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Rencontre avec Luàna Bajrami, étoile montante

© Laurent Champoussin

Révélée dans le deuxième long métrage de Sébastien Marnier, L’ Heure de la sortie, dans lequel elle campe une adolescente surdouée et manipulatrice aux côtés de Laurent Lafitte, Luàna Bajrami n’a depuis cessé d’enchainer les films, de Fête de famille de Cédric Kahn à Les 2 Alfred de Bruno Podalydès. Rencontre.

Dernièrement, elle a crevé l’écran dans Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, et son parcours cinématographique est jusqu’à présent un sans faute. Alors que sa carrière est en plein essor et qu’elle vient de terminer son premier long métrage en tant que réalisatrice, nous sommes allés à la rencontre de cette jeune actrice, talentueuse et incandescente.

Quel est ton parcours, comment s’est faite ta rencontre avec le cinéma ?

Luàna Bajrami  : J’ai commencé le théâtre très tôt, vers six ans, mais je ne m’étais jamais projetée en me disant que je voulais être actrice. Un jour, j’ai vu un film dans lequel le jeu des enfants m’a marqué et je me suis dit que je voulais faire la même chose. J’ai alors passé un casting à dix ans pour un téléfilm France 3 et j’ai été prise pour le premier rôle. C’est là que j’ai découvert le plateau et que je suis tombée amoureuse de cet endroit. Au delà de ça, depuis l’enfance je faisais des petits films avec mon caméscope et ça m’a connecté à mon désir de jeu, mais aussi de réalisation. 

À partir de ma première expérience de tournage, j’ai commencé à écrire d’autres scénarios, j’ai trouvé une agent qui m’a emmenée sur d’autres castings, jusqu’au téléfilm Marion, 13 ans pour toujours, à nouveau pour France 3. Après ce téléfilm, j’ai décroché mes premiers projets au cinéma, avec Sébastien Marnier, puis Cédric Kahn et Céline Sciamma. Les choses ont finalement décollé assez vite. 

Comment choisis-tu tes rôles, quels sont les critères qui te décident à t’engager sur un film ? 

Avec mon agent actuel, on discute beaucoup des projets en amont. Beaucoup de propositions viennent maintenant de manière spontanée, sans casting, ce qui est génial pour moi mais nécessite de faire des choix. En général, on lit les scénarios et je fonctionne vraiment au coup de coeur. Quand j’ai reçu le scénario du film de Céline Sciamma, j’étais scotchée. Je connaissais son travail, je l’admirais déjà beaucoup et quand j’ai vu qu’il s’agissait d’un film d’époque, je me suis dit que je devais le faire.

En concertation avec mon agent, on essaye aussi de construire ma carrière, de faire en sorte que je ne joue pas tout le temps la même chose pour ne pas être inscrite dans une typologie de rôles. J’avais très peur de ça mais je crois que pour l’instant, j’ai réussi à ne jamais trop faire la même chose. 

Comment appréhendes-tu l’étape du casting ? As-tu une méthode particulière pour t’y préparer ? 

Au début, c’était une étape qui m’angoissait beaucoup. Mais je crois que j’en ai tellement fait que la peur est un peu passée. Et les choses ont évolué, maintenant je rencontre souvent le réalisateur dès le premier casting, ce qui est super parce que j’ai d’emblée le bon interlocuteur en face de moi. Désormais le casting représente plutôt des séances de travail où je rencontre un cinéaste et où l’on voit si on adhère mutuellement à notre façon de travailler. J’adore quand je me retrouve à faire des castings de deux heures et qu’une énergie se crée, qui fait partie intégrante du film. À l’inverse, je n’aime pas du tout faire des «  tapes  », me filmer seule chez moi. J’y suis parfois obligée, surtout pour des projets à l’international, mais je trouve ça très déshumanisant. Quand le réalisateur est présent au casting, tu sais tout de suite où il veut t’emmener, c’est beaucoup plus intéressant. 

Les 2 Alfred, © UGC Distribution

Du haut de tes 19 ans, tu as eu l’occasion de tourner avec des acteurs et actrices qui ont déjà une longue carrière cinématographique derrière eux. Comment s’est passé le travail avec des comédiens comme Laurent Lafitte, Catherine Deneuve ou encore Adèle Haenel ?

