Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale. Cette semaine : Niki Demiller, Yen Yen, Paul McCartney, Veik, Clio, Myd, Crumb, Benjamin Epps, Lulu Van Trapp, Cracki Records, Enumclaw, Dye Crap.
Niki Demiller – Autopsie de l’homme qui voulait vivre sa vie
L’ ex chanteur des Brats, (les Baby rockers du début des années 2000), Niki Demiller a sorti ce 23 avril, un album concept au titre significatif, Autopsie de l’homme qui voulait vivre sa vie. En dix titres, il se confie de la parole au chant, du rock à la chanson française. Sa voix grave raconte sous forme d’autobiographie une poésie urgente et nécéssaire. Cette introspection narre l’aliénation du chanteur qui après avoir quitté la musique s’est retrouvé à travailler comme VRP commercial dans l’événementiel. De la matière brut pour créer, pour revenir avec un album sincère sur la vacuité de ce monde de bureau, d’ascenseur des tours de La Défense, d’errances vides sur les route, jusqu’à la libération de La Sirène offrant ce beau retour à la musique en un album concept dont le titre Le Blues du tertiaire aurait pu être à propos mais quoi de plus beau qu’un homme qui voulait vivre sa vie. Incarné, puissant, Niki Demiller vagabonde entre spleen et humour et c’est une belle réussite.
Coups de cœur : Autopsie d’un homme qui voulait vivre sa vie, Septembre à nouveau, La Sirène
Sortie le 23 avril
Diane Lestage
Yen Yen – Goodbye. (EP)
Yen Yen c’est notre dernier coup de cœur en date du label Cracki Records (sur lequel on développe un peu plus bas dans cet article), on vous en avait d’ailleurs parlé pour la sortie de ADKOL son tout premier single paru l’année dernière. Il signe avec Goodbye. un EP tout en délicatesse et réussite, maitrisant aussi bien l’art de la ballade langoureuse, comme sur WRUNG qui se déploie tel un souffle éphémère, que celui des structures RnB, comme sur SH<3CUT, un single sorti en 2018, ou sur le morceau amoureux Flashback. En seulement six titres Yen Yen s’approprie et singularise une pop électrique et maitrisée, nous menant de Shanghai, à Paris en passant par Tokyo. Un rêve éveillé tout en grâce.
Coups de cœur : WRUNG, 10/01
Sortie le 30 avril
Caroline Fauvel
Paul McCartney – McCartney III Imagined
Paul McCartney nous offre une belle relecture de son album de l’an dernier, McCartney III. C’est un nouvel opus à part entière, uniquement composé de reprises et de remixes sur lesquels sont conviés une foule éclectique d’artistes. La nouvelle génération est mise à l’honneur : collaborent à ce projet St. Vincent, Dominic Fike, Phoebe Bridgers ou encore le britannique Blood Orange. Cependant, de grands noms trouvent aussi leur place sur l’album : Anderson .Paak retravaille When Winter Comes, et Slidin’ est remixée par Ed O’Brien (EOB) de Radiohead. Le projet jouit alors d’une multitude d’artistes s’appropriant les morceaux. Le résultat n’a rien d’un album remix ou d’un album de reprises : ce n’est ni l’un, ni l’autre, ni un entre-deux. C’est un nouvel opus, où de brillants musiciens expriment leur talent et ré-imaginent l’oeuvre la plus récente de Paul McCartney.
Coups de cœur : The Kiss Of Venus, Slidin’, Seize The Day, Deep Down
Sortie le 16 avril
Robin Schmidt
Veik – Surrounding Structures
Les artistes caennais n’ont pas fini de nous surprendre et ce n’est pas la formation Veik qui va nous faire dire le contraire. Composé de Boris Collet, Adrien Legrand et Vincent Condominas, Veik parvient sur Surrounding Structures à conjuguer merveilleusement son amour des guitares électriques avec celui des synthés analogiques. Les premières sorties, Political Apathy ou Difficult Machinery, se nichent ainsi au milieu de morceaux où l’instrumental prend le pas, oscille, évolue, nous surprend. Le single Château Guitar agit par exemple toujours avec efficience sur nous, comme une poussée d’adrénaline où les guitares et les synthés ne font plus qu’un le temps de quelques minutes. Chaque partition suggère une structure sonore bien définie qui pourtant semble toujours chercher et toucher du doigt l’experimental et le progressif. Surrounding Structures propose ainsi un voyage sonore supra stimulant où le chaos se mêle au superbe.
