À 23 ans, Cève a sorti le 19 février dernier, son premier EP intitulé, La soirée. Une balade nocturne au milieu de scènes de films, du piano dans les oreilles.
Derrière le joli nom de Cève ne se cache ni chêne ni roseau mais une humaine appelée Juliette Calori. Cependant, s’il fallait choisir entre les protagonistes de la célèbre fable de La Fontaine, Cève serait sans aucun doute le roseau. Une voix douce, cristalline, qui plie mais ne rompt pas, frôlant parfois la fausseté sans jamais y succomber. Un peu à la Jane Birkin. Aucune fioriture ne vient polir l’imprécision de ce diamant brut. Sur Instagram, la jeune femme de 23 ans poste des reprises où elle est toujours et seulement accompagnée de son piano. Rien de plus. La soirée, son premier EP sorti le 19 février ne fait pas exception.
Un duo piano-voix
« J’aime bien accepter le fait que mon instrument soit le piano », répond Cève quand on lui fait remarquer qu’on la connaît plus pour son intérêt pour l’indie rock que pour le jazz ou la musique classique. « J’adore l’indie rock mais je ne sais pas jouer de guitare et j’ai l’impression que ce style n’a pas vraiment de sens au piano, mon instrument principal. C’était plus simple de me tourner vers d’autres inspirations comme le jazz ou le classique des modernes Français. Les artistes de cette époque, comme Debussy ont toujours été une grande inspiration pour moi », continue-t-elle avant d’expliquer le moment charnière qu’a été cette période de la musique classique et la transition vers le jazz.
Cette passion pour la composition, Cève la découvre à 12 ans, lorsqu’elle écrit son premier morceau pour piano et violoncelle. « Je ne jouais pas du violoncelle mais j’aimais bien les sonorités. Je savais juste que le son était grave », rigole-t-elle, embarrassée, « ça fait un peu la meuf qui se la raconte comme anecdote… »
La douche
La jeune femme a commencé à travailler sur La soirée lors du premier confinement en mars 2020 – sauf Lumière qui a été composée avant – et enregistré les titres au fur et à mesure avec son ami ingé-son Gabriel. L’ambiance est intimiste, la voix de Cève tout près de notre oreille. Les mélodies nous pénètrent avec la même chaleur que lors d’un concert improvisé après un repas entre amis, un soir d’été ou d’hiver.
« Je parle d’amour, de solitude et du mal-être qu’il y a entre la fin de l’adolescence et le début de la vie d’adulte. Des thèmes qui m’ont toujours parlé et qui peuvent résonner chez d’autres gens de mon âge », explique la jeune artiste. Les paroles de La soirée sont personnelles, Cève puise dans les émotions qui la traversent. Dans son intérieur. « Dans la lumière blanche je lave mes cheveux », sont les premiers mots de cet album court. La scène se déroule dans une douche, une métaphore pour la mise à nu. « Pour que ma musique ait un sens, il faut qu’elle soit sincère », expose-t-elle.
Sur l’écran noir
Si Cève nous entraîne dans ses pérégrinations intérieures, elle nous laisse le choix de l’interprétation. Chacun peut imaginer le sens des scènes qu’elle décrit, trouver des sens cachés. « Quand j’écoute de la musique, j’aime m’approprier les paroles, qu’elles fassent écho à ma propre expérience. J’avais envie de faire la même chose avec mes chansons. Et puis, c’est le propre de la poésie de parler de manière différente à chacun », partage la jeune femme au milieu de réflexions philosophiques. Il est très facile, lorsqu’on discute avec Cève, de se laisser embarquer dans des exposés. De la simple critique, en passant par l’explication de textes laissée sur Génius, à l’essence même de la musique. Car les intérêts de l’artiste sont larges et riches, Joni Mitchell, Alpha Wann, Alex Turner, Melody Gardot ou encore Ennio Morricone…
« J’ai toujours adoré les musiques de film. Mélanger l’image et le son est un des trucs qui me passionnent le plus dans la vie. La musique me permet de planter des décors », raconte Cève. Du crépuscule à l’aurore, la jeune femme nous invite à pénétrer dans ses scènettes nocturnes. Avec Livre d’Or, nous la suivons dans un bus ou un métro, en direction d’un bar , avec Au Diner, l’auditeur prend place dans un tableau d’Edward Hopper. « Le diner, dans le cinéma américain, est un lieu à la fois rassurant et où l’action est en suspend », explique-t-elle avant de continuer, « de manière générale j’aime bien poser des cadres au début de mes chansons car le reste des paroles est beaucoup plus abstrait ».
C’est d’ailleurs ce besoin de cadre qui a poussé la jeune artiste à appeler son premier EP La soirée. Un ensemble de morceaux qui peuvent aussi bien raconter la veillée d’un protagoniste que s’écouter le soir. Et vous ? Que faites-vous à la tombée de la nuit ? Rien ? Le “date” est pris. Partagez donc 16 minutes en compagnie de Cève et son piano.