Je pense que j’ai eu la chance de tomber sur des acteurs qui ont une expérience prouvée sans pour autant imposer une vision hiérarchique ou empirique des techniques de jeu. Sur un plateau, on est une équipe. Le but est de faire le meilleur film possible et pour ça, il faut qu’on soit tous au meilleur de nos capacités. Sur le film de Cédric Kahn, Fête de famille, Catherine Deneuve avait quelque chose de très maternel. C’est une figure imposante du cinéma français, mais elle est vraiment dans le partage. Je ne suis jamais tombée sur des acteurs qui étaient fermés à la transmission puisque quand on joue une scène, on est de toute façon dans l’échange. Mais tous les acteurs avec lesquels j’ai pu jouer m’ont beaucoup apporté. Et ça ne passe pas uniquement par les mots. Sur le plateau de Portrait de la jeune fille en feu, Adèle Haenel et Noémie Merlant me suggéraient parfois d’envisager les scènes d’une autre manière, ce qui ouvre un champ des possibles immense parce que d’un coup, j’ai l’impression d’avoir trois cerveaux pour un même rôle. Là, ça devient intéressant. 

Quels sont les acteurs ou actrices qui t’inspirent, qui viennent nourrir ton jeu ?  

Le jeu est tellement personnel et instinctif qu’il ne faut pas chercher à avoir la même approche qu’un acteur qu’on admire. Mais l’actrice qui m’inspire le plus a toujours été Marion Cotillard. Ce que j’aime dans son travail c’est le fait qu’elle ne joue jamais les mêmes rôles. On a beau tous la connaitre, elle se réinvente à chaque personnage, elle se transcende à chaque rôle. 

Tu as fait tes débuts à l’écran avec un téléfilm en 2011, Le Choix d’Adèle d’Olivier Guignard. Plus récemment, on a pu te voir dans Marion, 13 ans pour toujours de Bourlem Guerdjou. Constates-tu des différences notoires dans la manière d’aborder le jeu d’acteur pour le cinéma et la télévision ? 

Oui. La télévision évolue très rapidement et c’est pareil pour les séries, le rythme est très effréné. Tu tournes six à sept séquences par jour, ce qui est énorme. Pour un film de cinéma, on fait en moyenne deux à trois séquences par jour. Le rythme est beaucoup plus intense pour la télé et j’ai le sentiment qu’en tant qu’acteur on a moins le temps de creuser les personnages en profondeur. Pour Marion, 13 ans pour toujours, c’était particulier parce que le sujet était très dense et tiré d’une histoire vraie, avec un livre inspiré de cette histoire. J’avais donc pu m’imprégner énormément de ce qu’était le harcèlement scolaire. Mais que ce soit pour un court ou un long métrage télé ou cinéma, je crois que j’ai un peu la même approche, je me donne toujours à fond. J’ai envie de créer un personnage et de le garder en moi.

Dans L ’Heure de la sortie de Sebastien Marnier, tu incarnes Apolline, jeune adolescente surdouée qui manifeste avec sa classe une certaine hostilité à l’égard du nouveau professeur de Français, Pierre (Laurent Lafitte). Dans le film, la bande fait vraiment unité. Comment était-ce de travailler avec un groupe mêlant de nombreux acteurs professionnels et comédiens moins expérimentés ? 

On a fait trois mois de préparation sur ce film, avec un coaching, pour se rencontrer et apprendre à se connaitre. J’ai passé tellement de temps avec les autres acteurs que l’unité se ressent à l’écran plus qu’elle ne se joue. Pour tous, c’était notre premier gros projet et on s’est tout de suite très bien entendu. Encore aujourd’hui, on est tous restés en contact. C’est très plaisant parce que ce sont des premières rencontres qui vont te suivre dans ta carrière et qui forment une génération d’acteurs. On travaillait avec Sébastien Marnier et une coach, qui nous demandait de marcher dans une pièce à l’unisson pour créer un monstre à six têtes. Je trouve que ça se ressent vraiment dans le film. Mais autant à l’écran on a l’air de monstres antipathiques, autant sur le plateau on rigolait énormément. Pour la scène du bus par exemple, on a mis trois jours à la tourner. On était enfermés dans le bus et on ne faisait qu’hurler, le temps était complètement suspendu.

L’heure de la sortie, © Haut et Court (crédit photo : Laurent Champoussin)

Comment s’est faite ta rencontre avec Céline Sciamma et comment as-tu préparé le rôle de Sophie, un personnage beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, mélange de force et de retenue ? Qu’est-ce que la reconstitution historique de l’époque a imposée comme travail de préparation du rôle ?