Coups de cœur : Life Is a Consuming Experience, Same Old Argument
Sortie le 30 avril
Caroline Fauvel
Clio – L’amour hélas
Sorti le 23 avril, le troisième album de Clio continue de clamer haut et fort la puissance du romantisme. Deux ans après le superbe Déjà Venise, la chanteuse poursuit ses ballades amoureuses des rencontres aux ruptures, des espoirs aux sentiments. De la rue de Prague aux Nuits berlinoises, Clio nous emmène avec elle dans ses tourments mélancoliques toujours avec beaucoup d’humour et accompagné de mélodies électro-pop. Elle convoque également la plus belle voix grave du monde, à savoir Iggy Pop, pour un incroyable duo en français où pourtant malheureusement à distance, ils chantent dans le même appartement : « Toi tu cherches le La. Je fais la voix du haut. Et moi je fais, celle du bas. » Par sa voix et ses textes, l’autrice/compositrice nous donne envie d’aimer malgré tout, de se plonger à corps perdus dans les vertiges de l’amour car « Les années passent et l’amour hélas jamais ne me lasse. »
Coups de cœur : L’ appartement, Quelqu’un quelque part, Tes nuits berlinoises
Sortie le 23 avril
Diane Lestage
Myd – Born a Loser
Échappé en solitaire de l’écurie Club Cheval depuis quelques années, Myd a conquis le public hexagonal et international de l’électronique et au-delà à coup d’EP dont la qualité s’allie à la fraîcheur. Promu par son personnage mi-blasé mi-loser qui n’hésite pas à se mettre cul nu sur un bâteau de croisière sous l’objectif d’Alice Moitié, Myd sort enfin son premier album chez Ed Banger. Celui qui nous rappelle volontiers Dwight Schrute concrétise en un disque long format ce style qu’il développe depuis plus de trois ans, fait de house filtré, de guitares pincées et de basses bien rondes. Hormis les singles déjà connus, les morceaux ne sont guères saillants. Pourtant, ils suffisent à charpenter l’album, à remettre en valeur des tubes tels que The Sun ou encore Together We Stand et à consacrer ce style et cette popularité bien mérités. Longue vie à Myd.
Coups de cœur : Together We Stand, Moving Men
Sortie le 30 avril
Victor Costa
Crumb – Ice Melt
C’est un petit événement dans la musique indie dès que Crumb appose une nouvelle sortie. Le groupe nous l’avait déjà montré avec son EP, Locket, sorti en 2017, ou son premier album, Jinx qui date lui de 2019. Ice Melt est un album à la tournure plus obscur que ses prédécesseurs, plus fantomatique, un aspect bien amené par des beats efficaces et la voix toujours aussi vaporeuse et sublime de Lila Ramani. Morceau après morceau, la musique de Crumb nous emplie et nous enivre d’une mélancolie certaine. Cependant Ice Melt trouve ses limites dans ses productions impeccables et lisses. L’ensemble manque de relief et de points d’accroche sonores, les morceaux se fondent souvent les uns dans les autres, au point de disparaitre dans un tout trop net, presque trop bien produit.
Coups de cœur : Balloon, Retreat !, Ice Melt
Sortie le 30 avril
Caroline Fauvel
Benjamin Epps – Fantôme Avec Chauffeur
Après avoir sorti un premier EP à la fin de l’année dernière, Benjamin Epps partage un nouveau projet de 7 titres, entièrement composé par Le chroniqueur sale, intitulé Fantôme avec chauffeur. Le rappeur originaire de Libreville enfonce le clou, avec un style très prometteur, à contre-courant. Si l’essence de son œuvre peut apparaitre old school, on ne peut se satisfaire de le réduire uniquement à cette étiquette bien trop galvaudée. Les productions du Chroniqueur sale sont boombap, elles utilisent du piano, des cuivres. Mais elles sont également profondes, lentes, parfois crades. Elles s’accordent parfaitement avec le style si particulier de Benjamin Epps : une voix aiguë parfaitement assumée, avec un timbre qui nous rappelle volontiers Prince Waly ou encore Abd Al Malik. Elle s’accorde parfaitement avec des textes insolents, parfois presqu’acides. S’il est majoritairement dans l’égo trip, cela ne fait pas d’ombre à la qualité et l’inventivité de sa plume, agrémenté de très bonnes références parfois insolites. Tout cela offre un projet original. Benjamin Epps est un grand espoir du rap francophone.
