Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale.
Lous and The Yakuza – GORE
Le tant espéré tout premier album de la fascinante Lous and the Yakuza, Gore, est sorti le 16 octobre 2020. Après avoir détonné sur la scène francophone et à l’international – on se rappelle notamment son passage au COLORS studio – Lous est de retour dans nos playlists avec un 10 titres en solitaire. Entre Pop et Rap, Marie-Pierra Kakoma avait déjà conquis les hautes sphères de la critique en bousculant les frontières des genres musicaux, et ce à coups de puissantes paroles, vibes doucereuses et d’une esthétique visuelle toujours plus travaillée. En effet, on connait déjà les titres Dilemme, Tout est gore, Solo, Bon acteur et Amigo qui révélaient au grand jour l’immense talent de la jeune belge. Elle figurait d’ailleurs en feat aux côtés de son homologue Damso sur le très attendu QALF. « Il faut que je sacrifie un peu de mon intimité pour une cause plus grande », déclarait-elle au magazine YARD. C’est ce qui caractérise Gore. Une autobiographie intimement contée, entre faiblesses, rédemption et espoir. Elle prône l’amour et le recul tout en abordant avec justesse ses racines, la maladie sur Amigo, la trahison avec Messes basses, la prostitution dans Courant d’air ou encore le viol avec Quatre heures du matin. Gore, produit par El Guicho (ayant collaboré sur El Mal Querer de Rosalia), est donc un creuset d’ambiances et de grands écarts maîtrisés avec exactitude et souplesse. Lous dénonce et chante le Tout comme s’il était cohérent. Elle recouvre de sa voix profonde la chanson francophone et s’offre une voie sans embûche vers un succès mérité.
Sortie le 16 octobre
Coups de cœur : Quatre heures du matin, Solo
Inès Zeghoul
Zed Yun Pavarotti – Beauseigne
Parler de misère sans perdre la lumière : voilà ce qui pourrait résumer ce premier album. Après trois projets dont French Cash paru en 2019, l’âme grise de la nouvelle scène française dévoile Beauseigne, un premier disque peuplé de rêves impossibles et de désillusions. Beauseigne (« le pauvre » en argot stéphanois) conjugue les obsessions musicales de l’artiste : du rap évidemment, mais aussi une identité rock/folk marquée par des balades tantôt à la guitare tantôt au piano. Rappeur torturé, rockeur triste, ou pop-star sous auto-tune ? Difficile de classer le chanteur et ce n’est pas plus mal. Quatorze titres où Zed Yun Pavarotti nous fait goûter aux paradis perdus, les siens, mais aussi ceux de son époque. Des idéaux partis en fumée et des amours en clair-obscur : Beauseigne déborde d’une mélancolie lumineuse qui réussit à ne pas tomber dans le trop sombre. Un album riche en sonorités où la plume est frontale, parfois énigmatique sans jamais perdre son auditeur-ice. Un disque profondément sensible qui se veut malgré lui miroir d’une génération de cœurs brisés qui cherche désespérément des fleurs dans le désert.
Sortie le 9 octobre
Coups de cœur : Mon Dieu, Mon Frère, Merveille, Rien
Pauline Pitrou
Kevin Morby – Sundowner
Une fenêtre sur l’extérieur, c’est ce que nous propose Kevin Morby avec cet album arrivé plus ou moins par surprise – une image qui s’offre à nous grâce à des mélodies dépouillées comme il sait si bien les faire. L’artiste déploie des guitares superbes et sa voix toujours plus vigoureuse – on ne notera plus le nombre de fois où l’on songe à Bob Dylan ici. Le calme inhérent à cet album fait souvent la part belle aux pointes énergiques comme pour le morceau Wander qui scinde ici en deux l’album, le laissant basculer lentement dans une sérénité plus profonde jusqu’à Provisions. Si Sundowner semble parfois un peu trop lisse, un peu trop simple dans ses évolutions sonores, Kevin Morby signe néanmoins un très bel objet indé-folk qui saura mieux que jamais accompagner nos rêveries automnales.
Sortie le 16 octobre
Coups de cœur : Valley, Sundowner
Caroline Fauvel
Omar Apollo – Apolonio
Omar Apollo sait comment brouiller les pistes et il nous le montre définitivement dans ce premier album à l’allure visuelle brillante sobrement intitulé Apolonio – on notera ici le travail contrasté de la cover. Ici il mêle tout ce qu’il sait faire de mieux, chanter en espagnol comme en anglais, dans un mix impeccable de vibes indés et de hip-hop percutant. Certains morceaux se veulent aussi plus soul dans leur essence même comme Want U Around – en featuring avec le prodige australien Ruel. L’artiste renouvelle ainsi la profondeur de son identité en s’affranchissant du style si poli de ses précédentes compositions. Apolonio est incisif, inscrit dans son époque et est assurément un des meilleurs albums de ce semestre.
Sortie le 16 octobre
Coups de cœur : Bi Fren, Useless
Caroline Fauvel
Future Islands – As Long As You Are
C’est une énergie profonde qui nous enivre à l’écoute de cet album. Future Islands sait manier les mots et faire jouer nos émotions – toujours grâce à la voix unique de Samuel T. Herring – mais aussi à des instrus inscrites en arrière plan laissant voir au delà. Le fondu synthétiques des synthés et des guitares est à la fois discret et exaltant. Le groupe travaille ici ses émois, ses sentiments, ses troubles propres à notre ère et parvient à les traduire dans une musique qui demeure éternelle dans son inscription sonore. Tout semble ici fait pour durer, c’est comme si As Long As You Are avait toujours été là : de la ferveur tenace de Born in a War, à l’espoir suscité par Plastic Beach, en passant par la mélancolie transmise par City’s Face.
Sortie le 9 octobre
Coups de cœur : For Sure, Born in a War
Caroline Fauvel
EDGE – Interlude 1.9 (EP)
Après son apparition dans l’album 220 du groupe The Hop, EDGE libère son premier projet Interlude.1.9. Un EP qui secoue dès la première écoute et nous élève à un très haut niveau. En cinq morceaux, le rappeur parisien nous accueille dans son univers où il découpe avec aisance chaque prods de manière précise. Sa propre plume à l’humeur noire sculpte son quotidien qu’il nous partage de façon aérienne dans Tango ou de manière incisive dans 19. EDGE s’inscrit dans une scène émergente du rap français avec un premier projet plein d’entrain. Il rappe son spleen à travers une vision noire qui vient teinter son monde de rose car qu’importe les quatre saisons, EDGE est comme « soleil de plomb » et rayonne dans ce rap jeu.
Sortie le 16 octobre
Coup de cœur : Tango
Isaac Daim
One Night Stands 2 (Compilation)
Vous reprendriez bien un peu d’été ? La Belle Records remet le couvert avec sa seconde compilation One Night Stands – après un vol.1 sorti en 2019. C’est un ensemble magnétique que nous laisse entendre cette selecta de renom – ici la création émergente, avec notamment Eran Yaari et Takiru sur le morceau Tanduri, côtoie des artistes que l’on ne présente plus comme Get A Room !, qui signe ici avec Jungle Night Walk l’un des morceaux phares de cette création sonore, ou Akkan et sa Tramuntana. La part conséquente des partitions instrumentales laisse onduler un flot continu d’empreintes sonores synthétiques mais plurielles. La musique se veut ici mondialisée, universelle et sincère retranscrivant sans concession l’esprit du label.
Sortie le 9 octobre
Coup de cœur : Dimanche soleil de Rodion et Leonard De Leonard
Caroline Fauvel