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Rencontre avec Golden Bug — « J’étais vraiment dans l’univers skate avant de chuter dans l’électronique »

Golden Bug par Antoine Passerat
© Antoine Passerat

Antoine Harispuru, alias Golden Bug, nous rend nostalgique avec la sortie de Variations sur 3 bancs en featuring avec Lionel des Limiñanas. Ce morceau aux effluves psychédéliques est un aperçu prometteur de son nouvel album, Piscolabis, prévu pour la rentrée. Rencontre à distance avec le DJ français expatrié à Barcelone.

Golden Bug, producteur et fondateur de La Belle Records, nous présente Variations sur 3 bancs sortie le 19 février dernier. Le Dj français invite pour cet EP trois patrons de la musique électronique Pilooski, Superpitcher et Destiino pour des remixes acidulés. Golden Bug aime se perdre dans les styles et les genres allant de la dub à la house en passant par le psychédélique. Après deux albums Hot Robot (2008) et V.I.C.T.O.R (2016) salué par la critique nous attendons avec impatience la sortie de Piscolabis prévu pour cette année. Le musicien nous parle d’un « melting pot de toutes ses influences » pour ce nouvel opus qui lui ressemble bien. C’est dans la capitale catalane, où il a pris résidence depuis un moment, qu’il a expérimenté, s’est aventuré dans les méandres de la musique électronique pour un résultat sensoriel envoutant. Nous avons pu rencontrer le Dj en visio afin d’en savoir plus sur ce nouveau projet. Nous échangeons et voyageons dans le temps pour parler années lycée, de rencontres étonnantes, de voyages et de soirées en club sans COVID, mais nous revenons tout de même dans le présent pour jaser sur cet EP psychédélique et dansant. Une rencontre aux allures d’un bon trip.

Niveau style musical tu touches un peu à tout, mais sur cet EP on pourrait considérer ta musique d’électro techno psyché. D’où vient cette envie pour le psychédélique ? D’ailleurs, on découvre sur Variation sur 3 bancs la voix de Lionel des Limiñanas, groupe psychédélique français, comment cette belle histoire s’est-elle créée ?

En fait, c’est partie d’une simple demande d’un de mes contacts qui travaillaient sur le deuxième volume d’une compilation intitulée Velvet Desert fait par Jörg Burger. La compile touche à l’esthétisme des westerns spaghetti, l’univers psychédélique, le désert, les peyotls,… Toutes ces choses un peu «  trippy  ». Donc Jörg voulait qu’il y ait une relation avec cet univers-là. J’ai donc demandé aux Limiñanas car je les avais vu en concert à l’Apollo une semaine avant. Je me suis dit que ce serait les invités parfaits sur ce titre et je les ai simplement contacté sur Instagram. Lionel des Limiñanas m’a répondu et on a commencé à bosser comme ça, à distance puis le titre est né. Au début, je ne m’étais pas dit «  je vais faire un titre psychédélique avec des clins d’œil aux années 70  », c’était plus une commande libre. C’était un bon exercice.

Dans les paroles, Lionel nous parle des années lycée. Tu étais comment toi au lycée ?

Au lycée, quand j’avais 15-20 ans, j’étais vraiment dans l’univers skate. Donc cheveux longs, baggy, chemises à carreaux et j’écoutais les Beasty Boys, les Pixies, en passant par Nirvana donc toute cette culture skate. Après j’ai chuté dans l’électronique car j’ai deux frères qui étaient passionnés par les toutes premières raves à côté de Paris dans les hangars. Donc eux y allaient beaucoup. Ils avaient des platines, ils arrêtaient pas de mixer et au début ça me gavait. Puis petit à petit, j’y ai pris goût et j’ai commencé à les accompagner dans les disquaires qui étaient à l’époque Rock Straight, BPM, tout ça… J’ai commencé à acheter des disques complètement sous l’influence de mes frères ainés. Ensuite on m’a offert pour mes 18 ans une TR 808 et là j’ai commencé à bidouiller, à jouer avec. Je me suis associé par la suite avec un de mes potes – qui a un groupe maintenant qui s’appelle Get A Room ! – , pour un projet qui s’appelait Silicon Boogie. On a commencé à acheter du matos pour expérimenter et produire quelques morceaux à droite et à gauche.

