© D.R.
Tiré du roman éponyme de Vito Russo, The Celluloid Closet est sorti sur les écrans en 1995, provoquant une vague de réactions incroyables. Ce documentaire, réalisé par Jeffrey Friedman et Rob Epstein, tente d’expliquer comment les films Hollywoodiens ont façonné les représentations LGBT+, et surtout, comment ils ont influencé le regard du public.
Plus de vingt ans après sa sortie, The Celluloid Closet reste l’un des documentaires les plus justes sur cette représentation au cinéma. Maze a rencontré l’un des deux réalisateurs, Jeffrey Friedman.
Pourquoi avoir choisi de faire un film d’après le livre de Russo ?
Jeffrey Friedman : Vito était un ami. Il est mort du SIDA avant d’avoir pu voir le film terminé. C’était un grand cinéphile et un historien. Il avait beaucoup de recherches sur la représentation LGBT+ dans les vieux films et nous avons trouvé cela très intéressant. Nous nous sommes servis des exemples qu’il avait choisi dans son livre et nous en avons ajouté des plus contemporains.
Dans le film, vous montrez des exemples de scènes où il est difficile de passer à côté d’une représentation homosexuelle. Pourtant, dans les années 50, la censure était présente...
J.F : Oui, le code Hays a changé beaucoup de choses dans le monde du cinéma. À l’époque, il n’y avait pas de système qui interdisait, notamment aux mineurs, d’aller voir certains films. La censure a donc interdit de représenter des actes sexuels à l’écran. Il me semble que dans le code, l’homosexualité était classée comme une déviance sexuelle.
Alors on interdisait l’homosexualité à l’écran pour protéger les enfants ?
J.F : En quelque sorte. Mais c’était surtout un moyen pour les studios de s’auto-protéger. Pour que leurs films ne soient pas interdits. Dans les années 60, ils ont mis en place les avertissements en fonction de l’âge, toujours présents aujourd’hui.
« Hollywood, le grand faiseur de mythes, a appris aux hétéros ce qu’ils devaient penser des gays et aux gays ce qu’ils devaient penser d’eux-mêmes. »
Lily Tomlin, The Celluloid Closet
Code de censure ou pas, certains vieux films ont un sous-texte clairement homosexuel…
J.F : Oui ! C’est ça qui est incroyable ! Mais le public ne voulait pas les voir, notamment parce que cela les amenaient directement à penser au sexe. La vie homosexuelle était cachée. Les gens ne faisaient qu’imaginer ce que deux hommes ou deux femmes pouvaient bien faire ensemble.
The Celluloid Closet fonctionne sur une alternance d’extraits de films et l’intervention d’acteurs et d’actrices qui ont joué un rôle LGBT+. En 1995, avez-vous eu du mal à trouver des volontaires ?
J.F : Pas vraiment. Lily Tomlin est la narratrice du film et nous la connaissons bien. Et nous avons également Shirley McClaine, pour son rôle dans La Rumeur. Une fois que Shirley a dit oui, c’était plus facile d’avoir d’autres acteurs. Nous avons seulement eu trois refus. Tous les autres étaient d’accord pour parler de leur rôle sans problème.
Comment expliquez-vous le fait que plus de vingt ans après sa sortie, le film soit toujours aussi important en termes de représentation ?
J.F : Personnellement, je m’en rends compte lorsque je parle avec le public. Beaucoup ne se doutent pas qu’il y ait autant de sous-textes queer dans les vieux films. Et pourtant, c’est bien là. Lorsque le public sort de la salle, il prend conscience de ce que le cinéma est capable de faire : dresser le portrait de la société mais également la pousser un peu dans la bonne direction.
Est-ce que cela veut dire que vous êtes satisfait de la représentation actuelle des personnages LGBT+ sur les écrans ?
J.F : Oui et non. C’est mieux qu’il y a trente ans. Lorsque j’étais jeune, il fallait fouiller pour trouver des personnages queer. J’ai l’impression que cela est plus facile aujourd’hui. Notamment grâce aux films indépendants et à la télévision, aux plateformes de streaming, etc. Mais cela n’est jamais assez. Il faut accepter de mettre de la diversité de tous les côtés de la caméra. Devant et derrière.
« Pas besoin d’avoir bu pour coucher avec Catherine Deneuve, peu importe avec qui vous avez couché auparavant. »
Susan Sarandon à propos de son rôle dans Les Prédateurs de Tony Scott
C’est vrai que lorsque cela a commencé, les films qui parlaient d’homosexualité étaient réalisés par des homosexuels…
J.F : Tout à fait et je pense que c’est normal. On commence par écrire sur ce qu’on connaît. Mais il y a également de très beaux films faits par des réalisateurs hétérosexuels. Il ne faut simplement pas que leur regard soit tout de suite dirigé vers la sexualité. Même si cela est important, comme dans n’importe quel couple, cela ne doit pas être ce qui ressort le plus du film.
Pour terminer, pouvez-vous donner les meilleurs films queer que vous avez-vu récemment ?
J.F : C’est très compliqué comme question ça… Récemment, je dirai Moonlight de Barry Jenkins, Carol de Todd Haynes, Love Simon de Greg Berlanti, que j’ai trouvé très beau. Et l’un de mes préférés : My Beautiful Laundrette de Stephen Frears, sorti dans les années 80 et qui est assez incroyable.