Chaque mois, la rédaction littérature vous offre un petit résumé de quelques nouveautés BD, fraîchement parues. Au programme pour ce mois de mai : des questionnements pour interroger passé, présent et futur allant du féminisme à l’écologie en passant par la désindustrialisation ou la surveillance technologique.
« À corps et à cris » – Eve Cambreleng
Elle est célèbre pour son compte Instagram @aboutevie, qui découpe avec humour la société sous un prisme féministe. Eve Cambreleng signe ici son premier livre. A corps et à cris est un manifeste tout en pédagogie et humour sur les différentes injonctions faites aux femmes tout au long de leurs vies. Que ce soit sur la question de leur apparence, de la contraception, de la maternité, la société semble toujours avoir un avis sur ce que les femmes devraient faire. Pour lutter contre cela, il est d’abord primordial de se renseigner, et de bien comprendre les mécanismes ayant mené à la normalisation de ce système. A l’aide de sa plume pastel et rassurante, Eve Cambreleng mène avec brio une action mêlant savoir et plaisir. En résulte un livre de qualité à la fois agréable aux yeux, au cœur, au cerveau et à l’humanité.

A corps et à cris, Eve Cambreleng, Albin Michel, 18,90 euros.
Giulia Lisi
« Banquiz » – Bernstein et Witko
Le réchauffement climatique, on commence à connaître. Mais qu’en pensent les principaux intéressés ? En Antarctique, une guerre divise les manchots, entre climato-sceptiques et progressistes écologiques. Lorsqu’une mission approuvée à contrecœur par le président des États-Unis débarque sur ce qu’il reste de la banquise, les camps se forment pour l’avenir de la planète. Dans un univers complètement imaginaire et pourtant tellement vrai, Banquiz s’autorise chaque excès, chaque blague polémique sans chercher à la dissimuler, reflétant une réalité à la hauteur de celle de la fonte des glaces.

Banquiz, Bernstein et Witko, Delcourt, 9,95 euros
Giulia Lisi
« Sélénie » – Fabrice Lebeault
Dans un futur lointain, la Terre est territoire inconnu pour les humains réfugiés dans l’espace. Il y a des années de cela, une catastrophe s’y est produite, forçant les survivants à fonder un foyer ailleurs. C’est sur la Lune qu’ils se sont installés, où ils ont créé une communauté fondée sur la recherche et l’espoir d’un jour retourner sur la terre de leurs ancêtres. Au sein de cette micro-société, Sélénie et son frère Méliès sont spéciaux : sans réellement savoir pourquoi, ils sont élevés au rang d’élus et de protégés. Ils savent que, bientôt, ils développeront des pouvoirs, et qu’ils sont promis à un futur grandiose. Mais lequel ? C’est une interrogation qui reste en suspens, pendant que Sélénie la grande sœur s’occupe de diriger la société, et que Méliès le petit frère s’applique à poser mille questions autour de lui. L’arrivée d’un étrange vaisseau va tout faire basculer, et va laisser entrapercevoir un soupçon de vérité. Ce qui pose alors la question suivante : et s’il était mieux de ne rien savoir ?
Dans une histoire lunaire aux dessins intriguants, Sélénie nous plonge dans une partie de l’espace devenue terre habitable, au moment où la Terre ne semble plus être un espace viable. Un roman graphique aux allures de science-fiction qui met les cellules du cerveau en marche rapide.

Sélénie, Fabrice Lebeault, Delcourt, 15,95 euros.
Giulia Lisi
« La Grimace » – Vincent Vanoli
Tout grimace chez Vincent Vanoli. Les rues, les maisons, les enfants, les ouvriers. Pour sa nouvelle bande dessinée parue chez L’Association, le bédéaste propose un récit sur son enfance à Longwy, entre songe et réalité distordue. « Si mes souvenirs de ce temps-là sont si incertains, c’est parce que j’étais alors trop occupé à faire face à LA GRIMACE » écrit-il en ouverture. L’enfance de Vincent Vanoli est peuplée de fantômes aux figures tristes : c’est les années 70, le temps de la crise du secteur de la sidérurgie dans le bassin Lorrain. L’enfant qu’il était comprend, perçoit et déforme les événements. Un récit onirique doux-amer aux dessins aussi gris que grimaçants.

La Grimace, Vincent Vanoli, l’Association, 18 euros.
Anaïs Dinarque
« Entre les lignes » – Dominique Mermoux
Dans une malle récupérée à la mort de Moïse, son grand-père, Baptiste et son père découvrent trois carnets. Ces derniers contiennent la relation épistolaire qu’entretenait Moïse avec une certaine Anne-Lise. Il raconte ses jeunes années, ce que la guerre lui a pris, sa double vie entre l’Allemagne et la France… La femme destinataire des lettres est pourtant inconnue de Baptiste et son père. Alors, pour se rapprocher de son père et pour élucider la vie de Moïse, Baptiste va mener l’enquête à travers le passé, les liens familiaux et le parcours d’un homme qui a survécu au XXème siècle. Le récit alterne ensuite entre l’enquête de Baptiste, en couleur, au découpage classique et aux traits précis et aigus, avec les carnets du grand-père sous la forme de crayonnés en bichromie bleue et sépia, plus poétiques. Comme le roman dont il est l’adaptation (Toutes les histoires d’amour du monde, Baptiste Beaulieu, 2018), Entre les lignes est un formidable récit d’amour, avec ses espoirs, ses bonheurs intenses et ses désillusions.

Entre les lignes, Dominique Mermoux, Editions Rue de Sèvres, 20 euros.
Benjamin Mazaleyrat
« La machine ne ferme jamais les yeux » – Yvan Greenberg, Everett Patterson et Joe Canlas
La machine ne ferme jamais les yeux illustre l’histoire de la télésurveillance qui régit notre quotidien. Alors que le célèbre ouvrage de George Orwell, 1984, est toujours relégué au rang de dystopie, le scénariste Yvan Greenberg nous montre que le monde réel dépasse souvent la fiction. L’occasion d’interroger notre modernité connectée et les paradoxes qui l’accompagnent. Entre le phénomène qu’est devenu la téléréalité, les réseaux sociaux et l’enjeu commercial majeur qu’est devenu la collecte des données personnelles sur Internet, qui peut se dire que 1984 est derrière nous ?

Emma Poesy