dans cette voie. Dans l’impossibilité d’organiser d’autres éditions dans le contexte sanitaire actuel, nous avons alors imaginé une nouvelle formule et développé la plateforme en ligne Solil’art

« Nous voulons mettre en lumière la création, partager l’art autour de nous et le rendre accessible à tous »

Sujee & Lucile, fondatrices de Solil’art

Vous avez noué en 2021 un partenariat avec La Cloche, une association qui accompagne les personnes sans-abris au quotidien. Comment fonctionne ce partenariat ? 

S. G. : Nous travaillons en effet avec l’association partenaire La Cloche, qui engage les citoyens, avec ou sans domicile, à agir contre la grande exclusion via la création de lien social et le changement de regard sur la vie à la rue. Au travers de plusieurs programmes, dont des médias (Gazette, radio, podcasts), ils donnent la parole aux personnes à la rue. Ils mènent de multiples activités, formations et événements, et chacun peut contribuer, à son échelle. Les artistes de Solil’art soutiennent leurs actions par un principe simple : une partie des bénéfices sur la vente des œuvres proposées dans les e-boutiques est reversée à La Cloche. Ce projet montre que l’art est moteur d’engagement, pour les artistes et le public. Le but, c’est que les gens viennent acheter chez Solil’art parce qu’ils y trouvent un double objectif : soutenir les artistes et soutenir une association. 

Juliette Jouis de Maupeou : J’ai tout de suite choisi de rejoindre Solil’art, car je trouvais le projet beaucoup trop cool ! Et l’association nous apporte aussi une visibilité en tant qu’artiste. 

Lucas Jacquinet : C’est un formidable moyen pour nous, les artistes, de prendre notre part dans l’action solidaire. 

Première édition de l’événement Solil’art à Nantes © Bastien Dauvé

La vente en ligne s’effectue au travers de deux e-boutiques. Quel est leur concept ?

S. G. : Notre première e-boutique, nommée Sauv’art, a pour but de lier l’art à l’économie circulaire en faisant de « l’art récup’ ». Nous récupérons des dons d’œuvres de la part d’artistes, invendues pour diverses raisons (qualité d’impression insuffisante, papier légèrement corné, etc.), que nous vendons alors à prix réduit en fonction de leur état. 50 % de la vente revient ensuite à La Cloche. Solil’art est quant à elle une e-boutique plus classique proposant à la vente des œuvres neuves. 20 % des bénéfices sont reversés à l’association partenaire, et 60 % vont à l’artiste.

L. J. : Il faut dire que certaines techniques artistiques sont plus sujettes aux « ratés ». Avec la sérigraphie, mes tirages sortent souvent avec de petits défauts, quand l’encre est bouchée dans le cadre par exemple. Surtout s’il s’agit de séries de petites quantités. Je ne peux alors pas les proposer à la vente, car chaque pièce se doit d’être parfaite pour le client. 

S. G.  : Oui, nos artistes sont souvent graphistes ou illustrateurs. C’est d’ailleurs en travaillant à la galerie d’illustration Sergeant Paper que j’ai remarqué qu’énormément de stocks étaient jetés ! Parfois à cause d’une simple rayure, d’une légère pixellisation ou d’un papier à peine corné…

J. M. : Ou, autre exemple, les nombreuses impressions « test » réalisées afin de obtenir un résultat parfait.

Comment entrez-vous en relation avec les artistes ? Et comment vous, Juliette et Lucas, en êtes venus à vous engager avec Solil’art ?

S. G. : Il m’arrive régulièrement de contacter les artistes sur Instagram. C’est une mine d’or, car de nombreux artistes y sont présents. Le réseau social constitue un moyen efficace de dénicher de nouveaux talents, surtout grâce aux suggestions de la plateforme, basées les comptes que l’on suit ou ce que l’on a liké. 

L. J. : Instagram est un réseau social visuel, où l’art est par conséquent très représenté. Et puis, chacun.e est libre de créer son compte pour se lancer ! La période actuelle est d’autant plus propice à la diffusion de son art en ligne. 

J. M. : Sujee m’a effectivement contactée sur Instagram. On s’est ensuite appelées, et c’était parti ! De notre côté, on fait également connaître Solil’art sur nos réseaux sociaux, pour permettre à d’autres artistes de rejoindre l’association. Instagram devient par ailleurs de plus en plus politique, et se rapproche d’une prise de parole engagée qu’on peut trouver sur Twitter. 

Solil’art est donc en train de devenir une véritable communauté d’artistes engagés ! 

S. G. : Oui, tous les artistes qui participent à Solil’art sont engagés et ont envie de faire bouger les choses, dans les domaines qui leur tiennent à cœur. C’est une structure ouverte, inclusive et participative. Tout le monde est très libre de proposer. 

L. J. : C’est une démarche gagnant-gagnant pour tout le monde : l’artiste et Solil’art ne peuvent fonctionner qu’ensemble, en relayant des deux côtés. Le but étant que chacun fasse sa part pour développer cette belle initiative solidaire. 

Envisagez-vous de mettre en avant d’autres formes d’art ? 