J’ai rencontré Céline en casting. Je sortais de mon épreuve de philo au bac et quand je suis arrivée pour passer le casting, je n’avais qu’une envie, c’était d’épandre tout mon ressenti sur le scénario et toute mon admiration pour son travail. On a commencé à débattre de philosophie et on s’est immédiatement connectées de manière très intellectuelle. Lorsque j’étais en tournage sur le film de Cédric Kahn, j’ai reçu un appel de Céline qui m’a dit : «  Luàna, le rôle de Sophie est pour toi.  » On s’est ensuite revue à Paris pour parler du rôle et même si je le désirais vraiment, je savais qu’il y avait avant tout quelque chose à comprendre de ce personnage, qui est effectivement très complexe. Pour moi Sophie représentait aussi beaucoup de valeurs en termes symboliques. Il y avait quelque chose à voir avec la liberté, la femme libre. Il fallait jouer la retenue mais j’étais aussi la plus dévergondée des trois personnages. 

En terme de préparation, je me suis dit qu’il allait falloir travailler la diction, la tenue. Finalement, le premier vrai contact que j’ai eu avec le personnage s’est fait avec les costumes. On m’a juste mis un corset, une grosse jupe, un petit veston et c’était bon, j’étais Sophie. 

J’ai aussi appris la broderie, ce qui m’a permis d’entrer en profondeur dans le rôle. C’était un tournage particulier. On vivait toutes au même endroit pendant deux mois et on a fini par créer une symbiose de groupe. C’était beau, un vrai moment suspendu.

Comment as-tu travaillé avec Adèle Haenel et Noémie Merlant pour composer ce trio féminin extrêmement puissant ? 

Sur un tournage, au delà des rôles et des acteurs qui les incarnent, tu rencontres des personnalités. Adèle et Noémie sont de vraies personnalités. Noémie et Adèle ont beaucoup travaillé ensemble pendant la préparation mais je ne les ai pas vraiment vues avant le tournage. Céline voulait qu’on ne soit pas complètement proches au début et la première scène qu’on a tourné est la scène où je cours sur la plage entre Adèle et Noémie. C’était une scène extrêmement fatigante parce que je devais courir dans le sable en talons, avec dix kilos de costumes sur moi mais c’est véritablement le moment de notre rencontre. C’est le genre de films pour lequel tu sens qu’il va avoir une vraie portée, un vrai retentissement, et tu sais que tu n’as pas droit à l’erreur. On se soutenait donc beaucoup toutes les quatre avec Céline. 

Portrait de la jeune fille en feu, © Pyramide Distribution

Que ce soit dans Portrait de la jeune fille en feu, qui traite de thèmes liés à l’émancipation féminine ou dans Les 2 Alfred, qui pose avec humour les limites de la startup nation et critique l’uberisation du monde, tu t’engages sur des films à forte résonance politique. Les enjeux de ces films te tiennent-ils particulièrement à coeur ?

Oui, c’est voulu. Je me dis toujours qu’un film, une fois tourné, doit pouvoir être défendu. Et pour ça, il faut que tu croies réellement au film. Un projet artistique est intéressant quant une parole est délivrée. Il doit y avoir plusieurs niveaux de lecture qui dépassent le simple divertissement. J’ai besoin de ça pour croire dans ce que je suis en train de faire. C’est aussi une manière de m’exprimer et de me dire que ce que je fais à un sens. Pour moi c’est très important et cela fait partie des discussions que j’ai régulièrement avec mon agent. 

Lors de l’édition 2020 du Festival du film de Cabourg, tu as remporté le Swann d’or de la révélation féminine pour Portrait de la jeune fille en feu. Que représente ce prix pour toi ? 

Je ne l’attendais pas si tôt ! J’étais très contente parce c’est évidemment une forme de reconnaissance, de récompense pour le travail accompli, qui fait à la fois plaisir et donne confiance. Et puis je trouve que c’est l’un des plus beaux prix du cinéma français.

Quel rapport entretiens-tu avec la promotion ? Est-ce un moment que tu attends particulièrement, ou au contraire que tu redoutes ? 

J’adore défendre les films. J’aime particulièrement les moments de débat, les questions-réponses en salle. Je n’ai pas eu l’occasion de faire beaucoup de promo pour les films de Céline Sciamma et de Cédric Kahn parce que j’étais en tournage pour mon propre film à ce moment là. Mais pour L’ Heure de la sortie, il y a eu des moments de débat passionnants. Les gens avaient beaucoup de questions et c’est vrai que le film reste très flou sur certains aspects, ce qui donnait lieu à de longs échanges après projection. C’était très plaisant, et les interviews que j’ai pu faire autour du film étaient intéressantes parce qu’elles dépassaient mon simple rapport d’actrice au film. 