 Est-ce que tu peux nous parler de ces artistes qui remix ton morceau Superpitcher, Pilooski et Destiino ? Pourquoi eux ?

Déjà c’est très rare de trouver de bons producteurs et eux en font partie. , j’ai toujours été super fan de la musique de Pilooski et je trouve qu’il a une carrière. J’aurais aimé avoir la même. Il ne fait pas de concessions artistiquement. À côté de ça, il fait de la musique de contenu pour, par exemple Hermès, de la musique pour défilé de mode, il a vraiment une touche, une vraie oreille. Il fait peu de choses mais quand il les fait, il les fait super bien. Ce qui est marrant avec lui, c’est qu’on se connaît de personnes intercalées et quand je lui ai envoyé le titre, je lui ai dit «  Ça te brancherait de remixer le morceau ?  » et il m’a répondu «  Ouais, c’est marrant ! J’adore le morceau original !  » et en plus de ça, lui était à l’école au lycée Jean Lurçat (ntb  : lycée évoqué dans la chanson Variations sur 3 bancs). En prime de tout ça, Lionel, des Limiñanas, parle de potes qui sont des potes en communs entre lui et Pilooski ce qui fait un beau clin d’œil à sa jeunesse. Il y voyait une double motivation.

Pour Superpitcher, on se connaît de potes de potes aussi car il habite à Paris. Il aimait bien le titre et il est de la famille du label Kompakt pour qui il bosse beaucoup. Son label Hippie Dance avec Rebolledo est aussi distribué par le label allemand et il faisait partie de la compilation Velvet Desert donc il aimait déjà le titre à la base.

Et pour Destiino, on a sorti un disque de lui sur La Belle Records et on adore ce qu’il fait.

C’est l’artiste Yuksek qui est derrière ce nom ?

Exactement, c’est son side-project. J’aime beaucoup ce qu’il fait, c’est un super producteur. Mais ce qu’il fait sur Destiino, ça me touche plus que la facette Yuksek même si c’est très bien.

Donc voilà, c’était trouver des producteurs avec des univers qui me parlent.

Tu es connu aussi pour tes talents d’arrangeur et tes nombreux remixes. C’est quoi le remix que tu aurais aimé faire ?

J’aime beaucoup un remix de Red Axes par Rebolledo qui est super simple, où il y a un beat, une guitare et des voix complètement hachées qui est sortie sur Correspondant. Le titre c’est Caminho De Dreyfus. Le côté très minimaliste, épuré avec trois informations mais qui sont les bonnes, moi ça me parle.

 Tu fais souvent attention à tes pochettes d’EP, d’album, tu aimes l’effet visuel (on peut le voir dans tes concerts d’ailleurs), toujours très graphique. Est-ce que tu peux nous parler de celle-ci faite par Marko Vuleta Djukanov  ?

Marko est un graphiste basé à Vilnius en Lituanie. Il fait partie de l’équipe d’un club qui est assez reconnu, Le Smala, où l’un des Dj résident les plus connus est Manfredas, et il paraît que c’est une soirée emblématique. Je suis allé jouer à Vilnius mais j’ai pas eu la chance de jouer à Smala. Donc en fait, Marko fait toute l’image de ce club et il fait aussi pas mal de pochettes pour d’autres artistes comme Vladimir Ivkovic, et aussi pas mal de trucs pour le Salon des Amateurs à Dusseldorf. C’est une patte que j’aime beaucoup car je flashais sur aucun artistes, parce qu’il y en a beaucoup, c’était un peu une galère. Puis c’est venu naturellement, je l’ai contacté avec la magie d’Instagram pour qu’on discute ouvertement et il était chaud sur le projet. Donc voilà, ça c’est fait simplement.

Pochette de Variations sur 3 bancs. © Marko Vuleta Djukanov

Tu as une réputation pour tes scénographies et tes lives, comment faire passer ce manque dans cette période de confinement et de couvre-feu ?

