CINÉMA

« Michel-Ange (Il Peccato) » – Chapeau l’artiste

© UFO Distribution

Porté par la grâce, le nouveau film du réalisateur russe nous embarque dans la psyché de l’une des plus grandes figures de l’art. Une œuvre hypnotisante et présentant la Renaissance italienne comme nous l’avions rarement vu au cinéma.

On pourrait dire qu’il s’agit d’une réunion au sommet. Celle de deux grands artistes. D’un côté, Andreï Konchalovsky, cinéaste culte avec des films tels que Le premier maître, Sibériade ou encore Les Nuits blanches du facteur. Et de l’autre, Michel-Ange, l’un des principaux artisans de la Renaissance italienne et l’homme derrière le plafond iconique de la chapelle Sixtine. À plusieurs siècles d’écart, le génie de ces deux maîtres s’est rencontré et a donc donné naissance au bien nommé Michel-Ange.

Ni hagiographie, ni biopic, on pourrait dire qu’il s’agit d’un film sur le Beau. D’ailleurs, plus qu’une œuvre cinématographique, cet essai filmique et esthétique d’Andreï Konchalovsky s’apparente justement à une réflexion philosophique sur la beauté. Et sur cette période, la Renaissance italienne, sur laquelle on a tant écrit. Mais que l’on a curieusement peu montré au cinéma, par rapport à d’autres époques historiques. Michel-Ange (Il Peccato) rectifie le tir, avec brio.

Autant le dire d’emblée, le film d’Andreï Konchalovsky suppose une certaine disponibilité. Il ne faut pas se laisser impressionner par l’aridité de l’entreprise ni par la durée (2 h 16). On pourrait craindre un long-métrage d’érudit. C’est en partie le cas. Mais on ne peut résumer cette œuvre du cinéaste russe à ces quelques considérations. Il suffit de le voir comme une expérience cinématographique qui promet de stimuler le cinéphile en mobilisant l’ensemble de ses sens ainsi que sa sensibilité.

Andreï Konchalovsky résume son projet de départ de cette manière  : «  Je voulais montrer non seulement l’essence de Michel-Ange, mais également les couleurs, les odeurs et les saveurs de son époque, sanglante et cruelle mais belle et inspirée. La poésie du film provient de l’entrelacement de la barbarie, omniprésente à l’époque, et de la capacité de l’œil humain à capturer l’éternelle beauté du monde et de l’humanité, qui devrait être transmise aux générations à venir  ».

Tout débute à Florence, au début du XVIe siècle. Michel-Ange est considéré comme un génie après le chantier du plafond de la chapelle Sixtine qu’il est parvenu non sans mal à mener jusqu’à son terme. Éreinté par ce travail titanesque de plusieurs années, l’artiste italien doit faire face à la mort du pape Jules II, qui en était le commanditaire. D’une loyauté à toute épreuve, Michel-Ange n’a qu’une obsession  : trouver le meilleur marbre pour terminer son tombeau. Dans le même temps, Léon X accède à la papauté et lui confie un autre chantier titanesque. Celui de la réalisation de la basilique San-Lorenzo.

© UFO Distribution

Michel-Ange (Il Peccato) est avant tout un film sur le doute. Andreï Konchalovsky montre ici un artiste tourmenté, confronté à d’incessants dilemmes. Car ses maîtres sont rivaux, Michel-Ange va se retrouver écartelé. Ses questionnements vont peu à peu le faire sombrer dans la folie. Dans le rôle du génie, on retrouve le comédien Alberto Testone. Le regard hagard, il livre une prestation totalement habitée. La première scène dans laquelle on le voit marcher pendant de longs moments au travers de la campagne toscane donne le ton.

L’histoire que l’on va voir va être celle d’un long chemin de croix. Les œuvres sur lesquelles il travaille vont être réalisées dans la souffrance, tant psychique que physique. Les corps souffrent et sont montrés avec trivialité. Certains plans du film, d’une crudité déconcertante, sont semblables à certains tableaux de maîtres. Devant ce long-métrage, on peine à mesurer le travail tant historique qu’esthétique effectué par Andreï Konchalovsky. 

En ce qui concerne le rythme, il est volontairement étiré. Certains spectateurs pourront reprocher de trop nombreuses longueurs et cela s’entend. Mais il semble difficile (et même insensé) de réduire la vie de Michel-Ange à une durée dite «  normale  » de film. Comme les œuvres qu’il a signé, le long-métrage d’Andreï Konchalovsky se devait d’être magistrale. Et il l’est, à plus d’un titre. Les scènes montrant l’extraction du bloc de marbre dans les montagnes toscanes sont à couper le souffle. Spectaculaire, le film l’est également lorsqu’il nous fait rentrer dans le faste des palais florentins. On soulignera au passage le travail exceptionnel sur la lumière par le chef opérateur Aleksander Simonov.

Avec Michel-Ange (Il Peccato), l’impression d’avoir vu un ovni cinématographique se fait ressentir. L’idée d’avoir vécu une expérience inédite de cinéma et que l’on n’est pas tout à fait sûr de reproduire un jour. Définitivement inoubliable.

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