Crédits : Etoiles et toi/éditions du Panthéon
Encre Fraîche est un format made in Maze qui tire le portrait d’une autrice ou d’un auteur francophone de moins de trente ans. Pour l’occasion, nous avons rencontré Solène Verhoeven, auteure du recueil de poésie Étoiles et Toi.
Solène Verhoeven est une jeune poète. Elle est originaire de Nouvelle Calédonie, où la proximité avec l’océan, sa fascination pour les astres et une histoire d’amour lui ont permis de façonner son premier recueil de poésie en français pour « honorer sa plus grande romance ». Un éloge de la beauté du sentiment amoureux, même dans ses conséquences les plus sombres. Sa prose rimée et mélodique évoque peu de comparaisons mais son accessibilité parle à tous.tes. La densité et la spontanéité du texte semblent rendre palpable l’intensité de la romance vécue et la difficile reconstruction qui a suivie. Une certaine invitation au voyage dans un cœur plein d’étoiles, qui a ciselé sa plume pour épauler ses pensées, toucher, guérir.
« Je me rappelle du moment où j’ai eu le déclic et que j’ai voulu pour la première fois envisager de monter un projet d’écriture […] C’est quand j’ai montré pour la première fois un texte à ma maman et que je l’ai vue pleurer. »
Solène Verhoeven
Étoiles et toi est un recueil écrit en vers et en prose. Pourquoi avoir choisi la poésie ? Est-ce la forme d’écriture dans laquelle tu es la plus à l’aise pour t’exprimer ?
J’ai fait ce choix par « facilité » disons, pour travailler ce projet, que je voulais emmener plus loin que mon tout premier recueil de poèmes en anglais. J’estime que ma zone de confort qui m’est le plus inné est la prose rimée car je n’écris jamais sans rimes, alors j’imagine que le format poétique y est quelque part rattaché (même si les rimes en poésie ne sont pas une convention !).
Combien de temps t’a pris l’écriture de ce recueil ? Tous les poèmes ont-ils été écrits à un moment précis de ta vie ou sur une période plus étalée ?
Je dirais qu’il a été le résultat de six mois de travail environ. Les écrits ont émergé durant cette période et ont rapporté les sentiments qui s’y sont démarqués. C’était une période très intense en émotions, où je me suis retrouvée au milieu de la destruction avant d’envisager un début de reconstruction.
Il raconte une histoire d’amour passionnée et dévorante, qui se clôt par une séparation. Est-ce autobiographique ?
Je pense qu’aucun.e écrivain.e ne puisse entièrement échapper à la restitution écrite du cœur, c’est un processus quasiment naturel à mon sens. De plus, et comme mentionné au-dessus, la période d’écriture d’Étoiles et Toi a été très bouleversante et déchirante. L’écriture m’aide à traverser ces difficultés, forcément les pages se sont enchaînées.
Malgré le déchirement de la séparation racontée dans ce recueil, il m’a semblé que rarement tes poèmes ne cèdent au désordre où à la dissonance. Ainsi, dans le poème « Ses yeux brillent » tu donnes la parole à l’Univers qui déclare « il y a quand même quelque chose de beau dans sa détresse ». Est-ce ta volonté de toujours vouloir montrer la beauté et l’amour par-dessus tout ?
J’essaye un maximum, oui. Aussi bien pour moi que pour les yeux qui se posent sur mes lignes. C’était important pour moi de chercher une perspective d’espoir à transmettre et à considérer malgré l’obscurité du reste. Et je dois avouer que l’amour énoncé dans ce livre ne relève aucunement du commun et que même dans la souffrance, je ne pouvais pas lui retirer sa beauté, ni sa puissance.
« Chaque plume a ses propres raisons, déterminations et vérités. En ce qui concerne la mienne, effectivement, elle est thérapeutique. »
Solène Verhoeven
Ce qui m’a le plus marqué dans cette lecture, c’est la solitude et la souffrance qui habitent les poèmes avant la dernière partie du recueil consacrée à la renaissance et l’acceptation. Est-ce que la solitude t’est nécessaire pour écrire ?
Il y a quelques années, j’aurais affirmé que oui, maintenant je n’en suis plus du tout convaincue. Les « passions tristes » nommées par Spinoza, donc tout ce qui englobe la tristesse, la solitude, le mal-être sont un refuge doré pour l’inspiration. Avec l’expérience et les années qui passent, j’ai réussi à m’en détacher et en un sens, guider mes écrits vers des sujets plus lumineux et rassurants. Au moment d’Étoiles et Toi, je commençais tout juste à rentrer dans cette sphère (avec la partie « Guérir »), mais ça n’a absolument rien à voir avec ma plume actuelle, que j’arrive à maîtriser comme bon me semble au niveau des thèmes que j’ai envie d’aborder, qui dépassent parfois largement mes sentiments personnels.
Plusieurs poèmes mentionnent le fait qu’écrire t’a sauvée. L’écriture a-t-elle pour toi vocation de guérir son auteur.e, d’agir comme une thérapie ?