J’aime beaucoup mixer et ça me procure beaucoup de bonheur. Je pense que c’est quelque chose qui est indispensable pour ensuite être en studio et que ça ait du sens de produire. Disons que c’est bien de produire mais s’il n’y a que ça, ça perd un peu de son sens. C’est bien de le partager avec un public. Mais oui ça me manque, après je ne fais pas ça toute la journée. Je fais du son ou autre chose. Je suis pas en méga manque, j’ai des potes qui sont en manque en me disant «  Ouais, on va mixer, on va mixer » en faisant des sessions de mix via ordinateur en stream. Moi, ça m’intéresse pas du tout car ça n’a pas trop de sens de danser chez soit devant son ordi. La musique, c’est plus un truc fait pour être partagé dans un club, pour s’amuser et entendre du bon son. Profiter avec des gens et ne pas être tout seul.

C’était quoi ton dernier souvenir de club   ?

Le dernier mix que j’ai fait, c’était dans un club assez mortel à Barcelone dans le poble Espanyol qui s’appelle la Terrrazza. C’est un club à l’air libre, on était dans la période Covid mais les gens étaient masqués et les normes de sécurité étaient à peu prêt respectées. C’est le dernier souvenir que j’ai, c’était en juillet dernier. Une super teuf avec du bon son.

Tu es un des créateurs de La Belle Records, comment décrirais tu l’identité musicale de ton label aujourd’hui ?

Il y a forcément une identité parce qu’avec Guillaume, Romain, Gennaro et moi on a des goûts partagés et assez larges dans la palette mais on fonctionne plus par pur coup de cœur.  On est pas en mode «  faut sortir trois release par mois  », on s’en fout un peu de ça. On respecte pas vraiment de timing. Notre univers oscille entre de l’électronique, du dub, du psychédélique, de la techno ou de la pure house. On est pas fermé sur des styles et on a pas envie de s’y enfermer. Même si sans le vouloir, on s’enferme sur un schéma, on aimerait bien remettre en question au fil des années.

Par exemple ton dernier coup de cœur ?

On prépare une nouvelle compilation, la One Night Stands Vol.3. Il y a Pilooski qui s’est associé avec un artiste que j’adore qui s’appelle Colder. C’est un ami qui habite à Barcelone et il avait sorti plusieurs albums sur le label de Trevor Jackson Output. Ils ont fait une collaboration qui est superbe avec Louisahhh. C’est vraiment une claque et j’espère que ça sortira en mai ou juin. Et si c’est pas le cas, ce sera surement en octobre.

Tu vis depuis un moment à Barcelone. Qu’apporte cette ville à ta musique ?

Je suis parti à Barcelone par amour donc ça m’a apporté déjà une fille ce qui est déjà pas mal (rires). Après, je dirais une ouverture d’esprit sur une autre culture, une nouvelle langue, rencontrer de nouvelles personnes, sortir de sa bulle c’est toujours bien. Que ce soit Barcelone, Madrid, ou Berlin, je pense que c’est bien de sortir un peu de ses habitudes pour découvrir de nouvelles choses. J’ai eu un moment où je me suis un peu lassé de la ville, donc je pense que l’essentiel c’est de bouger un peu.

Cet EP est une belle introduction à ton nouvel album attendu Piscolabis. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ce LP qui sortira au printemps ?

J’espère qu’il sortira au printemps, mais ce LP c’est vraiment un disque avec pleins de collaborations. Il y a Lionel qui a participé sur trois morceaux en faisant des arrangements de guitares, plus le morceau Variations sur 3 bancs où il chante. Il y a Narumi, de Tristesse Contemporaine, qui a fait un morceau où elle chante en japonais alors qu’elle est au clavier à la base mais je l’ai un peu brusqué pour qu’elle chante. Ça donne un super résultat. Et après c’est plus de l’expérimentation, de la bidouille en studio. C’est de la musique électronique avec des touches ethniques, une sorte de melting pot de toute mes influences. C’est club sans être méga club non plus, c’est assez barré, assez psyché, assez dub avec des timbres d’électronique et des invités.

Ton prochain album s’appelle Piscolabis, qui veux dire un «  en-cas  » ou un snack en espagnol. Si on a très faim comment on fait ? On a quand même de quoi se rassasier ? 

Je pense ouais ! J’espère même que vous ne serez pas saturés, c’est plus ça le problème. (rires)

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