SOCIÉTÉ

Reconfinement : quel impact psychologique pour la population ?

© Image Pixabay/ TimKvonEnd

Stress, manque de liens sociaux, baisse d’activité… Pendant le premier confinement, le moral des Français n’était pas au beau fixe. Mais comment la population aborde-t-elle ces nouvelles restrictions sanitaires ? Que faire pour s’adapter au mieux à cette situation exceptionnelle ? Éléments de réponse avec Nicolas Franck, Professeur en psychiatrie et responsable de pôle au Centre hospitalier Le Vinatier, à Lyon.

Angoisse face à l’actualité, inquiétudes pour l’avenir, sensation d’enfermement… Au mois de mars, alors qu’était annoncé le premier confinement, la santé mentale des Français se dégradait. C’est le constat qu’a fait Nicolas Franck, professeur en psychiatrie et responsable de pôle au Centre hospitalier Le Vinatier à Lyon. Dès le début des mesures sanitaires, il a mis en place une étude pour étudier l’évolution de la santé mentale des Français durant cette période. Celle-ci a regroupé entre 25 000 et 30 000 volontaires, et a donné lieu à un livre intitulé Covid-19 et détresse psychologique«  Les Français ne vivent pas bien le confinement  », résume le psychiatre. «  Il y a de la souffrance psychologique, car l’humain n’est pas fait pour être enfermé ou isolé. Ce que l’on a constaté, c’est que plus le confinement durait, moins la situation était bien tolérée », détaille-t-il.

Parmi les éléments qui impactent le mental des Français, « les facteurs sociaux », le fait de pouvoir continuer à travailler, et la pratique d’une activité physique. Certaines populations ont aussi été particulièrement affectées  par la situation : «  les personnes confinées seules, tout d’abord, celles en situation de handicap ou avec une maladie psychique, mais aussi les personnes sans profession  », énumère le professeur. Les agriculteurs, également, font partie des plus en difficultés, ainsi que les jeunes adultes. «  Les étudiants ont aussi été concernés  : certains étaient loin de leurs parents dans une petite chambre, ils étaient comme laissés pour compte. Les lieux où ils se sociabilisent d’habitude, comme les amphithéâtres, les bars ou chez leurs amis, n’étaient pas accessibles  ». Il note également que, malgré la difficulté de la période, les professionnels de santé se sont sentis «  valorisés  », grâce notamment aux applaudissements chaque soir à 20h. «  Les personnes âgées que n’ont avons interrogées font aussi partie des personnes qui ont le mieux vécu le confinement, mais cela ne comprend sûrement pas les personnes les plus isolées ou celles en EHPAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes)  », ajoute-t-il.

Nicolas Franck, professeur et psychiatre chef de pôle au Centre hospitalier Le Vinatier à Lyon

Un effet cumulatif

La situation sera-t-elle identique pour ce deuxième confinement  ? «  Ce sera différent, car il y aura tout d’abord un effet cumulatif  », décrypte Nicolas Franck. «  Ceux qui étaient heureux durant cette période vont refaire pareil. Ceux qui s’étaient enfoncés vont encore plus mal le vivre. Il y a aussi les difficultés économiques qui se rajoutent, ainsi qu’un effet saisonnier qui peut jouer  ». Parmi les symptômes détectés, de l’anxiété, des cas de dépression, ou encore une aggravation des idées délirantes pour des gens qui étaient déjà dans la maladie. «  A long terme, pour les plus fragiles, il y a des risques de développer des pathologies graves. Mais nous avons tous des faiblesses, et nous sommes tous plus ou moins fragiles  », insiste le psychiatre. «  la santé mentale concerne tout le monde  ».

« Certaines personnes ont du mal à demander de l’aide »

Pour le professeur, l’aspect psychologique de la situation n’a pas été suffisamment pris en compte par les autorités. «  A l’annonce des mesures, il n’y a pas eu un mot sur la santé mentale, ni sur les modalités pour trouver de l’aide en cas de besoin. On s’est offusqué pour la culture, mais pas pour les conséquences psychologiques ». Lui a, par exemple, mis en place des consultations spécifiques durant le premier confinement. Il regrette qu’il n’y ait eu que des initiatives locales pour mieux vivre les choses, d’autant que la psychologie est encore un domaine qu’il juge «  stigmatisé  » par une partie de la population. «  Après le premier confinement, on a vu plus de monde en consultation, mais certaines personnes ont encore du mal à franchir le pas pour trouver de l’aide  », regrette-t-il.

« Pour supporter le confinement, il faut nourrir l’esprit. On peut acheter de l’alcool, mais pas des livres. »

Nicolas Franck, professeur en psychiatrie

Selon lui, les changements apportés par le gouvernement par rapport au mois de mars, comme l’ouverture des parcs, ne sont pas suffisants. Et l’incompréhension face à certaines mesures peut rendre encore plus difficile la situation. «  Quand on ne comprend pas une décision, on se rebelle. Certains se demandent pourquoi on laisse des commerçants en difficultés. De la même manière, pour supporter le confinement, il faut nourrir l’esprit. On peut acheter de l’alcool, mais pas des livres  ».

Garder un rythme et se fixer des objectifs

Alors comment malgré tout mieux vivre cette période de restrictions  ? «  Il ne faut d’abord pas laisser se désagréger son emploi du temps. Du point de vue de l’alimentation, par exemple, car cela peut être mauvais pour le moral. Il faut structurer ses journées. Il est aussi bon de conserver une pratique sportive. On peut également se donner un objectif de confinement, quel qu’il soit  ». Pour les personnes vivant dans de petits espaces, Nicolas Franck invite à «  les aménager  ». «  Il faut se projeter, s’emparer de son espace. Quand on en a moins, il devient précieux. Il ne faut aussi pas hésiter à aller à l’extérieur durant le temps autorisé. Il n’y a pas de risques de contamination dehors si on ne se colle pas aux autres  ». Le psychiatre veut avant tout rester optimiste  : «  l’humanité a toujours connu des épidémies, s’en est toujours sorti. Il faut se projeter au-delà, et garder espoir  ».

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