120 battements par minute, le troisième long-métrage de Robin Campillo (Les Revenants, Eastern boy) s’impose complètement sur la Croisette et dans la sélection officielle. Le film se déroule au début des années 1990. On y suit les activistes d’Act up à Paris, qui se battent pour qu’une solution soit trouvée face au sida, qui tue depuis les années 1980. Alors que le cinéaste retrouve Adèle Haenel, il dévoile aussi de jeunes comédiens comme Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois et Antoine Reinartz. Choc.
Ce film poignant semble avoir retourné la salle du Grand Théâtre dont les spectat•eur•rice•s sont sorti•e•s dans un silence pomblant. Robin Campillo filme les corps comme personne, n’hésitant pas à nous montrer de longues et sincères scènes de sexe sans aucun tabou. Ce sont d’ailleurs les plus belles scènes d’amour vues depuis longtemps au cinéma. Le cinéaste n’a aucun filtre et le scénario le prouve bien. Aussi bien que le sexe, les années sida, le sang, la mort des copains, il l’a lui-même vécu quand il était jeune et qu’il était membre d’associations comme Act’up. Il ose mettre en lumière un problème de société qui montre que les séropositi•f•ve•s n’étaient pas pris en charge ni par l’État, ni par les services médicaux. Ce mouvement met tout en place pour mener l’opinion publique vers la prise de conscience et on a envie de se battre avec eux : homosexuel•le•s, hétérosexuel•le•s, bisexuel•le•s, transgenres, séropositi•f•ve•s ou non. Des réunions aux actions, ils et elles tentent tant bien que mal de faire comprendre à quel point il est important de faire de la prévention et qu’il n’y a pas que les homosexuel•le•s qui peuvent être ou devenir séropositi•f•ve•s. Nous passons des scènes collectives où on assiste à d’interminables débats à des scènes plus intimes qui découlent doucement de groupe de militant•e•s. A partir de cette fureur de vivre, le rythme du film est donné à 120 battements par minute et on le ressent.
Une histoire de lutte
120 battements par minute est un film de lutte sous plusieurs formes. Celle du corps qui se bat contre la maladie comme le fascinant personnage de Sean, très engagé dans le mouvement car il ne lui reste plus beaucoup de temps et dont on voit la dégradation de sa santé. Celui-ci va peu à peu se détacher du groupe pour devenir le personnage central de l’histoire. La lutte militante des membres d’Act up qui multiplient les actions pour de meilleurs soins mais aussi leur lutte à travers les discours qu’iels prononcent lors de leurs réunions, la lutte du pouvoir qu’iels essaient d’inverser face au gouvernement Mitterand. Enfin, le film nous montre la lutte d’une histoire d’amour malheureusement mortifère entre un nouveau venu dans Act up, Nathan et Sean. Une histoire qu’ils essaient de construire malgré la mort qui pèse au-dessus de leurs têtes. Leur amour les lie comme les atomes entre eux, ce qui donne une scène sublime où des molécules volent dans un nuage de poussière.
Jamais un film de 2h20 n’a paru aussi court car Robin Campillo sait y mettre le rythme nécessaire et insuffler cette énergie vibrante de l’acharnement. Il est évident que 120 battements par minute a des chance de quitter Cannes avec un prix car on ne ressort pas de la salle indemne. En tout cas chez Maze on est convaincu•e•s que ce film est une révélation et impatient•e•s de voir comment il sera reçu en salles. Parce que de notre côté, on a le coeur arrêté et le souffle coupé.