Je ne peux pas répondre objectivement à cette question, mon avis n’est pas universel. Chaque plume a ses propres raisons, déterminations et vérités. En ce qui concerne la mienne, effectivement, elle est thérapeutique. J’ai réellement commencé à écrire pour me sauver la vie, quand j’ai eu un premier diagnostic de dépression et que j’avais l’impression que personne ne pouvait comprendre ce que j’étais, comment j’étais. J’ai commencé à en parler avec moi-même, devant des pages et avec un stylo en main. Me retrouver en face de mes propres mots était une façon pour moi aussi de comprendre ma condition mentale et de la supporter. À partir de cette période-là, j’ai commencé à construire ma plume comme une personne à part entière, comme quelqu’un qui ne pourrait jamais me décevoir. Quelqu’un que je pouvais appeler à n’importe quelle heure, pour lui parler de n’importe quelles pensées. Les premières années, elle m’a surtout servie d’épaule sur laquelle pleurer, maintenant c’est une amie fidèle avec qui je vis tout mais qui ne flanche jamais pour me sauver. Je ne saurais vous dire où je serais à l’heure d’aujourd’hui si je ne l’avais pas trouvée, cette amie.
Les astres ou les éléments te servent parfois à personnifier tes proches et, d’une manière générale, tes poèmes sont peuplés d’objets célestes, de planètes et d’étoiles. D’où te vient cette passion pour l’astronomie ?
Cette passion pour l’astronomie m’a toujours animée, depuis mon enfance. J’avais beaucoup de livres sur les planètes et le système solaire, et un million de questions à leurs sujets. J’ai toujours éprouvé un intérêt très poussé pour ce qui se passait dans le ciel. J’avais le rêve de beaucoup d’enfants, celui de devenir astronaute. En prenant compte de mes compétences médiocres en science et en mathématiques qui ne s’amélioraient pas au cours de ma scolarité, j’ai dû rapidement (et un peu malheureusement) renoncer au projet. Maintenant, j’ai cette phrase que je dis très souvent : « À défaut de savoir compter les étoiles, j’essaye comme je peux de les conter », et il est vrai que la présence des étoiles et des corps célestes n’est jamais loin dans mes écrits.
Y a-t-il des poètes ou des écrivain.aine.s qui t’ont inspirée ?
Étonnamment, je ne lis vraiment pas beaucoup et je m’inspire de très peu d’auteurs et de stylistiques déjà connues. Je m’inspire plus particulièrement de chansons, et c’est peut-être la raison pour laquelle on me dit autant que mes écrits résonnent comme de la musique et que je ne désapprouve pas. Cependant, il y a une poète que j’affectionne particulièrement et qui n’a eu pas une reconnaissance suffisante, Louise Ackermann, qui est derrière mon poème préféré, « L’amour et la mort », que je trouve splendide.
Y a-t-il un moment particulier où tu as réalisé que tu étais écrivaine et que le grand public pourrait lire tes histoires ? Qu’as-tu ressenti à ce moment ?
Je me rappelle du moment où j’ai eu le déclic et que j’ai voulu pour la première fois envisager de monter un projet d’écriture qui arriverait jusqu’aux yeux du monde. C’est quand j’ai montré pour la première fois un texte à ma maman et que je l’ai vue pleurer en me lisant que j’ai réalisé que ce que j’écrivais pouvait toucher l’extérieur. Elle m’a ensuite dit ces mots qui ont tout de suite résonné comme un devoir « Le monde a besoin de ça, de tes mots ». Je n’ai plus le souvenir exact de la date mais je sais que ce jour là a marqué le début de ma petite carrière. Ce qui est du statut d’écrivaine, je pense qu’il s’est manifesté en moi sur la durée, mais je pense que ça m’a réellement fait quelque chose quand j’ai vu mon livre sur le site de la Fnac, que j’ai eu mon interview à la télé et quand j’ai reçu mes premiers bulletins de vente. C’est un sentiment exceptionnel, de voir un travail de longue durée, de grande intensité personnelle arriver dans le concret. De savoir que j’ai mis toute ma personne entre les pages et de la voir réalisée matériellement parlant. De me dire que ça y est, mes mots vont pouvoir voyager de mains en mains. D’avoir les retours et de voir que mon parcours de vie en a aidé d’autres. Ça ne se définit pas mais je sais pertinemment que c’est ce sentiment que je veux ressentir toute ma vie.
As-tu d’autres projets littéraires en tête ? De la poésie ou d’autres formats ?
J’ai beaucoup, beaucoup de projets littéraires en tête, dont un troisième livre qui arrivera bientôt. J’essaye désormais d’explorer un maximum de formats et de genres en innovant (jusqu’à presque inventer des formats parfois), tout en restant fidèle à ma prose rimée. Ce troisième livre est une nouvelle philosophique écrite en rimes. J’ai déjà fini d’écrire les deux prochains qui suivront, dont un roman écrit en rimes avec des chapitres découpés comme des textes en prose, ainsi qu’un nouveau recueil de poèmes et de proses mais confectionné avec mon expérience actuelle. J’ai en ce moment trois autres idées de livres qui ne sont encore que des idées à élaborer mais qui deviendront très certainement des projets qui iront jusqu’à l’édition comme les autres. Ce que je peux dire c’est que toute cette productivité m’anime réellement au quotidien et que j’ai hâte de voir où elle me mènera !
Étoiles et Toi par Solène Verhoeven aux éditions du Panthéon sorti le 10 novembre 2019, 18,90€