© Wang Quan’an
Wang Quan’an, qui avait remporté à raison l’Ours d’or aux Berlinale de 2007 avec Le Mariage de Tuya, revient en salle en France le 19 août 2020 avec La femme des steppes, le flic et l’œuf (Öndög).
Après une longue introduction mettant en scène deux chasseurs aux conversations triviales, le film est lancé. Un corps nu est retrouvé au milieu de prairies mongoles. Celui d’une femme, visiblement assassinée. Un policier est alors envoyé sur place afin de surveiller le corps dans l’attente de son identification. Dans le rude climat des steppes, une jeune bergère est chargée de le protéger. En somme, Wang Quan’an nous rend les témoins d’une histoire qui, dès ses débuts lorgne sur l’absurde : c’est l’histoire d’une femme qui surveille un homme qui surveille un corps.
Dans ces plaines balayées par un vent froid, le silence n’est que très rarement coupé par le pas lent d’un chameau, par une scène absurde, un dialogue à l’ironie mordante où dans lequel pointe des traits d’humour noir. La Femme des steppes, le flic et l’œuf est un film très contemplatif qui souffre parfois de problèmes de rythmes. Le tout reste très poétique et pendant 1h40 les images semblent parler d’elles-mêmes.
Ce n’est d’ailleurs qu’au bout de ces 1h40 de films que toutes les clefs de l’histoire seront livrées au spectateur. On peut en ce sens reprocher au long-métrage sa construction parfois contestable qui a tendance à ne pas en dire assez du passé et des relations entretenues entre les personnages.
Si La femme des steppes, le flic et l’œuf est un titre tout westernien, la réalisation de Wang Quan’an rappelle également ce genre dans une certaines mesure. Le réalisateur partage avec le western un amour des plans larges – des paysages arides à perte de vue, presque vides de toute vie humaine – ainsi qu’une mise à distance du spectateur, témoin. Et c’est cette position de témoin que le spectateur occupera pendant la majeure partie du film.
Pourtant, le réalisateur chinois possède également la capacité de décrire les relations humaines, amoureuses et sexuelles. Lorsque l’histoire prend un tournant plus intime, la caméra se rapproche des corps qui s’enlacent, devient presque voyeuse, à travers les vitres d’une yourte. C’est dans l’intimité d’une femme hors-norme, dans une société encore conservatrice que s’introduit cette caméra. La bergère (Dulamjav Enkhtaivan) célibataire devient une figure indépendante et intelligente qui saura finalement tourner la situation à son avantage.
Dulamjav Enkhtaivan, véritable bergère en dehors de l’écran, est remarquable dans ce rôle qu’elle incarne, à l’évidence, avec un grand naturel. L’ensemble du casting est d’ailleurs amateur ce qui donne une authenticité indéniable au long-métrage.
Le personnage de la bergère n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui incarné par Nan Yu dans Le Mariage de Tuya qui mettait déjà en scène une protagoniste autonome et intelligente faisant preuve de loyauté envers son premier mari et d’entêtement à l’égard de ses nouveaux prétendants. Deux femmes résolues à vivre leurs vies comme elle l’entendent mais dont l’une s’en sortira mieux que l’autre. De fait, La femme des steppes, le flic et l’œuf se termine sur une note d’espoir là où en 2007 Wang Quan’an livrait à Tuya une fin beaucoup moins optimiste.