CINÉMA

Festival Premiers Plans – « Petit Samedi » : Violences du monde

© Michigan Films

Couronné du grand prix du jury Diagonales au Festival Premiers Plans d’Angers, le premier long-métrage de Paloma Sermon-Daï met en scène la relation entre une mère et son fils toxicomane. Et laisse transparaître, dans une scénographie épurée à l’extrême, la douceur d’un garçon broyé par la vie. 

À quarante-trois ans, Damien Samedi entretient une relation très fusionnelle avec sa mère. Autrefois jardinier, il a perdu son emploi et s’enfonce désormais dans une toxicomanie rance. Avant, il consommait tous les soirs, pour trouver la force d’aller travailler le lendemain matin. Désormais, il le fait du matin au soir. Dans la cuisine familiale, on parle de ses problèmes d’addiction, de tout, de rien. 

Le gamin quinquagénaire est épuisé par la vie et ses addictions. Il décide d’entamer une nouvelle cure. Le film fait état du quotidien de Damien, des moments passés chez sa mère. Mais aussi de ceux passés en thérapie pour expliquer sa dépendance. Et vient dresser en creux le portrait d’un gamin plein de douceur broyé par la dureté de la vie.  

L’insoutenable difficulté d’être au monde

Le film est construit autour d’une mise en scène sobre à l’extrême qui renvoie à la grande pauvreté de cette famille belge. De nombreux plans fixes montrent la mère, petite femme simple et vieillie, interprétée par la mère de la réalisatrice elle-même, qui incarne ici son propre rôle. Elle est émouvante cette femme, qui parle toujours à cœur ouvert à son fils et qui tente tant bien que mal de l’aider à se reconstruire. «  Peut-être que si je t’avais mis à la porte tu t’en serais sorti. – Oui, peut-être. Ou pas. – C’est ce « ou pas » qui me faisait peur, à moi.  » 

Dans ce récit que l’on devine très intime, la douceur de Damien est déconcertante. Il est timide, presque béat, venant ainsi contrecarrer les clichés récurrents sur la toxicomanie. On le voit malade de ses addictions. On le voit malade d’être malade depuis vingt ans. En thérapie, il explique avec lucidité  : il y a bien eu des cures, mais soit elles étaient trop courtes et on le droguait aux médicaments, soit elles fonctionnaient mais alors le moindre verre le faisait rechuter. Parce que la dépendance, c’est en fait plusieurs dépendances imbriquées les unes dans les autres. 

Les moments durant lesquels Damien se confie en thérapie reviennent à intervalles réguliers dans le film. Sa lucidité sur sa situation et son passé sont d’une simplicité bouleversante. Il explique ne pas comprendre pourquoi il ne parvient pas à se sortir de son addiction. Mais ajoute qu’enfant il a vu sa mère battue et que la précarité de sa famille l’empêchait de se sentir normal. 

On ressort du film chamboulé par la simplicité de ces deux personnages et la simplicité avec laquelle ils font face à une vie qui ne leur a rien laissé.  

Journaliste

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