MUSIQUE

« On All Fours » de Goat Girl – voyage voyage vers des terres expérimentales

On All Fours
©Goat Girl
©Goat Girl

Le 30 janvier dernier, les Londonien.nes de Goat Girl revenaient avec On All Fours, un second album aux sonorités rock-psyché. Révélé.es par la célèbre salle londonienne The Windmill Brixton, Goat Girl continuent leur périple vers l’expérimentation en s’amusant avec la musique électronique. 

Goat Girl fait partie de ces groupes – qu’on ne compte plus (Shame, Sorry, Black Country New Road, Black Midi…) – qui ont été découverts par The Windmill Brixton. En 2018, les quatre musicien.nes délivraient au monde un premier album, Goat Girl, quelque peu excentrique. Dix-neuf titres – c’est long – dépassant rarement les 2 minutes 50 et morcelés par des interludes étranges. Cette fois-ci, plus d’interludes et les titres s’étendent, abandonnant le format court propre au post-punk. 

Avec On All Fours, Clottie Cream (Lottie Pendlebury, guitariste et chanteuse), L.E.D (Ellie Rose Davies, guitariste et chanteuse), Rosy Bones (Rosy Jones, batteur.se) et Holly Hole, (Holly Mullineaux remplaçante de la bassiste Naima Jelly) s’essayent enfin à ce qu’iels ont toujours voulu faire depuis la tournée de leur premier opus  : les synthétiseurs et les sonorités électroniques. Pour les jeunes musicien.nes, ce second album n’est finalement que la continuité de leur précédent projet. Dès sa sortie, Goat Girl a très vite été estampillé «  rock à guitares  » par les critiques, à l’incompréhension des Londonien.nes. «  Tellement de choses se passaient avec les guitares – des rythmes étranges, des refrains jazz, la structure musicale n’était jamais la même – nous n’avions pas le format rock qu’on nous disait avoir  » confie le quatuor au magazine britannique Loud and Quiet

Une album collaboratif

Contrairement à la composition de Goat Girl, tous les membres du groupe ont participé à celle d’On All Fours. Chaque idée apportée était agrémentée par une nouvelle venant d’une personne différente. Auparavant, c’était Lottie qui soumettait des chansons, les autres se chargeaient ensuite d’écrire la partie de leur instrument. Goat Girl a ainsi écrit ce nouvel opus pendant l’été 2020 et l’a enregistré lors d’une semaine intense en octobre avec Dan Carey, producteur du label Speedy Wunderground.  

On All Fours est plus aérien, moins brut que son prédécesseur en raison de ce nouveau son électronique. La mélancolie propre au groupe est dispersée tout au long de l’album sous une forme nouvelle. L’ambiance est moins étouffante. Sur Goat Girl, les guitares pouvaient être inquiétantes. Ici, les mélodies nous transportent dans un subconscient un peu plus accueillant. 

Pourtant l’album trouve sa source dans les désillusions contemporaines, notamment dans l’anxiété des Londonien.nes (Sad Cowboy, Closing In, Anxiety Feels). Fidèles à elleux-mêmes, Goat Girl abordent des sujets plus politiques et militants – Creep était l’hymne féministe de leur premier LP. 

Disséquer Bojo

Dès Pest, le titre d’ouverture, le ton est donné. Le changement climatique est dépeint à travers les dynamiques de pouvoir. «  Pest from the west  »1 que chante Clottie Cream est l’homme blanc occidental, celui responsable de l’industrialisation, de la colonisation, du néolibéralisme et, avec leur exportation, du dérèglement climatique. Dans The Crack, Goat Girl décrit un monde post-apocalyptique où les terriens seraient obligés de voyager à travers l’espace pour une autre planète, la Terre étant épuisée par des années d’exploitation. 

Les musicien.nes n’ont pas oublié le gouvernement Tory, déjà durement attaqué dans Goat Girl. Iels imaginent, dans Where do we go from Here ?, disséquer le Premier ministre conservateur Boris Johnson. «   À quoi ressemblerait son intérieur ? Est-il mauvais de part en part ? Serait-il simplement couvert d’une épaisse couche de boue ?  », se demandait Cream à l’écriture du titre. «  I’m sure it stinks under his skin (…) Thief, Thief, Thief  »2, chante-t-elle. 

Un acte de résistance

Sur la mélodie plutôt sautillante et entraînante de P.T.S.Tea, les paroles de Rosy Bones dissonent. Si la chanson s’ouvre sur une mésaventure – un homme l’a ébouillanté.e en renversant son thé sur ellui et est parti sans s’excuser – Rosy explore ses expériences avec les hommes cisgenres. Des hommes qui ont remis en question sa sexualité et son identité (ndlr Rosy est non-binaire). Bonjour le mainsplaining  ! 

«  Some call me Rosy and some call me Reux, To say what I am, well, I don’t have a clue, Ask me again and I’ll really show you »3  : à travers ces quelques lignes, Bones clame son droit à ne pas justifier son identité. Une personne cisgenre ne le fait pas, pourquoi le ferait-iel ? 

Finalement, avec le projet Goat Girl, Clottie, L.E.D, Rosy et Holly trouvent un espace safe pour explorer et partager leurs idées, leurs expériences, leurs peurs. Un voyage initiatique dans lequel le groupe nous embarque. Seraient-iels d’ailleurs partisan.es de la pensée du philosophe Gilles Deleuze ? Car leur musique est résolument un acte de résistance.

  1. «   le nuisible de l’Ouest  »
  2.  «  Je suis sûre que ça pue sous sa peau (…) Voleur, Voleur, Voleur  » 
  3.  «  Certains m’appellent Rosy et d’autres Reux, Pour dire ce que je suis, eh bien, je n’en ai pas la moindre idée, Demandez-moi encore et je vous montrerai vraiment  »

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