SOCIÉTÉ

Les nouveaux pauvres du coronavirus

© Manon Massé / Flickr

Depuis le début de la pandémie du Covid-19, la crise sanitaire se double d’une crise économique mondiale. En France comme en Belgique, ceux qui étaient déjà dans une situation financière précaire basculent, impuissants, dans l’extrême pauvreté. Une situation inédite où chacun tente de survivre.

Ils sont intérimaires, étudiants, auto-entrepreneurs, saisonniers ou encore employés dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Perdre leur emploi du jour au lendemain est le facteur principal de leur paupérisation.

Quand tout s’arrête

Pour les étudiants, ces petits boulots sont vitaux pour financer leurs études, leur logement et assumer leur vie quotidienne. Privés de leur seule source d’argent, les enseignants craignent un décrochage scolaire qui permettrait aux étudiants de limiter leurs frais.

En Belgique, l’Assemblée générale des étudiants de Louvain-la-Neuve estimait déjà en juin dernier que 30 % de leurs étudiants étaient en décrochage scolaire. Un chiffre qui ne cesse de monter.  Employés souvent comme serveur, serveuse ou encore barmaid, ils sont les premiers licenciés par leurs employeurs. Ces derniers tentent, eux aussi, de survivre en réduisant le personnel.

Si les étudiants perdent leur emploi, les intérimaires aussi ne sont pas épargnés. Vivant grâce à la multiplication de missions de tout ordre, ils ont été rapidement mis sur le banc de touche par les agences d’intérim. Leurs missions s’arrêtent subitement, leur CDD n’est pas renouvelé et retrouver un travail est un véritable parcours du combattant.

Pierre (prénom changé), intérimaire de 47 ans, témoignait pour France Info  : «  Pour survivre, je mange une fois par jour et je n’utilise du carburant que pour aller aux entretiens d’embauche  ». Les intérimaires se retrouvent à accepter même les missions journalières pour avoir un salaire minimal coûte que coûte.

« Le Covid a précipité entre 88 et 115 millions de personnes dans l’extrême pauvreté. »

La Banque Mondiale

Les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration subissent lourdement la crise. Bars, restaurants, cafés, hôtels : des lieux où les interactions sociales sont nombreuses et où «  le risque de propagation du virus est le plus élevé », selon les gouvernements français et belge. Totalement à l’arrêt durant le confinement, contraints de fermer depuis plusieurs semaines dans les zones rouges. Leur avenir est mis en péril à cause de la crise sanitaire et de nombreuses enseignes ne se relèveront pas face à ce qu’ils considèrent comme le « coup de grâce » de la part du gouvernement français.

Si la période estivale leur permettait de remonter petit à petit la pente après le confinement, elle aussi n’était pas suffisante car le tourisme fonctionnant au ralenti, le nombre de clients était largement inférieur à ceux des années précédentes. Cette énième fermeture est donc synonyme de licenciements, retour au chômage partiel, chute du chiffre d’affaire et impossibilité de payer leurs charges sociétales.

Des aides alimentaires devenues indispensables

Pour tous, les dettes s’accumulent et les fins de mois ne peuvent plus être bouclées. Ceux que l’on surnomme les « nouveaux pauvres » doivent se confronter à l’univers de l’aide sociale et du caritatif auquel ils n’étaient pas habitués. Les associations voient débarquer une nouvelle population dans ses files d’attente. Ils sont près d’un million de Françaises et de Français à s’ajouter aux 9,3 millions de personnes vivant déjà en-dessous du seuil de pauvreté monétaire (moins de 1063€ par mois).

Tous les acteurs de la solidarité font le même constat : les demandes d’aide alimentaire ont considérablement augmentées. Le Secours Populaire comptabilise 1 270 000 nouvelles demandes d’aide depuis le début du Coronavirus contre 3,3 millions sur toute l’année 2019. Ce pic de demande de 47 % est décrit comme une « situation inédite depuis le Seconde Guerre Mondiale » selon Henriette Steinberg, la secrétaire générale de l’association.

Ces nouveaux pauvres sont plus urbains : des étudiants, des jeunes travailleurs, des commerçants, des retraités à revenus modestes, des familles qui n’ont pas accès aux aides sociales ou encore des travailleurs au noir ou précaires. Toutes ces catégories de personnes ne sont pas comptabilisées dans le décompte quotidien du ministère de la Santé car bien souvent ils n’ont pas été malades. Ils ont perdu leur emploi et souffrent en silence. Cette montée brutale de la pauvreté exige une réaction rapide et efficace de la part du gouvernement. Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, appelle à la création d’un fonds d’aide pour rembourser les loyers impayés et éviter une hausse des expulsions locatives en 2021.

Comment faire face à la crise économique ?

Les associations caritatives estiment que l’exécutif doit « sortir de sa réticence à augmenter les minima sociaux et de sa volonté de durcir les conditions d’indemnisation au chômage ». Face à la dégringolade sociale, le gouvernement français proposait un nouveau plan pour relancer l’économie du pays chiffré à 100 milliards d’euros. L’objectif est simple, retrouver le niveau de richesse d’avant la crise sanitaire. Après 800 000 suppressions d’emplois, le gouvernement se dit prêt à soutenir davantage les entreprises pour qu’elles passent le cap de la crise et qu’elles recommencent à embaucher. Les aides prévues sont nombreuses et visent les secteurs les plus touchés mais aussi les ménages les plus fragiles.

Les entreprises les plus impactées par la crise seront prises en charge à 100 % jusqu’à la fin de l’année en cas d’activité partielle de droit commun ou de longue durée. De plus, les prêts garantis par l’Etat resteront accessibles jusqu’au 30 juin 2021. Les hôtels, les restaurants, les cafés et les secteurs du tourisme, de l’événementiel – sportif et culturel – sont particulièrement concernés par les décisions du gouvernement. En effet, ils seront exonérés de leurs cotisations patronales s’ils ont déjà perdu 50 % de leur chiffre d’affaire. Leurs cotisations sociales, elles aussi, seront couvertes.

Pour les ménages qui ont perdu leur emploi et qui tombent dans l’extrême pauvreté, le gouvernement prévoit aussi de les aider. Les bénéficiaires du RSA recevront une aide de 150 euros. Et ceux qui touchent l’allocation de solidarité spécifique recevront une aide de 100 euros par enfant, pour six semaines. Les jeunes ne sont pas oubliés dans les annonces gouvernementales. Un dispositif « garantie jeunes » a été mis en place, pour les jeunes de 16 à 25 ans. Il consistera à les accompagner vers l’emploi et a distribué une allocation, pouvant aller jusqu’à 497€ par mois. Enfin, les étudiants seront aussi concernés par l’aide de 150 euros, dédiée initialement aux bénéficiaires du RSA.

La pandémie du Covid-19 et la crise économique tentent d’être menées de front par le gouvernement français mais aussi par les autres gouvernements européens. L’augmentation de l’extrême pauvreté est considérée comme un « retour en arrière » par la Banque Mondiale. Parmi ceux qui souffrent en silence de cette crise, beaucoup ne relèveront pas la tête et devront fermer leur entreprise avant la fin de l’année 2020.

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