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(Re)voir – « Rio Lobo » : Dernier film d’un géant d’Hollywood

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Ce dimanche 8 novembre à 20h55, la chaîne Arte diffuse le western Rio Lobo, dernier film de Howard Hawks qui marque également sa dernière collaboration avec John Wayne. Reprenant les codes du western classique, il fut boudé par la critique à sa sortie. Retour sur cette œuvre mal aimée.

Rio Lobo, sorti en 1970, est une variante d’un autre western de Hawks, et pas des moindre puisqu’il s’agit de Rio Bravo (1959), considéré aujourd’hui encore comme l’un des meilleurs westerns jamais réalisés. Il faut savoir que le film avait déjà été décliné par Hawks en 1967 dans El Dorado, toujours avec John Wayne. Ces trois films, formant une sorte de trilogie du western hawksien, reposent sur le même scénario à peu de choses près. Quatre des cinq collaborations entre Hawks et Wayne sont des westerns et ont durablement marqué le genre tout en inspirant quantité de metteurs en scène, notamment Clint Eastwood.

A la fin de la guerre de Sécession, des sudistes renseignés par des traîtres yankees interceptent un train transportant un convoi d’or et provoquent au passage la mort d’un officier nordiste, ami d’enfance du colonel McNally (John Wayne). Ce dernier se lance sur les traces des confédérés et parvient à faire deux prisonniers, mais la guerre prend fin avant qu’il n’ait pu récupérer l’or. Après la guerre, il se lance à la recherche des traîtres, aidé par ses anciens rivaux. Cela le mène dans une petite ville du Texas, Rio Lobo, où un shérif brutal et sans scrupules fait régner la terreur. Dès lors, la situation ne peut se terminer que par un affrontement.

John Wayne et Jennifer O’Neil© DR

Du pur John Wayne

En vieillissant certains acteurs tombent dans l’auto-parodie. C’est le cas de Robert de Niro, par exemple, qui s’est enfermé assez tôt dans un panel de mimiques caractéristiques qui, à terme, lui ont collé à la peau. John Wayne échappe à cette tendance, et reste John Wayne quel que soit son âge. Bien qu’il joue le même rôle à longueur de films, celui du héros courageux, force de la nature au grand cœur, il le fait à la perfection, car en réalité, il joue le rôle de John Wayne.

«  J’ai joué John Wayne dans tous mes films et ça m’a plutôt pas mal réussi.  »

Patrick Fabre, «  John Wayne, l’homme qui incarnait l’Amérique  », Studio magazine no 237, août 2007, p. 99

Semblable à une entité, un bloc qui reste toujours lui même dans tous ses rôles, sa seule présence parvient à sauver un film dont l’intrigue n’est pas des plus palpitante. Il a ce don de crever l’écran, de prendre toute la place et par une simple posture, une démarche, en buvant son whisky ou en fumant sa cigarette, de rendre un plan intéressant. Dans sa filmographie, Rio Lobo se tient au rang de ses westerns les plus célèbres, mais c’est aussi l’un des moins aimé. Le poids des années commence à se faire sentir sur son visage (il n’a pourtant que 63 ans). Il y apparaît fatigué, la carcasse épaissie, mais dégage toujours la même prestance qu’auparavant. D’une certaine façon, même si ça ne fait pas tout, c’est sa présence qui sauve Rio Lobo et en fait un film à ne pas rater.

Toujours la même recette

Rio Lobo reprend le scénario de ses deux prédécesseurs mais il ne s’agit pas pour autant d’un simple remake. De même que dans El Dorado, l’intrigue varie et les personnages sont différents. Les westerns de Hawks reposent sur une intrigue simple et une focalisation sur le fonctionnement d’un groupe d’individus et leurs interactions. Le thème du groupe a toujours passionné le metteur en scène et se retrouve dans les trois films. La séquence de Rio Bravo où les héros se réunissent dans la prison dans l’attente du règlement de compte final se retrouve également dans Rio Lobo. L’intrigue du film original n’a rien de bien compliqué mais sa réussite tient en grande partie au relief que Hawks arrive à insuffler à ses personnages et à sa manière de filmer les moments de vie, de même que dans El Dorado. Cette maîtrise n’est hélas pas aussi présente dans Rio Lobo, et il est donc moins évident de s’attacher aux personnages secondaires. Une fois encore, la présence du « Duke » sauve le film, mais ce n’est pas le seul point fort du film. Notons deux séquences d’action percutantes : l’attaque du train du début et la fusillade finale, qui sont de beaux moments de cinéma, où l’on reconnaît la patte de Hawks qui filme au plus près de l’action, en donnant un rythme soutenu. La performance de Jack Ellam en vieux fou porté sur la bouteille vaut également la peine d’être vue.

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Les deux variantes doivent tout à Rio Bravo, il est donc logique qu’au bout de deux films une certaine impression de déjà vu se fasse sentir. La faiblesse de cette dernière « version » réside aussi dans une distribution moins imposante, quand El Dorado comptait tout de même Robert Mitchum et James Caan et que Rio Bravo comptait Dean Martin. Rio Lobo est assurément le moins bon western de la trilogie, son cinéaste s’en était même désintéressé avant de l’avoir achevé, mais paradoxalement il est toujours aussi plaisant à regarder une fois que l’on s’est affranchi de la comparaison avec l’original. Il serait inexact de dire qu’il s’agit là de son film de trop. Hawks a le talent de pouvoir faire plusieurs fois le même film sans qu’il ne perde de son intérêt. Indiscutablement moins bon que Rio Bravo, Rio Lobo n’en reste pas moins un bon film qui possède tous les ingrédients du western classique : le héros justicier, le shérif persécuteur, le thème de la vengeance, le tout saupoudré d’une touche d’humour caractéristique des films de Hawks. Le cinéaste de légende livre un dernier film léger et sympathique, tout en restant fidèle à ce qu’il a toujours fait, quitte à le refaire, sans pour autant qu’on s’en lasse.

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