Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale.
Laura Cahen – Une fille
La mer et ses remous, les larmes du soleil, les tumultes du vent : dans le décor musical fou de Laura Cahen, les paysages s’animent et s’accordent aux états d’âmes d’une femme en quête d’espoir. Après son premier disque Nord, paru en 2017, la chanteuse dévoile Une Fille, un album majestueux où elle pose sa voix sensible sur des chansons d’amour et d’aventures poétiques. Produit par Dan Levy (The Do) qu’elle rencontre lors de la composition de la bande originale du long métrage d’animation J’ai Perdu Mon Corps , le disque s’éloigne de la folk traditionnel et se pare d’une production électronique tempétueuse. Chez Laura Cahen, le corps et les sentiments avancent et se transforment au fil des saisons et des décors naturels (La Jetée, Nuit Forêt, Coquelicot). Sa voix comme instrument fragile, nous perce le coeur et nous fait tanguer, comme sur un bateau ivre, Une Fille nous transporte dans la vie de la chanteuse qui s’auto-proclame dans son titre Désarmée “Fille du temps mauvais”. Elle nous partage douze titres empreints d’une mélancolie tantôt grise, tantôt douce dont un qu’elle partage avec Yael Naim avec laquelle elle invente un jardin rouge nostalgique sur le titre Coquelicot. Un album qui s’écoute avec tous les sens en éveil et nous fait toucher du doigt le sublime et le chaos. Avec ce deuxième disque, Laura Cahen court vite après la vie, après l’amour et chasse les fantômes, en musique, toujours.
Coups de coeur : La Jetée, Désarmée, La complainte du soleil, Dans mon lit, Nuit Forêt
Sortie le 7 mai
Pauline Pitrou
Ta-Ra – STARFLOW
Il est de ces artistes qui sont des professionnel.lles pour faire bouger la tête et vibrer le coeur. La jeune chanteuse parisienne Ta-Ra coche les deux cases avec son disque Starflow. Un troisième album sulfureux où elle continue d’inventer un R&’nb lunaire et langoureux, toujours avec élégance. Une esthétique futuriste et des sonorités d’étoiles, Ta-ra nous offre une épopée fantasque dans sa voie lactée bleue et rose. Un flow sensuel et assuré qu’elle pose sur des productions à mi-chemin entre trap et électro. L’artiste se réinvente à chaque titre et nous propose une palette de sonorités riche et colorée qui fait frémir. Ce qui détonne chez Ta-Ra, c’est sa voix qui se transforme à chaque note, tantôt naturelle, tantôt modifiée par l’autotune, elle fait de sa voix un terrain de jeu fou où flotte des comètes magiques. Un disque pour voler haut et onduler fort où le rêve et le fantasme sont rois.
Coups de coeur : CURVES, FIREBIRD (Children Of The Future), BLUE LAVA
Sortie le 14 mai
Pauline Pitrou
Joanna – Sérotonine
Sur son nouvel album Sérotonine, la chanteuse Joanna, originaire de Renne, explore explicitement toutes les facettes d’une relation amoureuse et physique, piste par piste. Oscillant entre influences pop et trap, l’artiste déploie un arsenal musical et lyrique varié, mystérieux, envoûtant. Joanna affirme ici sa complexité artistique, qui lui offre une place unique dans le paysage musical français. La sérotonine représente, par définition, l’hormone du bonheur : ici, elle est associée à l’amour, étudié par Joanna sur les 14 pistes de ce premier opus. Le fil rouge de l’album-concept s’articule donc autour d’une relation, de la rencontre au désamour, en passant par la jalousie et le sexe. Goût de fraise (La rencontre), premier morceau de l’album, après l’introduction, est un morceau sensuel, volatile qui traite du coup de foudre entre deux individus. Cependant, chapitre par chapitre, leur relation se détériore : les paroles et les beats deviennent alors plus sombres, jusqu’à la « renaissance ». Ledit morceau de clôture, brumeux, aérien, signe le début d’une nouvelle histoire.
Coups de coeur : Est-ce que tu veux rider (La naissance de l’amour), Sérotonine (la jalousie), Sur ton corps (le sexe)
Sortie le 7 mai
Robin Schmidt
CHAI – WINK
Les nippones punks de CHAI changent de bord et nous proposent leur pop électronique kawaii avec leur troisième album Wink. Les quatre japonaises délaissent les guitares rock pour les synthétiseurs et autres machines électroniques. Un virage à 180 pour nous délecter de downtempo électronique, d’électro-funk ou encore de soft disco inspiré des années 70. Avec la présence de featuring comme le rappeur Ric Wilson, et les producteurs YMCK et Mndsgn, le groupe nous montre d’un clin d’œil qu’elles sont libres dans leur choix musicaux. Un nouvel opus libre et engagé appuyer par le morceau ACTION en réponse à Black Lives Matter et à cette année d’action. Mais aussi par le single PING PONG aux samples de jeux vidéo qui nous parle de l’importance des activités sociales. Les musiciennes confirment ce changement et cette engagement en déclarant : « une personne qui cligne de l’œil est une personne libre ».
