CINÉMA

« Écoliers » – Retour à l’école buissonnière

Discussion à deux dans « Ecoliers » © - Keren Production - 2020
Discussion à deux dans « Ecoliers » © - Keren Production - 2020

Pendant une année scolaire, Bruno Romy a filmé caméra à l’épaule le quotidien d’une classe de CM2. Il ressort de cette singulière expérience le documentaire Écoliers, ode à l’enfance, à ses confidences, jeux et fous rires.

En 2016 sortait Quand j’avais 6 ans, j’ai tué un dragon. Ce film mêlant documentaire et fiction est signé Bruno Romy et raconte le combat de sa fille Mika contre la leucémie. Lorsqu’il demande à sa fille, une fois guérie, ce qui lui a le plus manqué, elle répond simplement l’école. Le réalisateur veut alors comprendre pourquoi l’école et pas plutôt les copains. Émerge peu à peu l’idée de réaliser un documentaire sur ce sujet, et plus précisément sur la nouvelle classe de Mika. Les premières esquisses du projet Écoliers étaient nées.

Bande-annonce de Quand j’avais six ans, j’ai tué un dragon © Keren Production

Rendre compte du bonheur à l’école

De septembre 2016 à juillet 2017, Bruno Romy a ainsi filmé une classe de CM2 de l’école caennaise Victor Lesage. Les 24 enfants se sont très rapidement habitués à la présence des caméras. Elles sont bientôt devenues partie intégrante de l’environnement de la classe. L’invisibilité de ces dispositifs a tout d’abord permis de rendre avec justesse et honnêteté la spontanéité des comportements des enfants. Que ce soit par exemple l’interrogation face à un exercice de calcul mental, l’ennui ou encore la joie.

« Tous les gamins deviennent magiques un par un. »

Bruno Romy pendant la projection du film le 6 avril 2021 au cinéma Lux (Caen).

Pour procéder au tournage, huit micros sont donc installés au plafond. Le réalisateur se déplace quant à lui caméra au poing dans la classe deux jours par semaine pendant les 35 semaines de cours. La réalisation du film a constitué un travail de longue haleine. Le tournage a en effet duré un an durant lequel il a fallu synchroniser son et image. De plus, une année a été consacré au tri des centaines d’heures de rush, tandis qu’une autre supplémentaire a enfin été nécessaire pour le montage du film.

Devenez jeunesse

Écoliers s’ouvre avec un long plan séquence fixe autour du bureau du maitre d’école Bruno Franc. L’instituteur, au centre de l’image, est aussi au cœur de l’effervescence propre à ces espaces d’apprentissage collectif. S’agitent par conséquent têtes blondes, fusent questions et s’entremêlent chansons et chamailleries. Dans le brouhaha ordinaire d’une classe se laissent entendre bruissements des cahiers, crayons sur le papier et chuchotements complices.

« – Si j’étais un objet, je serais une lampe.

– Pourquoi une lampe ?

– Bah parce que ça peut éclairer, et comme ça on est jamais seul. »

L’élève Eugénie à Bruno Romy, Écoliers.

Écoliers est divisé en différents chapitres, chacun écrit à la main au stylo bleu sur des feuilles de classeur à grands carreaux. Suivant un fil thématique, la trame du documentaire interroge le rapport à l’enfant en tant qu’individu en construction mais également comme élément constituant d’un groupe. Les parties du long-métrage questionnent de la sorte solidarité, entraide et autonomie.

L’enfant est parfois seul face caméra et répond à des questions sur son futur métier, son animal totem ou encore ses rêves. Ces extraits sont parmi les seuls «  initiés » par le réalisateur conservés dans le montage final. Ils sont, selon lui, un espace étonnant où se révèle avant tout la singularité de chacun des enfants.

« Si j’étais un objet, je serai une télé parce qu’on me regarderait tout le temps »

L’élève Marie à Bruno Romy, Écoliers.

Entre les murs

Le spectateur devine l’actualité scolaire au fil des saisons, que suggèrent les traditionnels préparatifs de la photo de classe, la séance temps calme ou encore un bonnet de Noël fièrement arboré. Le réalisateur donne aussi à voir avec humour les aventures personnelles des enfants, telles un joli maquillage de gommettes, les péripéties d’une retardataire ou d’une paire de lunettes cassées.

Bruno Romy choisit de se focaliser sur l’espace de la classe pour mieux le vivre de l’intérieur. Le réalisateur décide de ne pas s’attarder sur l’entièreté de la vie à l’école, entre cantine et cour de récré. Les rares plans en extérieur sont en effet ponctués d’une mélodie nostalgique au piano, parfois filmés au ralenti ou encore en accéléré. Le réalisateur explique qu’il n’envisageait pas ces plans autrement que teintés de poésie et dès lors éloignés de la simple prise de vue.

Problèmes à résoudre à trois dans Écoliers © – Keren Production – 2020

Bruno Romy s’immisce, entre boules de gomme et cartables Lulu Castagnette, et opte pour des plans rapprochés. Le spectateur est de la sorte pleinement immergé dans les réflexions et interactions des élèves. La proximité créée à l’image forge, de plus belle, une intimité, une familiarité avec ses discussions d’enfants. Le spectateur est invité à se remémorer ses propres souvenirs. On reconnaît alors avec nostalgie la mauvaise joueuse de la bande à la balle au prisonnier. On sourit doucement de fait en découvrant les grimaces du blagueur de la classe.

«  J’aimerais être réincarné dans une boule à neige de décoration. »

L’élève Lucien à Bruno Romy, Ecoliers.

Faire école

Écoliers est un documentaire qui montre avec simplicité et surtout sensibilité ce qui joue véritablement dans une salle de classe. Ce qui dépasse de toute évidence, et de loin, le simple enseignement académique. Bruno Romy signe donc un premier documentaire drôle et émouvant sur la rencontre entre un groupe d’enfants et un instituteur. Ce récit d’un morceau de vie esquissé ensemble, à mille mains, sera projeté dans les salles obscures le 28 avril prochain. Le long-métrage sera sinon disponible en ligne sur la plateforme de la Vinq-cinquième heure. Une belle sortie-évènement à vite noter dans son cahier de texte.

 

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