CINÉMA

Cannes 2020 – « Josep » : Le prix de la liberté

© Les Films d’Ici Méditerranée / Sophie Dulac Distribution

Premier film du dessinateur Aurel, Josep est une plongée d’une émotion particulière dans la période trouble du franquisme. Délicate et profonde, cette merveille d’animation portée par un très beau casting vocal est l’une des belles découvertes de cette rentrée.

Le franquisme. Pour beaucoup, cela va renvoyer à de lointains souvenirs de cours de civilisation espagnole au lycée. D’un côté, il y avait donc ceux qui prêtaient allégeance aux thèses de Franco et, de l’autre, les farouches défenseurs de la République. Josep Bartoli était de ceux-ci. Méconnu en France, ce dernier a pourtant eu une vie fascinante que retrace aujourd’hui le dessinateur de presse Aurel (Le Monde, Le Canard Enchaîné) dans son premier long-métrage.

L’histoire de Josep, c’est finalement celle d’une bonne partie des Républicains espagnols. Pendant la guerre civile, ces opposants à Franco ont du se résoudre à quitter l’Espagne, ce pays qu’ils ne reconnaissaient plus. Ils se sont donc exilés en France. Sauf que de l’autre côté des Pyrénées, la vie n’était pas meilleure. La misère n’était pas moins pénible au soleil, en l’occurrence ici, les rives des Pyrénées Orientales. Désarçonné face à cet afflux impressionnant de migrants d’une autre époque, le gouvernement français a alors eu l’idée de les parquer dans des camps de fortune. Pendant cette période de captivité, la vie de Josep Bartoli a bien entendu été bouleversée. Mais, au milieu du marasme, il peut y avoir une lueur d’espoir et cette lumière sera matérialisée dans la vie de l’Espagnol par la présence d’un gendarme, présent de l’autre côté des barbelés. Malgré l’opposition, les deux hommes vont nouer une profonde amitié.

©Les Films d’Ici Méditerranée / Sophie Dulac Distribution

L’espoir. C’est finalement de ça dont il va être question dans Josep. Il faut croire que ce terme n’est pas incompatible dès lors que l’on évoque la période du franquisme. N’est-ce pas en effet comme cela que s’appelle le célèbre roman d’André Malraux, vibrant témoignage sur la guerre civile espagnole, publié en 1937  ? Car dans les camps français où il fut incarcéré, Josep Bartoli a donné un nouveau sens à sa vie. Ses années françaises seront marquées par cette belle amitié avec ce gendarme. Dans le film, Aurel montre les deux hommes comme des frères que les différences n’arrivent pas à séparer. En regardant ce film d’animation, aussi bouleversant qu’intriguant, on songe à plusieurs genres cinématographiques. Le film de détention, bien entendu, car l’essentiel de l’intrigue se passe entre les barbelés des camps. Mais aussi la grande fresque car la trajectoire de Josep, après ses années de détention, est également évoquée. Et ce dernier a connu mille vies. On le voit d’abord au Mexique où il va côtoyer le célèbre couple d’artistes Diego Rivera / Frida Kahlo (doublée pour l’occasion par la célèbre chanteuse catalane Silvia Pérez Cruz). Puis aux Etats-Unis, où il va fréquenter toute l’intelligentsia new-yorkaise, entre Rothko, Jackson Pollock, Kline et De Kooning.

Josep est un film sensoriel, qui place le spectateur dans une sorte de bulle. Ce dernier va avoir ses sens en éveil. Visuellement, le long-métrage touche au sublime et redonne ses lettres de noblesse au cinéma d’animation que beaucoup d’esprits chafouins reprochent d’être trop marqué par les nouvelles technologies. Par ailleurs, et cela mérite d’être également souligné, le long-métrage d’Aurel doit également s’écouter d’une manière particulière. Car le casting vocal est absolument impeccable. C’est bien simple, cela faisait longtemps que l’on n’avait pas vu pareille distribution au cinéma  : Sergi Lopez, Bruno Solo, Valérie Lemercier, François Morel, Sophia Aram, David Marsais, etc. Au final, il est compliqué de trouver des bémols à Josep. Éventuellement sa durée. 1h14, c’est un peu trop court. À une époque où les films sont souvent trop longs, il est finalement assez rare d’en trouver certains où l’on souhaiterait que ça continue encore et encore. Et pourtant, avec le long-métrage d’Aurel, le miracle se produit. Que viva el cinema  !

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