Coups de coeur : Donuts Mind If I Do, Maybe Chocolate Chips (feat Ric Wilson), ACTION, Nobody Nows We Are Fun, Salty
Sortie le 21 mai
Thomas Soulet
Rover – Eiskeller
Sujet d’envergure depuis plus d’un an, la solitude, tout le monde l’a déjà traversée. Timothée Reigner aka Rover, l’a lui embrassée durant 15 mois. Exilé volontaire à Bruxelles, le français s’est enfermé dans un palais de glace (une ancienne glacière placée dans la capitale belge). “Je ne vois pas comment je pourrais aller plus loin dans l’exercice de la solitude » confiait-il récemment dans une itw à We Culte. Une expérience authentique, avec pour unique point de chauffage et compagnons de voyage sa musique et son armée d’instruments. Moins rock que ses prédécesseurs, Eiskeller (cave à glace en allemand) ne fait pas faux bond à la discographie de Rover, mettant sur table 13 titres finement produits, puissants et mélancoliques, s’essayant même quelques échappée tendance avec un vocoder sur Cold and Tired. Ex New Yorkais, le producteur joue aussi de clins d’oeil à ses pairs de la city, Interpol, sur des titres comme Burning Flag ou Rising High. Le temps est un luxe mais Rover l’a pris ; 6 ans depuis Let It Glow, pourtant sa musique semble plus affirmée que jamais, la preuve avec une nouvelle collection de titres somptueux.
Coups de coeur : For Ages, Burning Flag, Woys
Sortie le 7 mai
Guillaume Lacoste
girl in red – if i could make it go quiet
La jeune Norvégienne Girl in red, figure de la bedroom pop, a sorti le mois dernier son premier album if I could make it go quiet. Comme pourrait l’indiquer le titre, c’est une oeuvre énergique, honnête et, par moments, insolent qu’a créé l’artiste. Elle y traite d’amours impossibles, de santé mentale d’une manière assez novatrice. Au travers de paroles brutes, elle se met à nu et affirme sa vulnérabilité, mais pas sa faiblesse. Sur l’excellent hornylovesickmess, elle tente de s’adapter à sa célébrité nouvelle, et pense à une relation passée dont elle est nostalgique. Serotonin, single phare de l’album, aborde les épisodes dépressifs de l’artiste et sa recherche d’équilibre dans sa vie. C’est un thème qu’elle reprend au fil de l’opus, plus particulièrement sur Appartment 402. Le résultat est une piste très personnelle qui aborde le désespoir de la chanteuse face à ses épisodes dépressifs : elle s’en remet à elle-même et rêve de jours meilleurs. C’est un album brut, cathartique, où l’honnêteté de l’artiste reste l’atout principal.
Coups de coeur : You Stupid Bitch, hornylovesickmess, Apartment 402, Rue
Sortie le 30 avril
Robin Schmidt
Babe Rainbow – Changing Colors
La pop psychédélique et enchanteresse du quatuor australien est de retour avec ce céleste nouvel album Changing Colors. Les Babe Rainbow nous régalent de balades rêveuses et de morceaux groovy toujours autant inspirés des seventies. Douze chansons où nous nageons dans une rivière de nuages, tout ça parsemé de rythmes dansants comme sur Ready for Tomorrow bien connus du style des hippies de Byron Bay. Nous notons la présence étonnante de Jaden Smith sur la chanson Your Imagination, où le rappeur y dépose quelques phrasés parlant d’une relation imaginaire. Les surfeurs nous éblouissent dans ce 4ème opus produit par Sam Joseph. Un producteur qui s’occupe aussi du monstre musical à sept têtes les King Gizzard and the Lizard Wizzard. Voici donc un album arc en ciel aux pensées acidulées qui ravivera vos désirs les plus enfouis.
Coups de cœur : Zeitgeist, Your Imagination, Ready For Tomorrow, New Zealand Spinach
Sortie le 14 mai
Thomas Soulet
Squid – Bright Green Field
Bright Green Field : le disque de l’intensité ! Pour notre plus grand bonheur, les climax y sont de toutes parts. Après deux EP et une dizaine de morceaux dévoilés depuis 2016, Squid expose tout son fantastique potentiel sur Bright Green Field. Et leur premier single, Narrator, dévoilé au mois de janvier, nous annonçait déjà la couleur. Sorti sur Warp Records, cet LP tire son inspiration dans les lieux qui sont pour le quartet un “imaginary cityspace” (“paysage urbain imaginaire“). Les sons et clips originaux leurs sont donc dédiés. Mais cet album est aussi très engagé : Squid se tourmente quant à la tournure que prend le monde – Pamphlets s’interroge sur la propagande de la droite, G.S.K (abréviation de GlaxoSmithKline, une société pharmaceutique) questionne le pouvoir et la dangerosité des grandes entreprises sur l’humanité. Les sonorités de cet album sont majoritairement empruntées et inspirées du post-punk, et alternent entre des sections ultra-dynamiques et percutantes, avec d’autres très calmes et silencieuses. Avec Bright Green Field, Squid a plus que jamais laissé place aux expérimentations sauvages, très flagrantes par exemple sur Boy Racers. 50 minutes qui passent à une vitesse folle et qui se terminent en trombe sur Pamphlets, dont le merveilleux clip vient d’être dévoilé ! On ne saurait donc que vous conseiller ce premier et fulgurant album !
Coups de coeur : G.S.K, Narrator, Paddling, Documentary Filmmaker, Pamphlets
Sortie le 7 mai
Leelou Jomain