S. G. : Pour l’instant, il s’agit majoritairement d’illustrations, de photographies, de peintures et de linogravures. Mais nous n’avons aucun critère de sélection ; tous les médiums sont les bienvenus ! On veut que cette plateforme soit ouverte à quiconque souhaite exposer son art. Notre clientèle est elle aussi éclectique : tous les âges se rassemblent via Solil’art, à l’image du public rencontré à nos événements solidaires. Même si le site web attire en ce moment une audience un peu plus jeune, du fait de notre existence digitale. 

L. J. : J’ai une formation en design textile, et c’est quand j’ai obtenu mon diplôme que je me suis rendu compte que ce n’était pas fait pour moi ! Le design textile étant une mini-niche difficile à intégrer sans faire partie du milieu de la mode, j’ai repris des études en design graphique. J’ai commencé à dessiner pour mes amis avec des marqueurs Posca, puis j’ai acheté du matériel pour sérigraphier moi-même. Je fais aussi des toiles à la peinture acrylique. Je cherche à décliner le style de mes dessins sur de multiples supports : j’ai créé par exemple des étiquettes pour des bouteilles de champagne, des affiches pour un hôtel… 

J. M.  : Les partenariats peuvent aussi venir des artistes. J’ai par exemple un projet en cours pour la cause LGBT, où je peins de grandes fresques dans les lieux où se sont produites des agressions à caractère homophobe. Il serait pertinent d’organiser également des happenings avec des associations engagées sur ce sujet. Mon diptyque de vitraux queer (ci-dessous) vise à parler de l’homoparentalité en se réappropriant les codes du christianisme. À plus long terme, j’aimerais construire une « chapelle » LGBTQI+ avec notamment ce genre de vitraux pop.

Qu’est-ce que la Covid-19 a changé pour vous – que ce soit humainement ou dans la pratique de votre art ? 

L. J. : Surtout le fait de ne plus pouvoir rencontrer les personnes, ce qui déshumanise un peu les projets. À côté de cela, j’ai pu produire en bien plus grandes quantités et donc développer mon activité en tant qu’artiste. En parallèle de mes études, je travaille également dans une nouvelle galerie, que l’on espère pouvoir ouvrir très bientôt. 

J. M. : Pour ma part, la Covid a eu un fort impact puisque c’est durant cette période que j’ai commencé à peindre ! J’ai fait le choix d’arrêter mon travail dans la pub car le besoin d’une pause s’est fait sentir. La crise a alors provoqué chez moi une phase d’introspection, dont sont ressortis des effets très positifs. 

Vos projets pour la suite ? 

S. G. : La Cloche est notre partenaire pour six mois. Selon les objectifs atteints, on organisera un roulement avec d’autres associations. Bien qu’il s’agisse pour l’instant d’un partenariat financier, l’idée est de proposer des événements par la suite. Par exemple, des ateliers avec des personnes sans-abris pour créer du lien social et contribuer à leur insertion professionnelle. On cible non seulement les associations caritatives, mais aussi d’autres formes de projets d’intérêt général. Ce peut être des initiatives étudiantes, ou de petites structures qui rencontrent des difficultés à obtenir des financements. On s’est rendu compte que beaucoup d’artistes ont envie de s’engager, mais pas forcément les moyens de le faire à travers leur art. On aimerait également travailler prochainement avec des écoles d’art à travers des « collectes de créations ». Et nouer des partenariats avec les galeries d’art pour récupérer leurs invendus. 

J. M. : Ma prochaine actualité sera une grande fresque sur toile cirée pour le théâtre de la Colline. En soutien au monde de la culture et plus particulièrement aux théâtres, aux comédiens et aux intermittents, grands laissés-pour-compte de cette gestion désastreuse de l’épidémie.

L. J. : Une collaboration avec un ami photographe, le talentueux Sacha Balti. L’idée est de mêler photographie et illustration, pour créer un univers par la symbiose de deux visuels de natures différentes. Ce projet s’inscrit dans un événement à la fois artistique et caritatif, puisque la vente a lieu lors d’un vernissage à notre galerie/atelier au 91 rue la Condamine à Paris le 15 et 16 mai de 10h à 18h. L’association Dans Ma Rue organisera également une collecte de vêtements et de produits d’hygiène pour les plus démunis. L’objectif est de créer un réel lien social entre donateur et bénéficiaire, de générer des rencontres et de se retrouver autour d’un projet créatif et solidaire.

Enfin, un compte d’artiste qui vous inspire ? 

J. M. : J’aimerais partager le compte Instagram de Lorraine Pochet, l’une de mes meilleures amies qui s’est lancée dans l’illustration depuis peu. C’est vraiment trop chouette et je suis fan de sa palette couleur !

L. J. : L’un de mes artistes favoris est le chilien Camilo Huinca, dont les illustrations ont poétiquement bercé mes voyages au Chili. Je m’inspire beaucoup des univers de Damien Poulain et Marc David, dont le travail sur les formes me donne matière à penser.  

Site de Solil’art, association d’art solidaire.
Pour proposer des oeuvres et rejoindre le mouvement, c’est par ici !
Retrouvez Solil’art sur Instagram et sur Facebook.
Juliette Jouis De Maupeou
Lucas Jacquinet

You may also like

More in À la Une