CINÉMA

« Marshall » – Les débuts d’un héros

Marshall © Barry Wetcher/Open Road Films (2017)

© Barry Wetcher/Open Road Films (2017)

Réalisé par Reginald Hudlin, Marshall retrace le début de la carrière de Thurgood Marshall, premier avocat afro-américain à être nommé à la Cour Suprême des Etats-Unis. À voir sur Netflix.

Avril 1941. Thurgood Marshall (Chadwick Boseman) est avocat pour la NAACP. Alors qu’il parcourt le pays en allant de procès en procès, Marshall est envoyé à Bridgeport, Connecticut pour y défendre Joseph Spell, un chauffeur noir accusé à tord d’avoir violée son employeuse blanche. Marshall est interdit de plaidoirie par le juge et est réduit à assister sur le dossier sans avoir le droit de prendre la parole au cours du procès.

Sam Friedman (Josh Gad), un avocat blanc, inexpérimenté est chargé d’être la voix de la défense. Tout au long de ce procès surmédiatisé, les deux hommes vont essuyer intimidation sur intimidation, notamment de la part de l’avocat de la partie adverse, déterminé à voir Joseph Spell (Sterling K. Brown) plonger. Alors qu’il ouvre les yeux sur la discrimination et le racisme à laquelle son confrère doit faire face chaque jour, Friedman est lui même victime d’un antisémitisme ultra-violent pendant le procès.


© Barry Wetcher/Open Road Films (2017)

Si le nom Thurgood Marshall est encore peu connu en France, il est depuis longtemps un symbole outre-Atlantique. Après sa nomination par Lyndon B. Johnson en 1967, Thurgood Marshall est le premier afro-américain à devenir juge à la Cour Suprême des Etats-Unis. Il détient alors le plus haut poste jamais occupé par un afro-américain  au sein du gouvernement. Poste où il siègera pendant 24 ans, et laissera derrière lui de nombreuses réformes visant à mettre fin à la discrimination raciale. Il est admiré par Martin Luther King et est reconnu comme l’architecte des fondements légaux du mouvement pour les droits civiques. Pour lui rendre hommage lors de son inauguration le 20 Janvier 2021, la Vice-Présidente des Etats-Unis Kamala Harris, a prêté serment sur la Bible de Thurgood Marshall.


© Barry Wetcher/Open Road Films (2017)

Sa vie a déjà fait l’objet de plusieurs adaptations, notamment d’une mini-série en 1991, où Sydney Poitier tenait le rôle de Marshall lors du procès qui le rendit célèbre, Brown v. Board of Education. Ce procès bâtisseur eût pour aboutissement de rendre illégale toute discrimination raciale au sein de l’éducation publique américaine. 

Mais c’est un autre procès, moins connu, que Reginald Hudlin porte à l’écran avec Marshall. Le cas de l’Etat du Connecticut v. Joseph Spell, jugé dans le Connecticut (donc dans le Nord des Etats-Unis), a révélé le racisme encore omniprésent dans la société américaine, que beaucoup pensaient réservé au Sud. Bien que ce ne soit pas l’une des plaidoiries les plus connues de Marshall, le procès permet de mettre en avant la mission à laquelle il dédiera sa vie : se battre, coûte que coûte, pour défendre les hommes et femmes victimes d’un système qui ne voit que la couleur de leur peau. 


© Barry Wetcher/Open Road Films (2017)

Reginald Hudlin (Boomerang) s’offre le luxe d’un face à face entre deux des acteurs les plus talentueux de leur génération : Chadwick Boseman (Black Panther) et Sterling K. Brown (This is Us). Chacun à sa manière, les deux hommes maintiennent la tension tout au long du film. Ils bouleversent dans un unique face à face, plus poignant à lui seul que les deux heures de procès. Comme son personnage, Chadwick Boseman mène la danse avec charisme et assurance, laissant à Josh Gad le rôle du jeune novice empoté, qui relève la tension à l’aide d’un air comique parfois un brin facile. La dynamique de leur duo n’en reste pas moins attachante. Marshall est une preuve de plus du talent de Chadwick Boseman, décédé d’un cancer en Août 2020. Le dernier film tourné avant sa mort, Ma Rainey’s Black Bottom, est d’ailleurs également disponible sur Netflix. 

Si Marshall est globalement efficace, le film peine à surmonter quelques longueurs, souvent causées par les reconstitutions superflues des dépositions de chacun des témoins. On peut aussi lui reprocher de n’en dire pas assez sur le destin grandiose de Marshall. En se concentrant sur un seul procès, Marshall reste un portrait modeste, et ne s’autorise pas à voir plus grand. On en apprend finalement trop peu sur une figure pourtant majeure de la justice américaine. On peut pardonner cette frustration puisque le film a le mérite de faire connaître les débuts de sa carrière et ne peut que rendre curieux d’en apprendre plus sur le pionnier que fut Thurgood Marshall. 

 

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