Coups de cœur : Notorious, Goom
Sortie le 23 avril
Victor Costa
Lulu Van Trapp – I’m Not Here to Save the World
Ce premier long format des trépidants Lulu Van Trapp, I’m Not Here to Save the World, file l’amour. Après nous avoir éblouie d’un premier, bien trempé et décadent titre, Brazil, le groupe enchainait d’un ton, sublime et brumeux, sur Joan of Arc. Avec sa poésie satinée, la pop-song Les Mots d’Amour fait fondre et nous comble de nostalgie. Lulu Van Trapp c’est tout un (merveilleux) théâtre. Ballades amoureuses et hymnes pop-rock à l’orée du punk traversent l’album. La fougue et les influences 80s ne flanchent pas, elles s’exhibent dans cet éclectisme, tantôt en français ou en anglais. I’m Not Here to Save the World, un disque déjanté et hautement addictif !
Coups de cœur : Joan of Arc, Valley of Love, Les Mots d’Amour, Lulu
Sortie le 23 avril
Leelou Jomain
Cracki Records – Mémoires d’Éléphant #03 (Compilation)
On ne compte plus les artistes de chez Cracki Records qui campent nos playlists depuis des années à présent. Le label français sort (enfin – le deuxième volume date déjà de 2016) le troisième volume de sa compilation Mémoires d’Éléphant, qui rassemble le meilleur de ses dernières sorties. Au programme aussi bien des classiques, Avec I’m That Guy d’Agar Agar qui ouvre la composition, ou Loverboy de Lomboy, mais aussi des artistes que l’on pourrait qualifier de « niche » comme Antonin Appaix, Mangabey ou Yen Yen qui font partie des plus récentes signatures du label. Le tout est un savant mélange aérien, où une poésie synthétique se développe morceau après morceau. Toute la force de cette compilation réside dans cet éclectisme cosmopolite à la tournure qui se veut pourtant résolument cohérente, ce qui en fait une superbe recollection.
Coups de cœur : Smoke Machine de GENTS, Be Right Back de Ménage à Trois
Sortie le 23 avril
Caroline Fauvel
Enumclaw – Jimbo Demo (EP)
« I don’t want to be a loser » – Le rock garage américain a enfin ses nouveaux émissaires avec Enumclaw, qui sort son premier EP : Jimbo Demo. Le quatuor formé à Tacoma (Washington) nous plonge dans une musique hypra lo-fi, menée fièrement par la voix singulière et pincée d’Aramis Johnson. Tout l’EP donne le ton à ces mélodies de loser magnifique qui excelle dans les arrangements de guitares électriques. Enumclaw offre ainsi de nouvelles perspectives aux manières de faire de la musique rock en se réappropriant des codes très 90s, et en mettant l’accent sur des compos aux mouvements tantôt effrénés – comme sur Fast N All – tantôt en slow motion – que l’on ressent infiniment sur Fruit Flies. Un groupe qu’il nous tarde de voir sur scène !
Coups de cœur : Free Drop Billy, Fruit Flies
Sortie le 30 avril
Caroline Fauvel
Dye Crap – Dye Crap
Dye Crap : le nouveau groupe incontournable de la scène rock indé française ! Il y a seulement deux mois, les rouennais s’introduisaient au monde et posaient leur griffe avec My Shits. Après la sortie de deux autres singles, Cooloroonie et Daily Routine, l’album éponyme voit le jour. Flopée de guitares, de riffs et effets old school, les titres punks et solaires – Fight, Enemies – se mêlent à des teintes plus mélancoliques – Game Boy, Daily Routine. Si vous aimez le garage-punk et l’indie-pop, Dye Crap est fait pour vous !
Coups de cœur : Fight, Game Boy, Daily Routine
Sortie le 30 avril
Leelou Jomain