Parler de mes propres réalisations ne me pose aucun problème tellement j’ai de choses à dire sur ce que j’ai fait. Parler du film d’un autre cinéaste est plus complexe parce qu’on cherche aussi à m’identifier en tant qu’individu au delà de mon travail dans ce film et même si cela fait partie du jeu, ça peut être agaçant.

L’heure de la sortie, © Haut et Court (crédit photo : Laurent Champoussin)

Dans les personnages que tu as pu incarner, on retrouve des points communs évidents : des jeunes femmes souvent mutiques et en quête d’émancipation, qui paraissent bien souvent plus âgées qu’elles ne le sont . Te sens-tu proche de tes rôles ? 

Je pense que j’impose tout ça aux personnages. Tu peux être proche par plein d’aspects d’un rôle mais ça ne sera jamais toi. Je n’aime pas me mettre en scène dans un film mais le coté mutique, le fait que beaucoup de choses passent par le regard, tout cela fait partie de ma façon de jouer. Pour autant je n’y pense pas, je le fais naturellement. Chez moi, les silences font davantage sens que la parole. C’est parfois déroutant et au début ça pouvait même faire blocage au moment des castings. Tout comme le fait de paraitre plus âgée que mon âge. On me disait souvent que je faisais trop «  mature  » pour un rôle et je trouvais ça extrêmement frustrant parce que ça ne repose pas sur grand chose et qu’il est possible de le cacher. 

L’immersion au coeur des plateaux de cinéma t’a-t-elle aidé à conscientiser tes désirs de réalisation ? 

J’ai eu le désir de réaliser et de raconter des histoires avant d’être actrice, mais je ne l’ai compris qu’après coup. Quand j’étais en primaire, j’écrivais des scénarios dans la cour au lieu de jouer avec les autres. J’ai d’ailleurs réalisé un premier film à ce moment là, pour lequel j’ai embarqué toute ma classe. Je l’ai revu il y a peu de temps, j’ai beaucoup ri ! J’ai donc fait des courts-métrages amateurs mais je n’en parlais à personne parce que je trouvais ça nul. 

Pour le tournage de Céline Sciamma, j’ai du abandonner la fac et j’ai commencé à développer une idée de scénario de long métrage sans savoir si je savais réellement écrire. Sur le plateau de Portrait de la jeune fille en feu, Céline est venue me voir en pleine scène et m’a dit qu’elle savait que je ne voulais pas être uniquement actrice. Et elle a ajouté : «  Si tu veux réaliser, fonce, parce que tu as tout ce qu’il faut.  » C’est peut-être bête mais cette phrase m’a donné de la force. Je suis rentrée du tournage et en une semaine, j’avais une première version du scénario de La Colline où Rugissent Les Lionnes, que j’ai fait lire à Sébastien Marnier et Céline. Nous nous sommes vus tous les trois pour en discuter et ils m’ont donné la confiance nécessaire pour me lancer dans ce projet. Dans un second temps, j’ai monté ma société de production au Kosovo pour financer le film, qui a été compliquée à produire parce que je l’ai auto-financé. Et pendant la préparation de La Colline où Rugissent Les Lionnes, j’ai écrit et réalisé mon premier court-métrage financé, En été mûrissent les baies, qui était une sorte d’entrainement avant le passage au long-métrage. 

La Colline où Rugissent Les Lionnes est maintenant terminé et on est en train de le présenter aux distributeurs. Au début, je ne croyais pas dans la viabilité du film et personne ne pensait que j’allais tenir plus d’une journée de tournage. Finalement, le film est là et je suis heureuse du chemin parcouru.  

Comment est née l’idée du film ? 

À l’origine, il n’y avait rien de défini, mais plutôt des bribes d’idées qui planaient au dessus de moi sans que je puisse les saisir. Mais je voulais vraiment faire un film sur la jeunesse, sur des jeunes filles qui ont envie de s’émanciper. J’avais envie de raconter une histoire universelle qui puisse toucher n’importe qui, et surtout de parler de la jeunesse avec un regard neuf. La plupart des films qui parlent de l’adolescence sont réalisés par des gens qui ont passé cet âge. Il y a donc un filtre de nostalgie, de mélancolie : des choses qui n’ont pas spécialement leur place dans une histoire. Pour moi, il manquait une représentation brute et spontanée. J’ai aussi cherché à magnifier mes actrices, comme Céline magnifie ses personnages à l’écran. Ça n’était pas spécialement réfléchi mais j’avais ce désir de les voir porter le film. 

