CINÉMAFestival de Cannes

(Re)Voir – « La Lune de Jupiter » : Parabole du réfugié

©Pyramide Distribution

Cette année la sélection officielle a véritablement décidé de jouer avec nos nerfs et nos émotions. Le deuxième film en compétion vu par la rédaction, La Lune de Jupiter, du réalisateur hongrois Kornél Mundruczó, flirte entre le réalisme d’actualité et le mi-fantastique / mi-religieux. Grâce à un scénario intéressant et à la technique du réalisateur, La Lune de Jupiter coupe littéralement le souffle du spectateur.

Le film s’ouvre dans l’obscurité d’un camion conduisant des migrants syriens, prêts à s’embarquer en bateau. Une impression de déjà vu, un miroir de ce qu’il se passe dans le monde. Ils désirent rejoindre l’Europe, cela explique le titre mystérieux du film, Europe étant le nom d’une des lunes de Jupiter. Mais cette première scène très réaliste ne dure pas longtemps. Rattrapés par la police de l’immigration, les réfugiés ouvrent le feu. Dans cette violente course poursuite, un jeune migrant se fait tirer dessus. Le scénario change alors de registre puisque ce jeune homme qui aurait du être mort s’élève dans le ciel et se met à voler comme un ange tout en restant bien vivant. Aryan est récupéré par un médecin hongrois qui travaille dans le camp et découvre son super pouvoir. Le docteur Stern  espère se servir de ce don pour gagner de l’argent. Athée convaincu, il envoie des punchlines, plutôt bien écrites sur la religion. Mais les deux hommes sont poursuivis un policier tout au long du film. Alors que le jeune réfugié qui ne retrouve pas son père depuis sa fuite, le docteur va trouver en lui la famille qu’il n’a pas. Comme un ange tombé du ciel, Aryan lui insufflera quant à lui les valeurs du pardon et de la famille.

La figure du Christ

La Lune de Jupiter contient deux lectures indissociables. D’un côté, le spectateur est confronté à la dure réalité des réfugiés syriens qui parviennent à atteindre l’Europe. Violence entre eux et de la part des policiers, maladies, non-acception, attentat, etc. Kornél Mundruczó nous présente tous ces aspects que l’on connait déjà malheureusement trop bien. Il mise énormément sur un usage du son excessif où les basses traversent le corps du spectateur jusqu’aux frissons. Mais le personnage d’Aryan apparait comme un Christ contemporain et vient casser un film qui aurait presque pu prendre une allure de documentaire. D’abord il est sacrifié en quelque sorte par un père charpentier, un métier qui n’est pas choisi au hasard puisque c’est celui de Joseph, le père de Jésus dans le Nouveau Testament. Suspecté de commettre un attentat, Aryan est en réalité un jeune homme perdu avec les meilleurs intentions. Il va ressusciter et monter dans le ciel pour rester sur Terre afin d’apporter la paix, ce qu’il réussira au moins avec le Docteur Stern. Alors que le film commence dans l’ombre et la violence du monde réel, la scène de fin est éblouissante de clarté et d’apaisement. Les Hongrois observent fasciné cet ange qui s’élève et qu’ils pensaient terroriste quelques scène plus tôt. La Lune de Jupiter, en s’affichant ainsi comme une sorte de parabole sur l’acceptation de l’autre met en lumière les belles valeurs des religions, trop souvent mises de côté depuis la nuit des temps. Cet aspect est également mis en valeur du point de vue de la technique. On ne peut que saluer avec admiration ces plans où la caméra tourne autour du comédien qui le survole. Un véritable plaisir pour nos yeux admiratifs.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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