CINÉMA

« A Perfect family » – tendresse imparfaite

© Haut et Court

Pour son premier long-métrage, la réalisatrice Danoise, Malou Reymann aborde un sujet très personnel, la transition sexuelle de son père, devenu une femme. Elle en fait une fiction familiale attendrissante mais appesantie par des choix narratifs peu originaux.

Le titre pose la question. Qu’est-ce qu’une famille parfaite ? A Perfect Family, tente d’y répondre. L’amour est-il plus fort que les changements bouleversants les certitudes ? Quand Thomas décide de devenir Agnete, de commencer sa transition vers la femme qu’il s’est toujours sentie être, quand la mère de ses enfants demande le divorce, sa plus jeune fille Emma (Kaya Toft Loholt), en pleine période de préadolescence, va être chamboulée.

Dès l’ouverture du film, le procédé peu original de caméscope à l’épaule – pour filmer les enfants qui grandissent, le temps qui passe, et les instants de bonheur figés dans l’éternité comme pour appuyer la paternité de Thomas – schématise le film. Un beau sujet – personnel – raconté et filmé avec tendresse, pourtant un premier métrage imparfait car la cinéaste ne pousse pas assez son histoire et ses personnages dans leur retranchements, offrant une impression désagréable de « déjà-vu ». Les souvenirs de l’époque joyeuse de l’enfance reviennent sans cesse ponctuer A Perfect Family sous forme de flashbacks, comme une boucle narrative incessante. 

© Haut et Court

Malou Reymann tombe alors malheureusement dans tous les pièges à éviter de la chronique familiale : les scènes de danse et de chant heureuses, les conflits débouchant sur des engueulades, les incompréhensions de chaque protagoniste, tout cela paraît très attendu. Elle enferme ses personnages dans des cases où ils sont beaucoup trop caractérisés, tous sont très sympathiques mais ont quand même un fort caractère. La mère n’est absolument pas exploitée, si l’enjeu de montrer les relations père-filles face à ce chamboulement est bien compris, il est dommage de la faire disparaître en un claquement de doigts pour la faire revenir dans la deuxième partie par un autre claquement de doigts.

Néanmoins, inspirée par les notes de son père, la cinéaste explore en profondeur la transidentité et son impact sur la concernée et son entourage en interrogeant les notions évidentes de paternité et maternité. S’il pourrait être reproché au casting d’avoir fait le choix d’un acteur cisgenre pour incarner le père, Malou Reymann se défend à raison en prenant le parti de faire vivre à l’acteur le véritable inconfort d’une transition, le regard des autres, trouver des vêtements de femme à sa taille, etc. Et Mikkel Boe Følsgaard se glisse parfaitement dans la peau d’Agnete, offrant de superbes scènes quand elle décide d’emmener ses filles en vacances en se faisant passer pour leur mère. Emma est perdue et doit apprendre à aimer au-delà des changements venus perturber la vie de famille socialement acceptée dans laquelle elle vivait avec sa sœur, elle beaucoup plus compréhensive car plus âgée. La vie personnelle de la réalisatrice sert ici à merveille son scénario apportant la justesse et la sincérité aux sentiments contenus de la jeune héroïne qui doit apprendre à s’accepter soi-même et ceux qu’elle aime. Il serait bon pour son prochain film que la cinéaste continue à creuser l’intimité des personnages en s’affranchissant des facilités et convenances qui ont plombé A Perfect family qui reste néanmoins une chronique familiale touchante non dénuées de qualités, déjà par l’importance fondamentale de son sujet au cinéma.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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