La Colline Où Rugissent les Lionnes, © Hugo Paturel

Sur quels critères le choix des actrices s’est-il fait ? 

J’ai fait un mois de casting toute seule au Kosovo où j’ai vu toute la jeune génération kosovare, que ce soit en casting sauvage ou en castant des filles qui avaient envie de faire du cinéma. C’est là que j’ai découvert que ce que j’aimais par dessus tout était la direction d’acteur parce que j’en avais fait moi-même l’expérience et que je savais comment les emmener la où je voulais qu’on aille. 

Au Kosovo, il y a ce qu’on appelle des facs d’acteurs, qui sont en fait les seules écoles d’acting qui existent là bas. Mes trois actrices étaient toutes inscrites dans ces facs, elles avaient le désir d’être actrice mais pas forcément la possibilité car très peu de films se font au Kosovo, mais davantage des pièces de théâtres.

T’es-tu entourée de collaborateurs avec lesquels tu avais déjà pu travailler en tant qu’actrice ? 

Non, et c’est toute la folie de ce film. C’était un projet secret et les seules personnes au courant étaient Sébastien Marnier et Céline Sciamma, qui me donnaient des conseils de réalisation. Je me suis associée avec un ami franco-kosovare et on a monté notre société de production à deux. Ni lui ni moi n’avions de formation en production et on a tout appris sur le tas. Je savais les erreurs à ne pas faire mais mes connaissances restaient très limitées. Après coup, je me dis que j’aurais pu prendre un peu plus de conseils. Mais il y avait peut-être une envie de me prouver quelque chose, de faire ce film indépendamment du reste et on a finalement travaillé à l’instinct, en décidant tout de même de faire une coproduction.

Quelle a été ton étape préférée de la réalisation ? 

Je crois que tout me plait. Quand j’ai terminé le scénario, j’étais super enthousiaste à l’idée de passer à l’étape suivante, de trouver des décors, de mettre des visages sur mes personnages. J’aime aussi beaucoup les repérages. En l’occurence j’avais envie de filmer le village dans lequel j’ai grandi. J’étais dans une approche très personnelle. Au delà du tournage, le casting est aussi une étape vraiment fascinante. J’avais beau avoir vu quatre-vingt personnes, j’ai tout de suite su que mes actrices allaient être les bonnes. Je les ai fait attendre, on s’est vu quatre, cinq, six fois, je voulais créer un groupe. Au final, la quatrième actrice m’a laissé tomber au dernier moment et j’ai du réécrire pour trois filles en trois jours. Mais humainement, c’était une expérience tellement enrichissante. À aucun moment avec mon associé on a pensé abandonner le film, on savait qu’il allait se faire coûte que coûte. 

Les 2 Alfred, © UGC Distribution

Quel rapport entretiens-tu à la salle de cinéma, à la fois en tant qu’actrice, réalisatrice, mais surtout spectatrice ?

La salle de cinéma est un endroit sacré pour moi, au même titre qu’une salle de théâtre. J’aime cette idée qu’on est tous réunis face à une oeuvre. On ne se connait pas mais on va ressentir des choses tous ensemble. Ce sentiment est particulièrement perceptible en festival. Je me rappelle qu’à la fin de la projection de Portrait de la jeune fille en feu à Cannes, on a tous pleuré et c’était l’une des expériences de salles obscures les plus fortes de ma vie. 

Ma mère m’a initié au cinéma très tôt et je pense avoir vite pris conscience de l’importance du public pour un film. Tu as envie qu’il soit vu. Pour le film de Bruno Podalydès Les 2 Alfred, quel plaisir de se mettre au fond de la salle et de voir les gens rire malgré cette période morose. J’ai du voir le film trois fois en salle en festival et j’ai eu le sentiment qu’il touchait les gens, c’était très beau !

Quels sont tes projets pour les mois à venir, à la fois en tant que comédienne et réalisatrice ?

J’avais très peur pour l’année prochaine mais j’ai trois ou quatre projets qui se dessinent pour les six premiers mois de 2021, des premiers rôles dont je ne peux pas encore parler. En parallèle je termine l’écriture de mon deuxième film, je finalise le précédent, et je réalise de courts documentaires sur la jeunesse au Kosovo. Je suis finalement bien occupée !

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